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Le centre d’achats du mois : la Place Frontenac

Visite guidée de ce «dead mall» que les citoyen.ne.s du Centre-Sud tentent de sauver.

Par
Olivier Boisvert-Magnen
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Trois ans après sa fin précipitée, cette chronique reprend du service pour une raison louable : donner un peu d’amour à la Place Frontenac, ce centre d’achats du Centre-Sud qui poursuit sa descente dans les abysses de la déchéance et de l’abandon depuis plusieurs années. Heureusement, des citoyen.ne. s du quartier ont pris les choses en main dernièrement, et nous les avons rencontrés.

Ceux qui fréquentent le 2600 Ontario sont habitué. e. s de devoir quotidiennement guesser quelle porte d’entrée va avoir la force de s’ouvrir parmi les huit proposées. En ce samedi 8 février plutôt achalandé, les choix sont encore plus réduits qu’à l’habitude.

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Une douce musique live, chantée avec une grâce rappelant les soirées karaoké du pub Les Sportifs sur Fullum, se rend à nos oreilles, ce qui nous fait croire que ce samedi à la Place Frontenac aura quelque chose de bien spécial. À notre entrée, nous tombons nez à nez avec cette feuille rose explicative.

Cette journée d’action citoyenne bat son plein lorsque nous arrivons dans le cœur des festivités. Impossible de demander mieux.

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Tentant de comprendre ce qui arrive, nous nous arrêtons au kiosque informatif central (lire : une table avec du café pis des feuilles) pour parler à des responsables. Une dame prénommée Louise nous explique ce que nous avions constaté lors de nos visites ponctuelles des trois-quatre dernières années : la Place Frontenac tombe en ruines.

Devant ce taux d’occupation commercial qui tombe à vue d’œil, les bénévoles de l’organisme Centre-Sud Debout ont décidé de se mobiliser pour faire entendre leurs voix auprès des élus municipaux et des frères Bertone, qui sont propriétaires d’une grande partie du centre commercial. L’organisme à but non lucratif Gestion des Trois Pignons, propriétaire des Tours Frontenac juste en haut de la Place, aurait soi-disant mainmise sur l’autre partie.

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Dans ce Centre-Sud qu’elle considère comme un désert alimentaire et vestimentaire, Louise voit la Place Frontenac comme le seul endroit commercial accessible pour les gens moins bien nantis et/ou à mobilité réduite. « Vraiment, ça fait dur ! » juge-t-elle.

De là l’importance de la mobilisation, qui elle s’incarne à travers des slogans placardés ici et là sur les murs du centre.

Le plus irrévérencieux :

Le plus audacieux :

Le plus SPÉCIAL :

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Plutôt fière des formules-chocs trouvées par son équipe, elle nous transmet au passage l’ensemble de son brainstorm. Coups de cœur instantanés pour les simples, mais très efficaces slogans : « On aime le guichet automatique », « On a besoin d’un fleuriste » et « Valérie Plante, réveille-toi ! ».

Désirant comprendre davantage les tenants et aboutissants de cette action citoyenne pour le moins festive, j’ai récemment donné un coup de fil à Imane Allam de Centre-Sud Debout.

Elle m’explique que cette mobilisation du 8 février dernier faisait partie d’une longue joute de bras de fer avec les frères Bertone et l’administration municipale : « Le centre d’achats a été acheté par les frères Bertone il y a un peu plus de cinq ans. Ce sont des spéculateurs, et les élus n’ont pas de leviers législatifs pour intervenir vu que c’est une propriété privée. On a parlé à notre conseillère d’arrondissement, Sophie Mauzerolle, afin de lui faire part des problèmes qui incombent les citoyen.ne. s du quartier, notamment au niveau de leur sécurité dans le centre… Mais on nous a poliment dit de nous adresser à la régie du logement. Bref, on pellette les problèmes dans la cour de l’autre. »

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Dès le départ, les intentions des frères Bertone étaient claires, nous dit-on : « Ils avaient rencontré les citoyens au centre Jean-Claude-Malépart (NDLR Centre sportif situé juste en face) et ils avaient parlé de leurs grands projets sans trop s’étendre sur le sujet. On n’a jamais voulu nous dire ce que c’était exactement, mais les rumeurs parlaient de l’agrandissement du IGA et de la construction de bureaux. Bref, des projets qui sont loin d’être adaptés à un quartier défavorisé comme le nôtre. »

Depuis, les projets sont au point mort : « Et ils ont même augmenté les loyers. Certains commerces ont même été menacés (d’éviction)… Ils utilisent des techniques malicieuses, et le centre d’achats est presque désert. C’est grave ! »

Où les gens vont-ils acheter leurs journeaux maintenant ?

Ça prendrait une nouvel administration aussi.

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Les survivants sont donc peu nombreux à la Place Frontenac. Outre les richissimes IGA, Familiprix et McDo, on y retrouve le gracieux restaurant Bercy, chouchou des citoyen.ne. s.

Peu importe tes finances, il est impossible de penser mettre la clé dans porte pour de bon quand tu vois ça.

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Le Village des Bas Prix lui aussi a cette chance inouïe de pouvoir voir les autres commerces fermer avant lui. D’ailleurs, il commence à s’adapter à l’ambiance mortelle de la place avec son enseigne partielle.

Fait à noter : ce magasin offre aussi des services assez surprenants.

Jeu de mots du MILLÉNAIRE ?

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Si vous voulez une coiffure qui va vivre dans la nuit, c’est par ici :

Combien de centres d’achats peuvent se vanter d’avoir à peu près autant de commerces ouverts que de téléphones publics ?

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« Pour nous, la Place Frontenac, c’est symbolique. On veut que ce soit l’emblème d’une grande restructuration du quartier, car c’est un lieu qui regroupe les intérêts de beaucoup de personnes », résume Imane Allam, quand on lui demande la raison précise de cette mobilisation, alors que le Centre-Sud est miné par d’autres enjeux aux très graves conséquences, comme l’embourgeoisement et les hausses de loyers qu’elle implique.

Devant l’inaction de l’arrondissement, l’organisme visera plus haut dans les prochains mois. « On a perdu espoir en nos élus municipaux. Nous sommes tanné. e. s, fatigué. e. s… Même insulté. e. s par leur réponse ! Prochainement, on va aller porter notre dossier à Québec. On n’a pas encore fait de réunion à ce sujet, mais on veut permettre aux gens du quartier de venir avec nous à l’Assemblée nationale. On va sûrement louer des autobus. »

Pas certain que Legault va mettre ce dossier sur le haut de la pile, mais souhaitons-leur quand même la meilleure des chances.

Photos par Marilyn Moreau et Olivier Boisvert-Magnen

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