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L’année sabbatique et l’art de demander un (long) break
Vous mourez d’envie d’écrire le roman que vous avez en tête depuis le cégep? Les retraites de yoga en Inde sont le seul remède à votre mal de dos? Vous rêvez de vanlife et de vous réveiller chaque matin entouré de chevreuils en rut? Ou vous avez simplement besoin d’un petit (gros) break de votre emploi, le temps de respirer un peu?
Vous savez qu’écrire un livre, c’est long, et que l’Inde, c’est loin. Et vous savez aussi que les congés de six mois, ça existe pas mal juste en France, pis même là!
[Voix d’infopub] Eh bien, le congé sabbatique est peut-être la solution que vous attendiez!
L’année sabbatique au Québec
Si on prend trente secondes pour lire le troisième livre de la Torah (j’fais ça les dimanches matins), on se rend compte que la proposition de prendre un break tous les sept ans remonte à loin. La règle numéro 4 du Lévitique 25 ne peut pas être plus claire : « la septième année sera un sabbat, un temps de repos pour la terre, un sabbat en l’honneur de l’Éternel : tu n’ensemenceras point ton champ, et tu ne tailleras point ta vigne. »
Autrement dit : tu vas chiller pendant un an, no matter what.
Comme quoi on interprète un peu ce qu’on veut des gros ouvrages, surtout quand il est temps de partir en vacances.
Ça n’explique pas tout à fait comment demander à votre patron si vous pouvez prendre congé pendant quelques mois, mais l’année sabbatique vient de là. Comme quoi on interprète un peu ce qu’on veut des gros ouvrages, surtout quand il est temps de partir en vacances.
Au Québec, les lois n’encadrent pas du tout le congé sabbatique. Mais ça se peut que ce type de congé se retrouve dans les conventions collectives, les politiques d’entreprise ou les contrats de travail. Si on fait le calcul, tous ceux qui pensent « faire le sabbat en l’honneur de l’Éternel » devront d’abord passer par leur patron.
Quelques règles générales existent, toutefois. Si les paramètres ne sont pas définis par l’employeur, les années sabbatiques sont souvent accordées :
– aux employés qui ont une certaine forme d’ancienneté
– pour une durée de quelques mois (de 6 à 11 mois en France)
– sans solde la plupart du temps
– si la compagnie peut se le permettre.
Voici donc cinq astuces pour maximiser vos chances de prendre du temps off lorsque vous demanderez à votre patron.
1. Pensez d’abord à la business
Votre patronne, qu’elle soit ben chum avec vous, a quand même un certain nombre de trucs à gérer au quotidien. Le genre de trucs un peu invisibles qui font en sorte que vous avez des collègues, une paie, des avantages sociaux, des clients, un portfolio, des assurances, etc.
Quand vous demandez à partir pour un certain nombre de mois, ayez un plan en tête : qui pourrait vous remplacer? Avec quels talents additionnels aux vôtres? Pour quel prix? Sous quelles conditions? Comment la business va bénéficier d’un vent d’air frais? Si vous arrivez avec toutes ces réponses dans un tableau, avec les montants afférents, les dates de tombées des entrées en fonction et les listes d’avantages à court, moyen et long termes, difficile pour un boss de ne pas vous prendre au sérieux.
2. Ayez un argumentaire personnel, aussi
La première question que votre patron va vous poser est la suivante : « Qu’est-ce que tu vas faire pendant ton année sabbatique? » Porte ouverte pour votre pitch! Toutes les raisons sont bonnes, mais doivent être intelligemment défendues.
Vous voulez simplement vous reposer? Parfait. Sortez vos arguments, parce que vous en avez sans doute : vous êtes moins performant au travail? Vous aimeriez grandir et apprendre de nouvelles choses? Vous devez profiter un peu avant de fonder une famille? À l’inverse, vous pouvez aussi profiter d’un peu de temps libre pour bâtir un nouveau projet, une nouvelle entreprise, écrire un livre, mettre sur pied un petit festival. Ce qui m’amène au troisième point.
3. Rendez votre année sabbatique intéressante pour la compagnie qui vous embauche
Alors là, vous changez de gear, comme on dit. Exemple : vous travaillez pour une compagnie qui fait de la gestion de communautés. Vous adorez ça, mais vous fatiguez un peu et vous avez envie de voir autre chose. Au lieu de partir pour la compétition, vous vous asseyez avec votre patronne, et vous lui présentez un projet : vous allez quitter pendant six mois en Asie afin d’écrire sur les différents expatriés québécois qui y travaillent. Au programme, un article par semaine, une série de photoreportages et une capsule vidéo par mois. Vous allez y mettre tout votre cœur, vos connaissances et votre talent. Si tout fonctionne, à votre retour, la communauté que vous avez bâtie pourrait être utilisée comme levier pour d’autres projets de l’agence, ou même, comme matériel de pitch pour trouver des clients dans d’autres coins du monde. Pourquoi pas?
4. Assurez-vous d’être qualifié pour le sabbat
Vous allez me dire que tout le monde peut l’être, mais la réalité est toute autre. Comme mentionné plus haut, la petite game de demander une année sabbatique au Québec est plus subtile et moins paramétrée. Ancienneté : venez-vous juste d’arriver à l’emploi de M. Stevenson? Ou est-ce que vous travaillez pour lui depuis 1999? Performance : êtes-vous systématiquement en retard dans vos livrables? Ou est-ce que vous faites toujours ce qui est demandé et même un peu plus? Attitude : êtes-vous impliqué et à l’écoute au boulot? Ou est-ce que vous levez le doigt du milieu un peu trop souvent derrière la machine à café? Si votre employeur vous passe en évaluation régulièrement, les résultats de celle-ci sont un bon indicateur de vos chances de succès lors de la grande demande.
5. Armez-vous de patience et d’ouverture d’esprit
Votre requête ne sera peut-être pas acceptée du premier coup, même si les points 1 à 4 sont parfaitement exécutés. Vous allez trouver ça injuste, vous allez être en crisse et vous allez faire des fuck you derrière la machine à café. La réalité c’est que votre boss vous aurait peut-être donné votre congé dans un autre contexte. Un contexte où sa compagnie a moins de pression, plus de clients, plus de marge bénéficiaire. Bref, des choses qui permettent une plus grande flexibilité avec les employés et les salaires. Parce que la business, c’est un peu comme la guerre : tu vas pas te faire un p’tit café pendant que tu te fais tirer dessus. Et si votre boss se fait tirer dessus, il va vous dire de prendre votre trou avec votre année sabbatique.
En somme, l’année sabbatique est un cadeau du ciel, l’une des bonnes affaires qu’on trouve dans la Bible (je ne pensais pas écrire ça un jour). Un concept vieux comme le monde (littéralement) qui pousse les êtres humains à prendre un break une fois de temps en temps. Et ça tombe bien, parce que les mammifères que nous sommes ont besoin d’un break, une fois de temps en temps. La triste preuve : le 28 mai 2019, le burn-out fait officiellement son entrée dans le vocabulaire de l’Organisation mondiale de la santé, bien que ce soit pas encore une « maladie ». L’OMS décrit le syndrome comme un « stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès, qui se caractérise par un sentiment d’épuisement, du cynisme ou des sentiments négativistes liés à son travail, ainsi qu’une efficacité professionnelle réduite. »
C’est là que devenir maître dans l’art de prendre un break prend tout son sens.