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Cette semaine à Langue Sale, les rappeurs vont chercher plus de zéros sur leurs chèques.
Obia le Chef —Zéros (Remix) feat Rowjay
« T’étais dans l’ordinateur pas dans la rue, le trap, le bendo
Que des mythos, des menteurs, les patnè cap; superhéros »
On a droit ici à une rencontre au sommet entre deux des rappeurs québ les plus populaires en France, Obia le Chef et Rowjay. Je trouve que c’est une collaboration qui a tellement de sens, parce que les deux artistes peuvent mutuellement booster leur visibilité sur le Vieux Continent en plus de faire un gros move pour la scène locale. En plus, c’est toujours dope de voir un OG comme Obia connecter avec la jeunesse et montrer qu’à Montréal, il y a beaucoup de love à distribuer.
Il y a plusieurs lignes qui méritaient d’être citées, mais j’ai retenu celle-ci parce qu’elle mélange jeu de mots, real life shit et du slang que vous ne connaissez peut-être pas. En effet, on a droit à un punchline typiquement 2018 lorsqu’Obia dit : « les patnè cap; superhéros ».
Bon, décortiquons les layers. Il faut savoir que la ligne vient de l’expression américaine « no cap » qu’on a vue arriver en 2018, qui veut dire « j’te le jure » ou « je te mens pas ». Sauf que le Chef, c’est un gars clever et il a compris que « cap », ça sonne comme « cape », ce que portent les superhéros qui sont aussi connus comme les « patnè cap ». Bref, « patnè cap », ça veut dire à la fois « mentir » et « les gars qui ont une cape » — ou « superhéros » si vous préférez. Ouf, vous pourrez pas dire qu’on apprend rien dans Langue Sale!
Sinon, on a également Rowjay qui affirme qu’il n’ira jamais en prison parce qu’il a de très bons avocats. On n’en doute pas, vu sa passion pour les avocats juifs, mais on lui recommande quand même de holler à Serge (@sergeavocat sur IG), l’avocat d’Enima. C’est de loin le plus gros baller des avocats du rap queb et considérant de quelle merde il a sorti le rappeur de MMS, on se dit qu’il serait difficile de faire mieux.
YH —FÉLONIE feat White-B
https://www.youtube.com/watch?v=ZmocvSxXaFY
« On débarque sans être invités, le rap est mort j’ai pas de pitié
Si tu m’demandes de t’expliquer, on s’était dit bro qu’on les barre »
Autre collaboration d’envergure entre YH, rappeur cagoulé, et White-B, tête forte du 5Sang14. Le street rap est tellement actif, c’est beau de voir cette scène foisonner malgré l’indifférence relative des médias du milieu. J’étais d’ailleurs très down de voir le 5Sang14 débarquer au complet lors de l’enregistrement de l’édition montréalaise de l’émission La Sauce, où on a d’ailleurs rencontré l’animateur Médhi Maïzi lors de son passage en ville. On a hâte de voir ça, parce que des rappeurs comme Lost ou White-B méritent cet exposure.
Par contre, on va se le dire : souvent, avec le street rap, on retombe dans le même genre de chanson. Refrains chantés, couplets tout en harmonies et en douceur et on parle de #SALE. Ici, c’est plutôt réussi, même si on a parfois du mal à savoir si c’est YH ou White-B qui rappe.
Dans tous les cas, White-B a raison quand il affirme que lui et son équipe « débarque(nt) sans être invités ». Je vous en parle souvent, et je suis pas le seul, mais même si la scène que bâtissent les Enima, les Lost, les Izzy-S, etc. évolue en marge de l’industrie « légitime » du rap québ, ce sont eux qui récoltent le plus de vues et d’écoutes.
Le seul problème que je peux voir pour la pérennité du street rap québ, c’est qu’il sonne énormément comme son équivalent français. Alors, les possibilités d’exportation du genre sont peut-être plus limitées que pour un Loud ou un FouKi qui ont des sons bien à eux (et qui sont blancs, ce qui n’est pas un hasard non plus, malheureusement). Ceci dit, dans le rap jeu moderne, ça ne prend qu’une chanson pour blow up, et cette chanson, n’importe quel artiste cité dans cette chronique pourrait la produire.
Kris the $pirit – LEMONADE
https://www.youtube.com/watch?v=T5f24ShvtX8
« This ain’t no movie role; ain’t got no gimmicks
We been ‘bout that business, my cousin cook work like a chemist »
On a beaucoup parlé de Nate Husser dans la dernière année, avec raison. Par contre, il ne faut pas oublier Kris the $pirit, son boy dans l’aventure The Posterz (qu’on espère voir revenir un jour). Plus lowkey que Husser, Kris arrive toutefois en force avec un extrait de son nouveau mixtape The Prana.
Les rhyme schemes sont on point, le flow est posé et la technique travaillée. Ça donne un résultat efficace, plaisant, mais un peu court. C’est une bonne chose au final, car ça donne envie d’aller écouter le reste du tape. On parle encore une fois de la vraie vie, du grind, du « moi j’suis clean mais mon cousin était dans le trap » ; bref, des ingrédients gagnants quand vient le temps de faire du rap.
Je pense que Kris the $pirit peut faire partie de cette nouvelle vague qui propulsera le rap québ anglo vers des sommets inexplorés, au même titre que Naya Ali, Husser, Ceas Rock, Mori$$ Regal, Mike Shabb ou Kevin Na$h. Suffit maintenant d’accoter les attentes, parce qu’un article sur Complex, c’est cool, mais ça crée pas un fanbase non plus. J’ai hâte de voir le poulain de Make It Rain confirmer tout ça devant public.
SHOUTOUTS
Parlant de Mori$$ Regal, un gros shoutout pour son nouveau clip, Double “S” en collaboration avec Nicholas Craven et Vincent Pryce. C’est un des rappeurs anglos les plus sous-estimés en ville et je dis ça en toute subjectivité, parce que si vous regardez bien, vous pouvez apercevoir ma gueule de rappeur dans le clip. Oups.
Un autre shoutout pour les Gros Bonnets d’O.G.B. qui ont sorti le premier single de leur EP Fruit Jazz, l’énergique Cherry Pickers en collaboration avec Bkay du groupe LaF. Ça annonce des très grosses choses pour le lancement du projet le 6 décembre au Ausgang!