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L’autonomie alimentaire, qu’osse ça donne?
Pourquoi est-ce qu’on importe encore ce qu’on peut produire ici?

URBANIA et le gouvernement du Québec s’unissent pour parler d’alimentation, de GES et de résilience!
Fermez les yeux et laissez-vous porter par votre imagination. Vous allez à l’épicerie, vous voyez des légumes frais qui n’ont pas parcouru le globe en avion jusqu’à vous. Il y a des framboises en automne, des prix qui font sourire et le nom de fermes pas loin de chez vous. Un Québec qui émet moins de gaz à effet de serre avec son alimentation, est-ce un rêve? On a sondé des experts sur le sujet.
Un projet de société
L’autonomie alimentaire, selon Jean-Claude Dufour, ancien doyen de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, c’est « la capacité d’un État à produire la totalité de ce qui est nécessaire pour nourrir sa population ». Si, en ce moment, le Québec est autosuffisant pour près de 50% de sa consommation, c’est une proportion que le gouvernement et les producteurs veulent voir augmenter, et ce, pour plusieurs raisons.
La présente pandémie a braqué un phare sur la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales et souligné l’importance de se préparer à d’autres ruptures. Peu de choses sont certaines à propos de l’avenir, mais il y a fort à parier que les catastrophes climatiques feront de plus en plus partie de nos vies, à mesure que la Terre se réchauffe. L’autonomie alimentaire, c’est mieux s’outiller pour faire face aux changements climatiques, mais aussi travailler à ne pas les empirer par l’émission de gaz à effet de serre. Toutes les raisons sont bonnes pour manger ce qu’on produit chez nous!
«Par l’agriculture, on permet que des régions ne soient pas seulement exploitées, mais habitées.»
Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), se réjouit de l’intérêt renouvelé de la population et des décideurs pour l’autonomie alimentaire : « Le Québec serait gagnant sur les plans de l’économie et de la sécurité alimentaire, mais aussi de la santé et de l’environnement. Au Québec, on a des pratiques agricoles plus saines, on utilise moins de pesticides, on est beaucoup plus respectueux de l’environnement que d’autres États dont on importe les produits moins chers. » L’autonomie alimentaire est pour lui une manière de s’assurer de l’activité et de l’occupation du territoire dans toute la province : « Par l’agriculture, on permet que des régions ne soient pas seulement exploitées, mais habitées. »
C’est un enjeu qui anime la population, selon un panel citoyen organisé par l’Institut du Nouveau Monde et l’UPA en 2020.
C’est bien louable, mais comment ça marche?
En somme, il s’agit de produire plus de ce qu’on importe (les fruits et légumes, les céréales, les légumineuses).
Et si chaque famille remplace chaque semaine une valeur de 12 $ de son panier d’épicerie par des aliments du Québec, on serait capable d’augmenter de près d’un milliard de dollars la demande auprès des producteurs et des transports alimentaires québécois, en plus de générer de nombreux emplois.
Si cela vous paraît trop simple, vous avez raison.
Une question de technologies et de bonnes pratiques
« Le plus grand défi, ça va toujours rester l’accessibilité », explique Jean-Claude Dufour. À quoi bon augmenter la production si on ne peut pas vendre le produit? C’est là l’enjeu le plus crucial, pour l’ex-doyen : « Quand on parle d’autonomie alimentaire, on parle de nourriture qui doit être abordable pour tout le monde, pas juste pour les mieux nanti.e.s. »
«C’est un défi, mais un défi qu’on peut réaliser si on en a la volonté.»
Pour faire baisser les prix, on doit passer par la réduction des coûts de production. « C’est un défi, mais un défi qu’on peut réaliser si on en a la volonté. » Cette volonté passe par l’innovation et l’électrification, qui viennent régler des problèmes de main-d’œuvre, d’émissions de GES et d’alimentation des serres. Grâce à l’innovation et à la mise en place de meilleures pratiques agricoles, c’est possible.
Réduire le coût de l’énergie représente également un autre gros morceau pour faire descendre les prix des produits québécois. « Dans les années 90, le Québec était un leader au Canada dans les fruits et légumes. Et c’était grâce à des tarifs électriques préférentiels pour les serres. Maintenant que ce genre de programme revient avec Hydro-Québec, on va pouvoir se relancer. » L’hydroélectricité qui alimente les serres, en plus d’être peu chère, a le très grand avantage de ne produire que très peu de GES, contrairement aux énergies fossiles.
