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Le box-office est-il en quarantaine? Julien Bernachez pose la question
En avant pour ma chronique!
J’avais prédit 48 millions pour Onward le dernier Pixar, ce qui aurait déjà été la pire première fin de semaine de la dernière décennie pour le sympathique studio. Figurez-vous qu’il a fait encore moins bien, avec 39,1 millions. Je n’étais pas bien loin, heureusement pour mon ego, mais un résultat aussi décevant mérite réflexion. La majorité des studios d’animation seraient satisfaits d’un tel début, supérieur à la plupart des sorties récentes du même genre. Mais Pixar est habitué à faire le triple, avec un budget largement au-dessus de la moyenne, alors il est difficile de ne pas se poser quelques questions. J’y vais avec la plus évidente : est-ce que le damné coronavirus commence à faire ses premières victimes dans le monde du cinéma?
Dans le domaine qui nous intéresse, le cinéma, on sait aussi que le dernier James Bond sortira 7 mois plus tard que prévu. Un film de 250 millions, à la production complétée et qui avait déjà débuté sa promotion.
De le présumer donne l’impression d’alimenter la peur ambiante. Pourtant, il faut admettre que les conséquences sont déjà réelles sur le monde qui nous entoure. Coachella, Pearl Jam, et un nombre incalculable d’événements culturels ont été annulés ou reportés. Dans le domaine qui nous intéresse, le cinéma, on sait aussi que le dernier James Bond sortira 7 mois plus tard que prévu. Un film de 250 millions, à la production complétée et qui avait déjà débuté sa promotion. Les coûts reliés à ce déplacement sont estimés à 30 millions, et on peut présumer que c’est bien plus encore puisque ce type de production a des budgets publicitaires pouvant atteindre 150 millions.
Est-ce que le studio le fait pour la sécurité publique? Nah, le studio le fait pour sauver les meubles. Parce que ces films ne sont conçus que pour être profitables. Un effort promotionnel mettant l’accent sur le nombre de morts dans la salle plutôt que sur l’écran serait probablement… un peu trop audacieux.
Le beau James Bond est le premier à subir ce sort, mais sera-t-il le dernier? Plusieurs sorties de gros films approchent, comme Mulan (qui s’adresse d’ailleurs clairement au marché asiatique) ou Black Widow. Seront-ils repoussés aussi? Est-ce que les gens désertent présentement les salles de cinéma? Pour ma part ce n’est pas le cas, mais ces nouveaux facteurs seront peut-être à considérer dans les prédictions du box-office.
Ah, pis les gens sont pas allés voir Onward parce que le buzz n’est pas là pis les bonhommes sont lettes. Sur ce, passons à la nouveauté de la semaine!
The Hunt, film de chasse (!) le plus attendu depuis La bête lumineuse. Production fortement controversée, le film est une satire de la division profonde entre l’Amérique rouge et bleue, représentée par une partie de chasse entre les deux clans. Dans le climat de tueries de masse constantes et presque banalisées, le film (sans avoir été vu par qui que ce soit) a été taxé de long métrage de mauvais goût et a été l’objet d’un des 600 tweets matinaux du coloré (dans le sens d’orange) Trump. Notons au passage que ce dernier a aussi condamné la grande victoire de Parasite aux Oscars, prétextant qu’il s’ennuie des bons films américains comme Gone With the Wind. C’est le genre de gars qui doit regarder Independance Day alarmé croyant que c’est un documentaire. Tout cela a obligé le studio à repousser la sortie de septembre dernier à ce vendredi 13. Sans avoir changé une seule une image, on tente de faire la promotion du film en le présentant comme « le film qu’on vous a interdit de voir ». Toute cette attention a donc été bénéfique pour lui et ses détracteurs ont perdu au change. Plus souvent qu’autrement la bonne approche quand on veut faire taire est de garder le silence.
N’empêche, le problème majeur, à mon avis, est l’omniprésence de la politique polarisante dans les médias américains, reflétée dans le film, qui va à l’encontre de l’expérience cinématographique de monsieur-tout-le-monde-j’hais-ma-job-ma-vie-ma-famille-etc., qui est essentiellement de se changer les idées du quotidien morose.
Tout cela étant dit, va-t-il connaître le succès financier? Selon la critique, plutôt positive, il est efficace comme un thriller qui carbure à l’humour noir. Ce serait donc un bon divertissement, mais il est aussi dénonciateur et corrosif que le statut Facebook d’un oncle éloigné. Sa sortie sur 2500 écrans (plutôt que le 4000 d’un Pixar ou Marvel) n’aide pas sa cause non plus. N’empêche, le problème majeur, à mon avis, est l’omniprésence de la politique polarisante dans les médias américains, reflétée dans le film, qui va à l’encontre de l’expérience cinématographique de monsieur-tout-le-monde-j’hais-ma-job-ma-vie-ma-famille-etc., qui est essentiellement de se changer les idées du quotidien morose. Pour ces raisons, je prédis une pauvre fin de semaine de 8 millions, ce qui le dirigerait vers un box-office total de 20 millions, justifiant son budget de 14 millions. Maigre succès d’estime qui vieillira mal, trop ancré dans son temps.
La semaine prochaine, on se demandera si A Quiet Place 2 saura faire autant de bruit que son prédécesseur. Parce que le box-office, c’est fascinant !
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