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URBANIA s’associe à la campagne Revêtir la position des femmes pour vous donner envie de changer le monde.
Février 2018. On entre par la porte discrète d’un édifice somme toute quelconque de Montréal. De l’extérieur, aucune identification. Speakeasy semi-secret? Pas vraiment. On s’apprête plutôt à entrer à la Maison Flora Tristan, là où trouvent refuge près de 250 femmes et d’enfants victime de violence conjugale chaque année.
Chloé, la directrice générale, nous accueille avec une bonne humeur à rendre jaloux Stéphane Bellavance. Le temps d’enlever nos bottes et d’enfiler des chaussons jetables bleus de dentiste, on comprend vite que derrière son entrain se cachent des statistiques troublantes « La violence conjugale, c’est 17 000 appels au 911 par an. C’est le type d’appel le plus courant, plus fréquent que pour les vols en tout genre. Ça donne un indice de l’ampleur du phénomène. » Croisé en se dirigeant vers le couloir qui nous mène vers les chambres où logent les femmes, un portrait à la mémoire de Daphné Huard-Boudreault (assassinée en 2017 présumément par son ex-copain) est d’ailleurs un rappel vibrant que ces chiffres ne sont, justement, pas que des chiffres.
« La violence conjugale, c’est 17 000 appels au 911 par an. C’est le type d’appel le plus courant, plus fréquent que pour les vols en tout genre. Ça donne un indice de l’ampleur du phénomène. »
Quand les femmes quittent un.e conjoint.e violent.e dans l’urgence, elles peuvent occuper une des 16 places réparties dans des chambres qui ponctuent les corridors de la Maison. « Les séjours de ce type – la “première étape” – peuvent durer entre 1 et 3 mois. « Parfois, le départ est planifié depuis longtemps, mais la dame attend le bon moment pour mettre son plan à exécution. Dans d’autres cas, le déclic va se faire quand elle a peur pour sa vie ou celle de ses enfants. Et dans ce temps-là le départ se fait dans la précipitation. On arrive généralement à placer tout le monde, on a déjà fait de la place pour 24 femmes et enfants en même temps. On fait aller nos méninges, on trouve des solutions! »
Au-dessus de nos têtes se trouve la “deuxième étape”, des appartements de transition où les femmes et leur marmaille peuvent se poser pendant plusieurs mois . « C’est à ce moment que le risque d’homicide est le plus élevé. Notre adresse reste secrète pour cette raison. Nos statistiques nous disent que ça prend en moyenne entre 6 et 8 départs avant qu’une femme ne quitte un conjoint violent pour de bon. » Ça semble énorme, et pourtant. « Les raisons sont nombreuses pour retourner auprès du conjoint. Il y a la peur, évidemment, mais aussi la pression de la famille, les bénéfices financiers de rester en couple et… ben il y a l’amour aussi. » Bref, quand on arrive à se rendre jusqu’au logement transitoire, c’est une grosse étape de franchie. Seul problème : les places en logement ne sont pas subventionnées.
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C’est ici que notre petit groupe éclectique entre en scène. Si Chloé nous raconte tout ça, si on est ici, c’est qu’il y a quelques semaines, elle a reçu un appel d’Anna Goodson (à la tête de l’agence d’illustrateurs du même nom) et de Nathon Kong (qui confectionne des complets sur mesure et qui s’est associé à plusieurs causes au fil du temps). « On voulait créer un mouvement pour lutter contre la violence conjugale en alliant nos forces : l’art et la mode. On est tombé sur la Maison Flora Tristan en faisant des recherches; ce qu’ils font est phénoménal et les besoins le sont aussi! À partir de là, notre idée de campagne de financement prenait une toute autre dimension. On l’a approchée pour lui proposer un projet » raconte Anna.
Ce projet, c’était la création et la vente de vestons et de foulards de luxe, dont les profits iraient à la MFT. « Par la suite, les choses se sont enchaînées : Nathon m’a fait connaître Miss Me, l’artiste de street art féministe qui a accepté de nous offrir le motif pour la doublure du veston et pour le foulard. De mon côté, j’ai convaincu Philippe (oui, “monsieur” URBANIA), de le porter pour montrer que les hommes doivent faire partie de cette lutte. C’est la rencontre de plusieurs univers. »
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L’artiste Miss Me, en pleine création d’une murale à la Maison Flora Tristan.
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La rencontre de plusieurs univers, elle se vit tous les jours à la Maison Flora Tristan. « Au total, nos intervenantes parlent 10 langues. C’est souvent difficile d’atteindre les femmes issues de l’immigration, elles ne savent pas toujours que des ressources comme la nôtre existent. » Et comme le visage de la ville change, la clientèle change aussi. « Ça va au rythme des vagues migratoires. On a accueilli nos premières femmes d’origine syriennes récemment. » Mais certaines choses, elles, ne bougent pas. « Ça fait 20 ans que je travaille dans le domaine et les maisons comme la nôtre sont toujours aussi pleines. »
Le découragement pourrait guetter, mais non. « Je rencontre des femmes tellement fortes! Nous on est des étoiles filantes dans leur vie. On est là pour les accompagner, pour leur donner des outils, mais on croit en leur autonomie. Quand elles sortent du cycle de la violence, ce sont elles qui ont fait tout le travail. » Et pour les inspirer, le couloir est parsemé de petits écriteaux : Kim Phúc, Shirin Ebadi, Rosa Park, Mukhtar Mai, autant de battantes qui se sont relevées, chaque fois.
« Ça fait 20 ans que je travaille dans le domaine et les maisons comme la nôtre sont toujours aussi pleines. »
Et parfois, les batailles à livrer sont à plus petites échelles. Mais jamais elles ne sont banales « Demain, c’est la St-Valentin. C’est une journée particulièrement difficile pour les femmes qui sont ici. C’est symbolique. On va organiser des activités pour qu’elles prennent soin d’elles, qu’elles apprennent à s’aimer. »
Le combat d’une vie. Auquel on va tenter de donner un petit coup de pouce.
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La campagne Revêtir la position des femmes prendra son envol le mardi 17 avril. Les détails sont ici.