L’implantation du réseau d’électricité triphasée est particulièrement importante pour permettre aux agriculteur.ice.s de remplacer leurs équipements désuets et polluants. Ce type de courant permet de faire fonctionner des moteurs plus puissants à un moindre coût. On fait ainsi d’une pierre deux coups, en réduisant les coûts énergétiques en plus des émissions de gaz à effet de serre. Le Plan pour une économie verte 2030 du gouvernement du Québec prévoit 14 millions de dollars pour étendre le réseau triphasé à encore plus de fermes et de clients industriels des quatre coins de la province. La production d’électricité actuelle au Québec est telle que c’est le moment parfait pour effectuer le virage, selon Jean-Claude Dufour : « On n’est plus au temps où il fallait que les serres cessent de fonctionner aux heures de pointe de consommation d’Hydro-Québec pour lui permettre d’alimenter les villes. »
Des grandes fermes à nos potagers
Depuis cinq ans, Jean-Claude Dufour observe déjà une diversification des cultures sur les grandes exploitations agricoles. Il conçoit que, pour rester rentables, ces grandes productions devront produire encore plus. Cependant, l’autonomie alimentaire peut se faire dans des réseaux plus locaux et même à la maison.
Le modèle des fermes de proximité en est un bon exemple. Le réseau des Fermiers de famille alimente déjà directement les consommateur.rice.s sans qu’il y ait d’intermédiaire entre la ferme et eux. L’agriculture urbaine se développe également de plus en plus dans les grands centres, amenant des fruits et légumes frais dans des quartiers où il est parfois difficile d’en trouver.
Un système alimentaire plus local est beaucoup plus flexible devant des imprévus comme la présente pandémie, mais aussi les nouveaux défis qui découleront des changements climatiques à venir.
Si toutes les étapes, de la production à l’assiette, se déroulent localement, on réduit les distances parcourues par les aliments, ce qui à son tour réduit l’émission de GES. Un système alimentaire plus local est aussi beaucoup plus flexible devant des imprévus comme la présente pandémie, mais aussi les nouveaux défis qui découleront des changements climatiques à venir.
À moins grande échelle, il est possible de cultiver à la maison. « Que ce soit en se faisant un potager, en participant à un jardin communautaire ou en cultivant des fines herbes dans son appartement, les gens ont de plus en plus envie de faire pousser leur nourriture eux-mêmes. Et c’est de plus en plus facile », se réjouit Jean-Claude Dufour. Alors qu’on s’attend à ce qu’un nombre croissant de catastrophes climatiques causent des fluctuations notables dans le prix des aliments, il devient encore plus intéressant de faire pousser une partie de son épicerie.
Et les bananes?
« C ’est sûr qu’on ne peut pas encore faire pousser des fruits exotiques au Québec. Il y a une production artisanale, oui, mais à grande échelle, c’est impossible », concède l’ex-doyen. Il faut avouer qu’on s’est habitué à une offre diversifiée dans les épiceries. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on dira adieu aux bananes et aux ananas, mais cela ne veut pas dire que les Québécois.e.s sont condamné.e.s à manger des légumes racines toute l’année. « Il y a tellement de nouveaux marchés qu’on peut exploiter, les mini-légumes, par exemple. La demande est si forte, on en manque! »
cela ne veut pas dire que les Québécois.e.s sont condamné.e.s à manger des légumes racines toute l’année.
L’autonomie alimentaire demeure un défi de taille au Québec, alors qu’elle peut contribuer à la lutte contre les changements climatiques en renforçant la résilience des communautés, entre autres celle des régions. « Ça va demander une collaboration de tous les agents impliqués vers un but commun. Ça ne peut se faire sans une coordination de tout le système agroalimentaire. » Avec de la volonté et des ressources, il me tarde de voir de quoi auront l’air les rayons de nos futures épiceries.
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Saviez-vous que l’alimentation est responsable du quart de nos émissions de gaz à effet de serre? Pour lutter contre les changements climatiques, il y a le Plan pour une économie verte 2030. On a aussi abordé la question avec une bande de collaborateurs chevronnés dans la série Les Vieux Sages. Cliquez ici pour entendre ce qu’ils ont à dire sur le sujet!
