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L’art bien coiffé de soulever le doute

Par
Catherine Ethier
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Je vous ai déjà parlé de mon caniche de grain. Je vous en parle souvent. Mais que voulez-vous; entre le moment où je me lève la coiffure de l’oreiller et celui où je mange ma dernière crumpet, Stella (ledit caniche), est souvent le seul être qui cligne des paupières avec qui j’interagirai dans la journée.

Je ne suis pas sauvage. Je suis travailleuse autonome.

Bon; je cède, je craque et j’avoue tout en hurlant mon NIP, je suis peut-être une petite affaire sauvage.

Toujours est-il que la bête est ma partenaire officielle d’à peu près tout (ET CE N’EST PAS TRISTE). De marche. De sommeil. Elle me regarde laver la vaisselle. Me mettre du déo et ranger mes boîtes de Stayfree. Elle me regarde regarder la télé et je vous le donne en mille, au moment de taper ces quelques pertinences, elle me fixe comme si j’étais une canne de paris-pâté. D’un regard perçant. Et si nous n’éructions pas à l’unisson depuis bientôt 7 ans, je quitterais la pièce lentement, en marchant à reculons vers la panic room.

C’est qu’on a la complicité de la fixette.

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Et comme je chéris cette bête comme ma première paire de souliers patins, quand les maux la frappent, je suis prise d’un violent vertige. Il suffit qu’une petite patte ait l’air off tempo ou qu’elle change sa trajectoire habituelle quand elle se traîne le rond de cuir devant la vitrine du bistro habituel pour que le cœur et les reins me lâchent.

Et la semaine dernière, c’était le pipi rouge. LE PIPI ROUGE.

Dans ma vaste expérience de murmureuse à l’oreille des chiens, jamais je n’avais vécu le pipi rouge. L’hernie discale et les gencives blanches, certes. Mais quand y’a du sang qui sort de ta paupiette, ça t’impressionne la Canadienne.

Évidemment, j’ai tout de suite hurlé à l’infection urinaire (avec perspective de cancer et de typhus. On lui amputerait une patte. Elle deviendrait le nouveau Terry Fox. J’imprimerais des gaminets et nous deviendrions symbole d’espoir).

Je me suis donc, pour la 162e fois cette année, allée chez le vétérinaire.

Je connais le chemin; quand j’ai adopté Stella, j’ai choisi le feu-follet de la gang. Le pompon le plus festif. Et celui qui ferait 12 otites et une grippe aviaire par solstice. Mais comme j’ai viscéralement besoin de quelqu’un pour me fixer quand je vais à la selle, je n’hésite pas. Je consulte (pour le chien. Pas pour moi. Pas encore).

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C’est donc la carte de crédit turgescente que j’expliquai à la vétérinaire l’objet de nos tracas, en tâchant de justifier l’étonnante coupe Longueuil de mon animal. Parce que comme on n’est pas sorteuses, des fois, ON SE FAIT DES PETITES COUPES.

Jadis, j’étais la petite cliente impressionnée. Inquiète. Sourcils en accents-aigu-grave. Mais j’ai du milage dans le tâtage de flancs et j’aime bien, je ne déteste pas, dis-je, qu’à un certain moment, on en vienne aux faits. Qu’on me dise ce qui se passe, avec la voix de Morgan Freeman.

Et GRAND DIEU que c’est jamais ça qui arrive.

– Là, j’aimerais me brandir le disclaimer et le bienveillant calmez-vous aux vétérinaires qui me liront fleurette. Je sais que vous ne faites que votre travail. Que vous êtes qualifiés et que moi, pas. Et s’il y avait une flaque d’eau sur votre chemin, j’y lancerais sans hésiter mon coat pour vous sauver le bottillon (et me magasiner un discount). –

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Ce qui arrive, c’est que chaque fois que je vais chez le vétérinaire, quels que soient les maux, l’objet du bobo sera bien la dernière affaire qui sera abordée.

C’EST QU’IL Y A TANT DE CHOSES À VÉRIFIER, AVANT.

J’ai beau être venue il y a trois jours, quand on appelle ma chienne, tasse-toi de d’là qu’une équipe de cinq techniciennes certifiées me ravit le caniche des bras pour la RE-peser, au milligramme près jusqu’à ce que les chiffes arrêtent de tousser pendant 10 secondes, sans quoi on recommence tout, on ferme la place, on refait le plâtre et on achète une nouvelle balance.

Mon chien pisse du sang. Plaît-il.

Mais ce n’est pas l’heure. Il faut d’abord lui inspecter les rotules. D’un coup qu’il y aurait un peu de lousse et qu’on puisse me recommander de la glucosamine, le regard sévère. Poète.

Et comme on est déjà rendus et qu’on vit de si beaux moments, pourquoi ne sortirions-nous pas le thé pour lui évaluer la qualité de la pupille.

“Oh! Ses iris sont plus minces que la moyenne. Ah. Votre chienne a peut-être besoin d’un détartrage. Mais sa gencive est belle. Un beau rose corail. Je vous dis qu’elle a toute une paire de chicklets, madame. Quel dentifri…”

MA CHIENNE PISSE DU SANG, dis-je, tic à la paupière.

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Mais ces gens de science sont tenaces. Ils en ont vu d’autres, des comme moi. Des pressées qu’on trouve la bonne couleur de pilule pour que le caniche qui tremble sur la grand’ table cesse de souffrir et qu’on puisse discuter camp de jour canin un autre tantôt.

Avant qu’on en arrive à l’objet de notre visite, chaque centimètre carré de sa mauvaise coupe fut inspecté. Vous savez, pour me recommander une petite crème. Un petit shampoo. Une immersion anglo-saxonne chez Berlitz.

La vétérinaire était après décortiquer le bulletin de 3e année de Stella quand j’ai posé ma petite main tremblante de writer sur la table d’inspection avec mon regard le plus convainquant de citoyenne sur le point de se caller un petit Monica la mitraille (il ne s’agissait là que d’un regard. Dans ma bourse, ne se trouvait qu’un lipsil et un vieux papier de Kinder Bueno. Mais ça, elle l’ignorait).

Inspection de l’abricot. Aiguille dans la vessie. Petit pot de pipi en route vers la NASA. Suggestion de radiographie. De test de vol. Évaluation de tap dance.

Oh. Madame.

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On trouvera peut-être des cristaux dans la fiole et là, il sera de bon ton de s’arracher le chemisier de sur le corps en courant en sens antihoraire, parce que si Stella est porteuse de cristaux, les cristaux les plus hypothétiques de toute l’histoire de l’hypothèse pis du peut-être, ben va falloir opérer. Et encore là (insérer ici petit silence vétérinaire qui laisse présager le pire et son superlatif).

Y’a pas un traitement qui ne me fut pas suggéré. Pour son bien. Parce qu’en cas.

Je ne suis pas celle qui porte le sarrau (sauf lorsqu’il me faut couper quelque chose en brunoise). Et lorsque doute est soulevé, je tergiverse. Je cligne. Suis-je indigne d’hésiter devant la perspective de ce scan pelvien préventif à 900$? Cette solution saline pour ses oreilles? Sa rotule pas casher?

Et ses iris? JE FAIS QUOI AVEC SES IRIS MINCES?

Ça fait que je suis repartie chez moi, caniche hystérique, avec le bill à la mesure de toué doutes soulevés dans c’te pièce-là.

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Et une inexplicable envie de me traîner le rond de cuir sur le cutter, moi aussi. Parce qu’il serait sensible pour quelques jours encore.

La bise.

PS TENDRESSE ::
je vous jure qu’il fut question d’iris minces.