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Le besoin d’amour

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Les Québécois ont beaucoup discuté de séparation durant les quarante dernières années. L’idée de souveraineté a fait son chemin, connu ses hauts et ses bas. Certains voulaient se séparer du Canada. Au nom de plusieurs principes, dont on peut longuement débattre.

Aujourd’hui, la séparation se vit différemment. Non pas sur ce vieil axe anglo-franco, ni sur les bienfaits de la péréquation au sein de la fédération canadienne. Encore moins sur l’appartenance politique formelle à un parti en vue des prochaines élections. On sent un énorme besoin d’évoluer, d’embrasser de nouvelles convictions.

Et pourtant, tout cela est flou. Le gouvernement semble naviguer à vue. Considérant le contexte actuel, on sent que les libéraux du premier sinistre Charest auront fort à faire pour incarner la confiance. Le schisme est social. Le lien est brisé.

La grève étudiante a déclenché un mouvement, imprévisible quant à sa résolution. On constate un clivage net entre Montréal, Québec et les régions, ce qui nourrit le moulin. On peut d’ores et déjà parler de fracture.

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Le nombre effarant de positionnements liés à cette crise donnerait un mal de tête aux fabricants d’aspirines. Les éditorialistes, chroniqueurs et stakhanovistes du commentaire se sont déchainés durant les cent quelques jours de cette crise. Parions qu’ils se déchaineront encore.

L’opinion s’est lentement muée en une vaste rumeur composée d’une kyrielle d’opposants s’obstinant, débattant, déchirants, au point de diviser des familles, des groupes d’amis, des collègues de travail. Des groupes. Des gens.

Puis il y a eu la loi 78. Toute spéciale. Guerre ouverte envers Jean Charest.

Violence, bâtons, arrestations. Déceptions.

À l’inverse, si l’on veut s’attarder au côté strictement positif des choses, la situation sociale unit beaucoup de gens. C’est un gain considérable. Un câlin d’Anarchopanda nourrit beaucoup plus qu’un éditorial enflammé.

Parce que l’union fait supposément la force, on se regroupe. Au nom d’une pléthore de principes légers ou fondamentaux, délétères ou bétonnés, on «s’unionise». Peut-être un peu car on a peur de rester seul. Et on se pose la question, encore plus aujourd’hui : «Les unions, quossa ca donne ?»

Beaucoup de love. Un peu de volupté parfois.

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Manifesta

En excluant le facteur printemps, l’hormonal et le masculin (utilisé ici pour m’alléger le texte), je mentirais en disant que je ne suis pas tombé amoureux plusieurs fois durant la marche du 22 mai. Dans une mer humaine considérable, les probabilités de trouver quelqu’un d’attirant décuplent.

Toutes ces femmes qui s’étaient vêtues de rouge pour l’occasion m’ont fait péter le .08 de l’émotion. L’ivressomètre dans le tapis, en rentrant de la zone de combat, j’ai versé plusieurs larmes.

Merci les filles, grâce à vous je me sens mieux. Depuis que je vous vois dans la rue quotidiennement, l’impression de vivre dans un pays en décrépitude s’estompe peu à peu. Après plus de 100 jours de grève, vous êtes un baume sur mon mal national.

Quand tout cela sera terminé, on pourrait faire des enfants. Parce qu’il me semble qu’on se bat pour eux aujourd’hui.

Je t’aime manifesta, où que tu sois. Et casserolata aussi.

Toutes deux vous m’empêchez de dormir la nuit. Pour une foule de passions. Et quelques raisons aussi.

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Divorce

Quand on se sépare, forcément c’est dur. Si on vit encore dans la même maison, c’est encore pire. On a beau être adultes et rester calmes, il arrive que des éclats de voix s’envolent.

Alors on prend sur soi, en démontrant notre maturité au nom des beaux moments que l’on a passés ensemble. Et si d’aventure on a de la progéniture, j’ose espérer que tout sera fait pour leur épargner le marasme.

Un peu plus haut je disais que le Québec connaissait bien l’idée de séparation. Il me semble cependant que nous sommes en instance de divorce depuis beaucoup trop longtemps. Aujourd’hui, à force de se déchirer, on oublie que ceux qui paieront pour nous sont nos enfants.

En fait, ils paient déjà beaucoup. En coups de matraque, en nuits au poste, en insultes, en cas de figure éditoriaux.

Ça n’a rien de sexy. Et pourtant j’ai plus que jamais envie de me reproduire. Question que ma marmaille grandisse et batte le pavé (et pour le plaisir un peu, je l’avoue). Les tout petits, c’est aussi eux les gardiens de la démocratie. Seulement voilà, personne n’a envie qu’on leur fasse du mal. Ca serait dommage qu’ils se retrouvent en première ligne. Ne le sont-ils pas déjà ?

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Parce que lorsqu’on se sépare, le couple s’évapore. Mais les enfants restent et se souviennent.

Ils se souviendront.

40 ans plus tard

Parlant de souvenirs, je connais un couple qui a récemment célébré quarante ans de vie commune. Ce sont mes parents. Je leur dis bravo, parce qu’en plus d’avoir élevé deux enfants plutôt particuliers, je déduis qu’ils ont du faire des compromis assez souvent. La recette du succès ? Beaucoup de dialogue, ainsi qu’une propension à ne pas juger l’autre. Éviter le moralisme. Et surtout de la patience et du courage.

Face à l’adversité, face aux enfants gâtés, face aux conflits.

Sans oublier les regards, les sourires, les câlins. Tout ce qui vient de soi vers l’autre. Prendre soin de l’autre.

Une façon naturelle d’exprimer, jour après jour et quarante ans plus tard, un besoin aussi fondamental que nos droits.

Le besoin d’amour.