Cette semaine, les étoiles du rap québ éclipsent le soleil, FouKi parle de liberté d’expression et Mike Shabb passe moins de deux minutes à Los Angeles.
Souldia ft. FouKi & Eman — Nouveau Soleil
« Y a les couleuvres, y a les boas
Encore un chef-d’œuvre, le game dans le coma
Traumatisé, je retrace no one
Je n’ai pas le sourire de la Mona »
Grosse collab ici alors que Souldia va chercher FouKi et Eman pour un feat interstellaire. Sur Nouveau Soleil, les trois MCs vont loin dans les astres! Le refrain signé FouKi est excellent et les rappeurs s’échangent des verses inspirés, dérivant un brin vers le mumble rap, mais juste assez.
La palme de la chanson revient au cadet du morceau, FouKi, qui mélange les références à Dans une galaxie près de chez vous, Star Wars et à d’autres œuvres de science-fiction. Les deux OGs ne sont pas en reste : ils nous sortent des verses mélodiques qui, surtout dans le cas d’Eman, confirment la tendance du rap queb à favoriser des sons harmonieux basés sur la mélodie plutôt que sur la qualité pure des rimes. Moi, tant que ça donne un bon vibe, je n’ai rien contre.
Ce qui est également bien dans cette chanson, c’est de voir un vétéran comme Souldia s’ouvrir aux nouvelles sonorités. Il aurait été facile pour lui, à voir sa popularité dans le rap queb, de se replier sur l’énorme fanbase qu’il a habilement su construire depuis une dizaine d’années plutôt que d’innover. À la limite, il s’agit plutôt d’un risque pour Souldia, qui présente un son plus doux qui pourrait aliéner ses fans un peu plus conservateurs dans leur rap.
Sauf qu’il est là, avec Eman et FouKi, à sortir un autre hit qui pourrait facilement tourner à la radio. La bonne nouvelle, c’est qu’à la radio, on s’en fout si tu souris comme la Mona Lisa ou pas.
FouKi ft. Koriass — Woosh
« Tu devrais garder d’la salive pour plus tard
Ou économiser pour une langue de porc
Langue propre ou langue sale
Liberté d’expression, ferme ta yeule »
FouKi est décidément LE rappeur incontournable du moment. En parallèle du featuring avec Souldia, le jeune Léo a récemment sorti son album ZayZay en grande pompe. L’album est dope, bien ficelé et rempli d’un savant mélange de knowledge et de légèreté comme seul le kid du Plateau Hess sait le faire.
Sur Woosh, gros banger au potentiel indéniable de ver d’oreille produit par FouKi et Quiet Mike, en collaboration avec le grand frère Koriass, le rappeur vient confirmer la raison d’être de cette chronique. Pourquoi? Parce que comme il le dit si bien : « langue propre ou langue sale », peu importe, c’est la liberté d’expression qui compte (pis le bon rap, mettons).
D’ailleurs, certains ont cru que FouKi visait la chronique avec cette ligne, mais il n’en est rien. Mais, ça fait mon bonheur parce que l’ambiguïté des diss dans le rap, c’est un de mes trucs préférés. Combien de fois est-ce qu’un fan de rap s’est demandé à quel rappeur faisait référence un sneak diss d’un autre rappeur? De mon côté, ça doit être dans les quatre ou cinq chiffres.
Alors, tant mieux si les gens parlent d’une ligne ou d’une autre, parce que c’est ce que cette chronique s’efforce de faire depuis maintenant presque un an. Dans un paysage rap qui a tendance à de plus en plus s’affaiblir dans ses rimes au profit de la musicalité et des « vibes », c’est agréable de voir qu’on peut encore apprécier une ligne en particulier.
Sinon, j’attends toujours la première référence à la chronique dans un verse. À qui la chance?
Mike Shabb — ALL BLACK
« My choppa singin’ ‘’Lalalala’’
I’m disappearing n***a you know that I never lack
Loudpack smelling’ like Similac
If they lookin’ for me I get rid of that »
Le chef du LITGANG est de retour avec ALL BLACK, une chanson avec un bon vibe qui, tout comme celles du EP de Jeune Loup, est beaucoup trop courte. Ici, on retombe heureusement dans le même style que sur Big Bag, une esthétique musicale qui plait beaucoup à Shabbo. Sauf qu’une minute cinquante, c’est trop peu. On a à peine le temps de se mettre dans l’ambiance que la chanson est déjà terminée.
C’est dommage, parce que le clip tourné à Los Angeles est nice et représente bien la joie qu’ont le rappeur et son crew à s’exporter aux States. Et même si la chanson est moins axée sur la qualité des paroles, on y retrouve quand même des passages qui m’ont bien fait rire — particulièrement le « choppa singin’ ‘lalalala ». J’ai littéralement pouffé de rire en entendant cette ligne.
Pourtant, elle n’a rien d’extraordinaire, mais l’image est hilarante à mon avis. Ça fait maintenant plus de vingt ans que les rappeurs tentent de trouver de nouvelles façons de dire qu’ils vont tirer sur des gens. Pour Mike Shabb, les flingues font « lalalalala ». C’est drôle, innocent et drôlement poétique en même temps. Je tenais donc à souligner la créativité nécessaire pour parler de l’utilisation d’un gun, tout en le faisant sonner si sympathique, agréable, doux.
C’est finalement une belle représentation du « gangsta » rap actuel, puisque la grande majorité des rappeurs street nous servent maintenant des ballades tristes à la tonne. Comme si les rappeurs avaient réalisé que ce n’est vraiment pas tant nice, finalement, vendre de la drogue et tuer du monde. Dans les mots de Tizzo: « Reste à l’école. Avoir un diplôme c’est le fun ».