Cette semaine Ă Langue Sale, on aborde le tournant pop du rap queb, lâarrivĂ©e de la ville de QuĂ©bec dans le paysage du street rap, et la diffĂ©rence entre talent et potentiel commercial.
Rymz â Marchand de sable
« Parait que le monde est Ă moi, jâme dis âon verraâ
Jâveux porter de lâor et de la soie, drunk au bord des vagues
Jâai grandi prĂšs du vide, my god garde-moi loin du diable
Le temps file, dans mon regard les larmes sont des rasoirs »
Rymz est back avec un nouveau single, Marchand de sable. Une ode aux longues nuits en collaboration avec Karim Ouellet, qui nâest bizarrement pas crĂ©ditĂ© dans le titre, malgrĂ© le fait quâil signe le refrain. La chanson, un beau mĂ©lange entre rap et pop, vient possiblement annoncer une direction plus grand public pour le prochain projet du spĂ©cialiste de la Vie de Renard. Câest accessible et il y a peu de doutes que Joyride cherche Ă trĂŽner dans les palmarĂšs et autres tops BDS des radios commerciales.
Beaucoup y verront une dĂ©viation dans le simple but de vendre. Cependant, on oublie que les artistes ont le droit dâavoir envie de faire de la musique pop. Un rappeur bien en vue de la scĂšne mâavouait dâailleurs rĂ©cemment prendre plus de plaisir Ă faire des chansons plus pop pour son fanbase fĂ©minin que des couplets au flow soutenu sur des beats trap. Loud affirme ĂȘtre un grand fan du genre, et ça sâentend dans sa musique, alors quâil prend un malin plaisir Ă mĂ©langer gros verses et refrains pop. Ăa semble ĂȘtre Ă©galement le cas pour son partner de label Rymz, qui nâen est pas Ă sa premiĂšre envolĂ©e vers les contrĂ©es du mainstream.
Et câest tant mieux! Je ne sais pas pour vous, mais tant quâĂ entendre du Drake ou du Post Malone Ă la radio commerciale queb, je prĂ©fĂšre largement quâil y ait des artistes dâici en rotation. Surtout quâun rappeur comme Rymz, sans grandes envolĂ©es lyriques, arrive tout de mĂȘme Ă glisser des belles images dans son texte.
Il est bon de voir Joyride arriver avec du nouveau contenu. LâhĂ©gĂ©monie de 7iĂšme Ciel des derniers mois aurait pu nous faire oublier quâil existe dâautres bonnes maisons de disques rap au QuĂ©bec. Avec ce nouveau single de Rymz, lâalbum de Loud qui se dessine Ă lâhorizon ainsi que ses deux dates au Centre Bell, ça risque dâĂȘtre un autre Ă©tĂ© record pour lâĂ©curie de Carlos Munoz.
Finalement, tout le monde mange, et câest tant mieux comme ça, parce que câest signe dâun rap queb en santĂ©.
Steve Beezy â 3.5
« Dans mon blunt, Purple Haze comme un album de Killa Cam
Le rap marche pas; rien Ă foutre, on trap, on scam
VĂȘtu tout de noir comme la famille Addams
Limoilou â y a pas du sucre dans nos cabanes »
Steve Beezy, rappeur de Limoilou actif depuis maintenant plusieurs annĂ©es, arrive avec 3.5, un single de qualitĂ© qui annonce son prochain projet La rĂ©forme 4. Proche dâAlaclair Ensemble, il continue dâavancer dans lâunderground avec le respect de ses pairs Ă dĂ©faut dâavoir celui des fans de rap queb. Câest peut-ĂȘtre avec ce nouveau tape quâil saura convaincre les amateurs de rap alors quâil prĂ©sente ici un flow plus tight que jamais, des bars qui font rĂ©agir et une qualitĂ© de production et de mix qui prouvent le sĂ©rieux de sa dĂ©marche. Il a dâailleurs fait appel Ă lâingĂ©nieur de son M-Press pour lâenregistrement et le mix de 3.5, lui qui travaille avec la crĂšme du street rap queb.
Câest aussi pour ça que je vous prĂ©sente Beezy : je pense que le game a fini par catch up les tendances amĂ©ricaines et est finalement prĂȘt pour des rappeurs comme lui. Il y a de ces artistes qui sont en avance sur leur temps, et le MC de Limoilou lâĂ©tait pendant la majeure partie de la dĂ©cennie. Surtout Ă cause de son style inspirĂ© du street rap amĂ©ricain pendant que le rap queb Ă©tait profondĂ©ment ancrĂ© entre lâapproche bon enfant dâAlaclair et le Plateau street chic de Dead Obies ou LLA. Sauf quâen 2019, on est ailleurs, et ce sont maintenant Tizzo, Enima, Lost ou White-B qui soulĂšvent les passions. Le climat est donc parfait pour quâun gars comme Steve Beezy sorte de lâombre.
Il faut se réjouir de tout ça, parce que sous ses airs de lieu touristique, Québec cache une réalité difficile dans des quartiers comme Limoilou ou St-Roch, et des gars comme Steve Beezy sont là pour enfin montrer le cÎté sombre du hood.
PAZOH â Peu Importe
« Ouh, ouh, faire lâamour câest pas aimer
Ouh, ouh, et bien rapper câest pas percer »
DAMN! Vous commencez Ă connaĂźtre mon affection pour les dĂ©buts de verse qui frappent fort. Câest mission accomplie pour PAZOH, rappeur montrĂ©alais qui dĂ©bute Peu Importe avec deux grosses vĂ©ritĂ©s qui mâont frappĂ© bien comme il faut en plein milieu du chest. TirĂ©e de son nouvel EP Rouge, Peu Importe installe une vibe simple, agrĂ©able et prĂ©sente Ă©galement le rappeur Le RĂ©el FlĂ©au, solide prĂ©tendant au titre de « meilleur nom du rap queb ».
Si les effets spĂ©ciaux de lâhĂ©licoptĂšre qui passe Ă cĂŽtĂ© du rappeur et son crew sont douteux, le rap, lui, est au rendez-vous. Lâaccent de PAZOH est dur Ă cerner : on dĂ©cĂšle Ă la fois une pointe de français Ă la CĂ©line Galipeau et un slang bien queb. Au final, ça donne un mĂ©lange intĂ©ressant qui vient sâinsĂ©rer Ă merveille dans le paysage actuel du street rap.
Pis yo, les bars! On peut dĂ©battre afin de savoir si on ne peut pas faire lâamour si on nâaime pas, mais câest indĂ©niable que ça prend plus que des skills de rap pour percer. Ăa aide de bien rapper, mais le concept de « percer », Ă la base, est tributaire de tellement dâĂ©lĂ©ments intangibles quâil est devenu quasi impossible de dĂ©terminer qui va sortir du lot.
Le rap est la nouvelle pop, et au Québec, les rappeurs se multiplient, mais pas les places en radio ni dans les palmarÚs. Alors, à qui le tour?
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