Cette semaine, on se tape une petite session de rattrapage sur des sorties des dernières semaines dont on a pas eu la chance de parler, mais qui méritent clairement le détour!
Maybe Watson — Koga’s Trap
« Fais pas le fou joue pas la comédie
T’enlève le goût de tout comme le food qui est gluten free
T’es à genou dans le booth, tu fais des bougreries
Génération fuck it, j’suis pas dans le mood de vivre »
L’expert Pokemon Maybe Watson est back sur son rap shit avec Koga’s Trap, un gros boom-bap banger qui annonce de bien belles choses pour Enter the Dance, son nouvel album qui verra le jour le 25 octobre prochain.
Sur une production throwback de Claude Bégin et Fruits, le seul et unique Produit Laitier laisse aller son flow comme si on était toujours en 2009, avec un lexique toujours aussi coloré. C’est bien pour les fans de rap comme moi qui vont analyser les paroles, parce que c’est un exercice plutôt nécessaire pour quiconque cherche à comprendre ce que dit Maybe Wats sur Koga’s Trap. Vrai trip d’initié, on a ici droit à un cours de slang qui contient moult pépites qui valent la peine de s’y attarder. L’absence de compromis sur ce premier single est surprenante, puisqu’on s’attend souvent à des chansons plus faciles d’accès lorsqu’un artiste présente une pièce qui introduit son prochain album.
Au contraire, on a sur Koga’s Trap une avalanche de références où se rencontrent l’artiste visuelle Cécile Gariépy, Halle Berry, l’écrivain Gérald Tougas, Ricardo et j’en passe. Les trois minutes de la chanson passent à toute vitesse et on se réveille de la première écoute le cerveau un peu embrouillé, incertain de toute cette information pitchée à la manière d’un verse de Ghostface Killah en ‘94.
Ce qui est sûr, c’est que même moi qui n’est pas un danseur d’exception, j’ai bien hâte de pouvoir… Enter the Dance. En attendant, je vais célébrer ma tolérance totale du gluten qui me permet de vivre dans un monde où la nourriture a encore du goût.
Alpha Wann — Pistolet Rose 2
« J’teste le mic’, j’m’occupe des affaires qui traitent de maille
Imagine la tête de Michael Jordan quand il a vu son premier chèque de Nike
R.E.P Nipsey et Tupac Shakur, la nôtre est pure, les autres négros la coupent
Je regarde le taux de nullité, j’fais baisser la courbe, gang »
Avard de nouvelles sorties depuis le classique Une main lave l’autre, Alpha Wann est de retour avec Pistolet Rose 2, une pièce qui fait suite au single du même nom sorti il y a un peu plus d’un an.
Toujours aussi en forme, on a droit sur ce nouveau track présenté avec la fameuse chaîne Youtube Colors à un Alpha en totale maîtrise de son élément. Chaque rime arrive au bon moment, bien placée dans les temps avec une précision impressionnante de facilité.
J’avais été très élogieux avec UMLA lors de sa sortie, et c’est en partie à cause de cette fameuse facilité dont le rappeur parisien fait la démonstration depuis plusieurs années. Écouter Alpha Wann rapper, c’est un peu comme regarder une étape du Tour de France : c’est chiant pour les gens qui ne cherchent que le divertissement, eux qui trouveront les sept heures de course plutôt ennuyantes. Sauf que les vrais amateurs du genre, les puristes, vont apprécier chaque coup de pédale, chaque changement de cadence, chaque nuance dans la stratégie.
Si sa méthode peut sembler aride, voire ennuyeuse pour les fans de trap, chaque changement de flow est imprévisible, précis et pertinent. Les punchlines sont recherchées et possèdent un équilibre remarquable entre knowledge et accessibilité. Les moins attentifs retiendront Michael Jordan et AirBnb, alors que les plus curieux reconnaîtront des références à l’esclavagisme et à la lutte aux stéréotypes.
Très fort.
Vald — Journal Perso 2
« Ouais, le sexe et l’argent, ça fait tout, j’ai les deux et pourtant, ça fait rien
Ne respire pas mon air, ça m’étouffe, j’veux être libre, le reste, j’m’en bats les reins »
Cette chanson est sortie il y a quelques semaines déjà, mais je ne l’avais pas écoutée, car je préférais l’entendre lors de mon écoute du nouvel album de Vald, Ce monde est cruel, sorti vendredi dernier. J’ai été quelque peu surpris du ton de Journal Perso 2, qui place plus que jamais le rappeur français dans une approche réaliste qui l’éloigne du personnage qu’il a bâti à ses débuts.
C’est tant mieux, parce qu’on découvre un humain intelligent, conscient des effets de la célébrité et pas nécessairement à l’aise avec ses conséquences. C’est d’ailleurs une thématique récurrente sur Ce monde est cruel, qui s’affirme clairement comme l’album le plus abouti de Vald. La production est riche et sied à merveille le flow changeant du rappeur qui m’avait convaincu sur Xeu, son dernier album sorti en 2018.
Désormais éloigné de ses gimmicks, mais jamais de son sens de l’humour, on sent l’équilibre dans les choix de Vald qui se permet autant d’envolées humoristiques que de real talk. Sur Journal Perso 2, ça se traduit en critique sociale qui explore autant le côté conspirationniste du rappeur qu’on a connu par le passé, que sa consommation de porno, que ses envies de liberté ou même l’emprise de l’Occident sur l’Afrique et l’Asie. Tout ça sans être lourd, sur une trame de piano magnifique.
Autant dire que si Ce monde est cruel, il est parfois cruellement beau malgré tout. Au moins le temps d’une chanson.