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Le brutal retour du brutalisme
Habitat 67 + Cybertruck + URSS + Twitch = monde de brutes
Il était une fois un style audacieux et radical, né dans l’architecture de l’après-guerre. Il privilégiait sans complexes les matériaux bruts, l’exhibition de l’infrastructure technique et la rupture avec le passé.
Ses premiers promoteurs furent les Britanniques Peter et Alison Smithson, mais ses deux plus grands noms sont des stars : Le Corbusier et Mies van der Rohe.
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Ce style, c’est le BRUTALISME, et Montréal en est l’écrin. Pensez à Habitat 67, à la moitié des pavillons de l’Expo, et à ces grosses bâtisses anguleuses qui vous font de l’ombre.
Le mot «brutalisme» n’est ni une insulte ni du sarcasme. Curieusement, il ne vient pas de «brutal», comme dans «coup de pelle dans la face», mais de l’aspect «brut» des matériaux comme le béton et l’acier.
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Rude et pas feng shui pour deux cennes, il dérange et agresse l’œil du quidam. On l’accusera de promouvoir la laideur, de défigurer nos paysages, de déshumaniser nos villes, de favoriser la criminalité, de mal vieillir.
Paradoxalement pour un style aussi tranchant, sa définition est floue, ce qui permet à chacun de le réinterpréter.
Formes massives, angles vifs, répétition mécanique des formes, le brutalisme va connaître son apogée dans les années 1950 et 1960, avant d’être collectivement dénigré. Rude et pas feng shui pour deux cennes, il dérange et agresse l’œil du quidam. On l’accusera, parfois à juste titre, de promouvoir la laideur, de défigurer nos paysages, de déshumaniser nos villes, de favoriser la criminalité, de mal vieillir. Il sera associé aux cités dortoirs, à la construction bas de gamme, au communisme du bloc de l’Est.
«Puissent nos bétons si rudes révéler que sous eux nos sensibilités sont fines», écrivait pourtant Le Corbusier. Cette poésie est à chercher dans une sorte de second degré du design où l’œil ne se laisse pas bercer, mais se frotte à de nouvelles formes.
En tout cas, le brutalisme connaît depuis peu un nouvel essor post-technologique et investit désormais toutes les sphères du design.
En novembre dernier, lorsque Tesla a dévoilé son Cybertruck, les mâchoires sont tombées avec le même bruit qu’il y a 60 ans, devant les bâtiments en légos de béton. Bang, un pick-up plus carré qu’un char d’assaut! Pour les besoin de la chronique, je précise que le logo du Cybertruck n’est pas brutaliste, mais plutôt néopunk et illisible. Suis-je le seul à avoir lu TABARNAK?
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La force – et la faiblesse – du brutalisme, c’est qu’il ne se soucie pas de séduire: son but est de répondre à une problématique fonctionnelle, sans crémage ni fioritures.
La force – et la faiblesse – du brutalisme, c’est qu’il ne se soucie pas de séduire : son but est de répondre à une problématique fonctionnelle, sans crémage ni fioritures. Si le pliage de la tôle est plus facile quand les arrêtes sont nettes, le véhicule sera anguleux, point. Il manque un peu de cet humanisme compatissant dans lequel baigne notre belle société, mais c’est imparable. Du moins en théorie.
Le design brutaliste a fait son apparition dans l’univers numérique en imposant des interfaces dépouillées et contrastées, pleines de références au bon vieux html des années 1990. Bien entendu, il existe un répertoire (non officiel) des sites brutalistes. Le paroxysme de la chose, c’est quand un site brutaliste répertorie des bâtiments brutalistes!
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Double plogue : quand mon ami Le gars de prod m’a montré sa nouvelle identité (créée par Maître D), je me suis écrié : «Hé, tu t’es payé un logo brutaliste!».
De fait, l’actualité graphique voit régulièrement émerger des logos qui relèvent de cette tendance.
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D’autre part, un grand nombre de logos bien établis peuvent être associés (parfois accidentellement) au brutalisme. Ici…
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… et ailleurs.
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Vous voyez que ce n’est pas si violent! C’est même rassurant de familiarité, non?
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À défaut d’une définition coulée dans le béton (lol), ce qu’on pourrait retenir du brutalisme, c’est ceci :
Les designers minimalistes arrêtent leur geste au moment où l’œuvre devient confortable. Les brutalistes s’arrêtent avant.