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Je n’ai jamais été dans les Scouts mais je sais que chaque expédition requiert un équipement adéquat.
Ma destination : IKEA West Side
Temps du voyage : dépendra de mon niveau de patience
Ma mission : devenir une meilleure personne
À défaut de savoir comment faire un nœud de pêcheur avec de la soie dentaire et de posséder un petit cass’ beige, je repère dans le stationnement du IKEA le nécessaire à mon escapade : les chariots. Leur disposition fort décalissée me confirme que la tornade ayant emporté Dorothée au pays des Munchkins est passée par le boulevard Cavendish. Il m’apparaît évident que d’emboîter lesdits chariots les uns dans les autres ne requiert pas le QI de Mark Zuckerberg, mais semble-t-il que le mécanisme derrière les poupées russes n’ait pas été compris par tous. Je me console en me disant que ce fouillis métallique abandonné par des extra-terrestres est une sorte d’œuvre d’art contemporaine. John Zeppetelli, v’là votre idée pour une prochaine expo au MAC.
Je me dirige vers l’entrée et l’apparition des portes tournantes me donne le vertige. J’ai le mal des transports et je ne supporterais pas de vomir dans ce manège circulaire, comme en 1998 à La Ronde où je n’avais eu guère le choix que de vider mes entrailles dans le Condor. Mais le destin m’appelle et dans un élan de courage, je m’enfonce à vive allure dans ce carrousel pas de chevaux. Je remercie la vie que le dispositif faisant tourner les portes soit aussi lent que Jacques Villeneuve. Mon estomac est épargné.
Toujours en vie, j’embarque dans l’ascenseur qui me transporte à l’étage idyllique : l’étage démo. J’adore cet étage car il me permet de m’installer longuement sur un sofa à la structure avant-gardiste et de méditer sur des questions existentielles telles que :
Qui suis-je ?
Où vais-je ?
L’auberge du chien noir va-tu se terminer un jour?
Ce matelas est-il confortable ?
À cette dernière question, plusieurs gens se plaisent à y répondre de différentes manières. Les plus timides testent la position de l’étoile ou celle du fœtus, les plus dévergondés sautent directement sur le matelas à pieds joints et les plus traditionnels s’assoient dessus et tâtent le tout avec leur postérieur. Tous agissent pour une même cause: évaluer le degré de mou du matelas. Même si certains pays ne légalisent pas encore ce droit fondamental, je pense que chaque citoyen du monde devrait bénéficier de ce pouvoir. LÉGALISONS LE TÂTAGE DU MATELAS!
En me promenant à travers les allées tout en essayant de ne pas crever l’œil d’un kid turbulent avec le pôle à rideau qui dépasse de mon panier, je m’arrête un instant pour admirer un détail bien fascinant. Je parle ici de la beauté singulière des noms des produits IKEA. Certes, leur appellation ressemble aussi à des noms de médicaments pour les reflux gastriques, mais il n’en reste pas moins que c’est extrêmement poétique. Pour n’en nommer que quelques-uns, on trouve l’armoire KALLAX, le fauteuil EKERÖ, la structure de lit NYVOLL ou le miroir GODMORGON. Suite à une séance de googlage fructueuse, j’apprends que ces meubles et accessoires sont baptisés selon des lieux, des prénoms ou des lacs de différents endroits de la Scandinavie. N’est-ce pas tout à fait exotique? D’ailleurs, je me demande si le même principe s’applique pour les chaussures Aldo; mais je doute que la botte haute ZIAWIA ou la chaussure plate YADOWET soient inspirées de choses faisant partie de notre patrimoine canadien. À tout le moins, ces noms feraient d’excellents choix pour remporter une partie au Scrabble.
Mon panier étant bien rempli, il est temps de régler mon dû et de quitter les lieux. Mais malheur ! Ô, malheur ! Je fais le tour 2 fois de ce labyrinthe de meubles et je ne trouve pas la sortie. C’est le cri du destin qui me conseille de m’inscrire aux Scouts afin de peaufiner mon sens de l’orientation. Mon instinct de survie me dicte alors de trouver un gardien de sécurité pour qu’il m’indique la sortie, mais force est d’admettre qu’il n’y a en a aucun dans les parages. 3 théories s’imposent pour celui-là :
-Il est déguisé en coussin de grandeur nature afin de repérer subtilement les kleptomanes du coin ;
-Il est en pause en train de profiter d’une généreuse portion de boulettes suédoises ;
-Il a revêtu la cape d’invisibilité, par conséquent, on ne le voit pas.
Je trouve finalement la sacrament de sortie et me rends à la caisse où la file d’attente est aussi longue et plate qu’une émission de Décore ta vie. J’hérite de la caisse pas de caissier alors je suis dans l’obligation de scanner mes cossins all by myself.
Puis, je me dépêche à sortir de cette jungle et une fois dehors, je prends une bonne sniffée d’air frais. Et là, j’ai une illumination.
Je me dirige vers l’endroit où tout a commencé. Comme guidée par une force inconnue, je m’empare d’un, puis de deux, et de trois chariots. Un à un, je les corde tels de petits soldats. L’exercice n’est pas simple : le vent dévie la trajectoire de plusieurs et pour ajouter au portrait, il se met à pleuvoir. Je compatis avec l’employé qui doit faire ça au mois de février à -40. Contre vents et marées, j’achève finalement ce dur labeur avec brio.
Alignés parfaitement, les chariots métalliques trônent au milieu de toutes ces voitures tels des œufs de Fabergé dans le salon d’un vieux Russe milliardaire.
Mission accomplie.
P.S. Merci IKEA pour vos étiquettes bien discrètes.
Photo: Gaëlle Leroyer