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Langue Sale : Rymz fuit le sommeil

Une analyse des meilleurs et pires verses de la semaine.

Par
Simon Tousignant
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Cette semaine Ă  Langue Sale, on aborde le tournant pop du rap queb, l’arrivĂ©e de la ville de QuĂ©bec dans le paysage du street rap, et la diffĂ©rence entre talent et potentiel commercial.

Rymz — Marchand de sable

« Parait que le monde est Ă  moi, j’me dis “on verra”

J’veux porter de l’or et de la soie, drunk au bord des vagues

J’ai grandi prùs du vide, my god garde-moi loin du diable

Le temps file, dans mon regard les larmes sont des rasoirs »

Rymz est back avec un nouveau single, Marchand de sable. Une ode aux longues nuits en collaboration avec Karim Ouellet, qui n’est bizarrement pas crĂ©ditĂ© dans le titre, malgrĂ© le fait qu’il signe le refrain. La chanson, un beau mĂ©lange entre rap et pop, vient possiblement annoncer une direction plus grand public pour le prochain projet du spĂ©cialiste de la Vie de Renard. C’est accessible et il y a peu de doutes que Joyride cherche Ă  trĂŽner dans les palmarĂšs et autres tops BDS des radios commerciales.

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Beaucoup y verront une dĂ©viation dans le simple but de vendre. Cependant, on oublie que les artistes ont le droit d’avoir envie de faire de la musique pop. Un rappeur bien en vue de la scĂšne m’avouait d’ailleurs rĂ©cemment prendre plus de plaisir Ă  faire des chansons plus pop pour son fanbase fĂ©minin que des couplets au flow soutenu sur des beats trap. Loud affirme ĂȘtre un grand fan du genre, et ça s’entend dans sa musique, alors qu’il prend un malin plaisir Ă  mĂ©langer gros verses et refrains pop. Ça semble ĂȘtre Ă©galement le cas pour son partner de label Rymz, qui n’en est pas Ă  sa premiĂšre envolĂ©e vers les contrĂ©es du mainstream.

Et c’est tant mieux! Je ne sais pas pour vous, mais tant qu’à entendre du Drake ou du Post Malone Ă  la radio commerciale queb, je prĂ©fĂšre largement qu’il y ait des artistes d’ici en rotation. Surtout qu’un rappeur comme Rymz, sans grandes envolĂ©es lyriques, arrive tout de mĂȘme Ă  glisser des belles images dans son texte.

Il est bon de voir Joyride arriver avec du nouveau contenu. L’hĂ©gĂ©monie de 7iĂšme Ciel des derniers mois aurait pu nous faire oublier qu’il existe d’autres bonnes maisons de disques rap au QuĂ©bec. Avec ce nouveau single de Rymz, l’album de Loud qui se dessine Ă  l’horizon ainsi que ses deux dates au Centre Bell, ça risque d’ĂȘtre un autre Ă©tĂ© record pour l’écurie de Carlos Munoz.

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Finalement, tout le monde mange, et c’est tant mieux comme ça, parce que c’est signe d’un rap queb en santĂ©.

Steve Beezy — 3.5

« Dans mon blunt, Purple Haze comme un album de Killa Cam

Le rap marche pas; rien Ă  foutre, on trap, on scam

VĂȘtu tout de noir comme la famille Addams

Limoilou – y a pas du sucre dans nos cabanes »

Steve Beezy, rappeur de Limoilou actif depuis maintenant plusieurs annĂ©es, arrive avec 3.5, un single de qualitĂ© qui annonce son prochain projet La rĂ©forme 4. Proche d’Alaclair Ensemble, il continue d’avancer dans l’underground avec le respect de ses pairs Ă  dĂ©faut d’avoir celui des fans de rap queb. C’est peut-ĂȘtre avec ce nouveau tape qu’il saura convaincre les amateurs de rap alors qu’il prĂ©sente ici un flow plus tight que jamais, des bars qui font rĂ©agir et une qualitĂ© de production et de mix qui prouvent le sĂ©rieux de sa dĂ©marche. Il a d’ailleurs fait appel Ă  l’ingĂ©nieur de son M-Press pour l’enregistrement et le mix de 3.5, lui qui travaille avec la crĂšme du street rap queb.

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C’est aussi pour ça que je vous prĂ©sente Beezy : je pense que le game a fini par catch up les tendances amĂ©ricaines et est finalement prĂȘt pour des rappeurs comme lui. Il y a de ces artistes qui sont en avance sur leur temps, et le MC de Limoilou l’était pendant la majeure partie de la dĂ©cennie. Surtout Ă  cause de son style inspirĂ© du street rap amĂ©ricain pendant que le rap queb Ă©tait profondĂ©ment ancrĂ© entre l’approche bon enfant d’Alaclair et le Plateau street chic de Dead Obies ou LLA. Sauf qu’en 2019, on est ailleurs, et ce sont maintenant Tizzo, Enima, Lost ou White-B qui soulĂšvent les passions. Le climat est donc parfait pour qu’un gars comme Steve Beezy sorte de l’ombre.

Il faut se réjouir de tout ça, parce que sous ses airs de lieu touristique, Québec cache une réalité difficile dans des quartiers comme Limoilou ou St-Roch, et des gars comme Steve Beezy sont là pour enfin montrer le cÎté sombre du hood.

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PAZOH — Peu Importe

« Ouh, ouh, faire l’amour c’est pas aimer

Ouh, ouh, et bien rapper c’est pas percer »

DAMN! Vous commencez Ă  connaĂźtre mon affection pour les dĂ©buts de verse qui frappent fort. C’est mission accomplie pour PAZOH, rappeur montrĂ©alais qui dĂ©bute Peu Importe avec deux grosses vĂ©ritĂ©s qui m’ont frappĂ© bien comme il faut en plein milieu du chest. TirĂ©e de son nouvel EP Rouge, Peu Importe installe une vibe simple, agrĂ©able et prĂ©sente Ă©galement le rappeur Le RĂ©el FlĂ©au, solide prĂ©tendant au titre de « meilleur nom du rap queb ».

Si les effets spĂ©ciaux de l’hĂ©licoptĂšre qui passe Ă  cĂŽtĂ© du rappeur et son crew sont douteux, le rap, lui, est au rendez-vous. L’accent de PAZOH est dur Ă  cerner : on dĂ©cĂšle Ă  la fois une pointe de français Ă  la CĂ©line Galipeau et un slang bien queb. Au final, ça donne un mĂ©lange intĂ©ressant qui vient s’insĂ©rer Ă  merveille dans le paysage actuel du street rap.

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Pis yo, les bars! On peut dĂ©battre afin de savoir si on ne peut pas faire l’amour si on n’aime pas, mais c’est indĂ©niable que ça prend plus que des skills de rap pour percer. Ça aide de bien rapper, mais le concept de « percer », Ă  la base, est tributaire de tellement d’élĂ©ments intangibles qu’il est devenu quasi impossible de dĂ©terminer qui va sortir du lot.

Le rap est la nouvelle pop, et au Québec, les rappeurs se multiplient, mais pas les places en radio ni dans les palmarÚs. Alors, à qui le tour?

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