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Langue Sale : Izzy-S travaille 24/7

Une analyse des nouveaux verses de la semaine.

Par
Simon Tousignant
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Cette semaine à Langue Sale, on parle des études à l’école du crime avec Isha, des punchlines de Ice et des pratiques d’affaires d’Izzy-S.

Isha — Magma

« J’regarde documentaires sur crimes organisés

Un peu comme si c’était des tutos

Personne sèche à l’école du crime

Les rêveurs n’arrêtent pas d’étudier »

Isha est probablement mon rappeur belge préféré depuis quelques années et j’attends avec impatience sa mixtape La Vie Augmente Vol. 3 qui sortira ce vendredi. On découvre sur Magma un Isha plus doux, plus réfléchi, qui rappelle un peu Mp2m et Au grand jamais qu’on retrouvait sur La Vie Augmente Vol. 2.

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Les propos du rappeur de Bruxelles sont toujours aussi poignants et pertinents. On a droit à un réel portrait du ghetto bruxellois et de ses activités criminelles. C’est là qu’on apprend que finalement, les documentaires sur le crime organisé, c’est un peu des formations pour ceux qui s’adonnent à ce type d’activités. C’est dit simplement, mais c’est tellement bien amené que l’image reste en tête. Parce que même sans prétendre à une vie de criminel, on a tous déjà regardé des docus sur de grosses têtes du monde du crime, que ce soit Al Capone ou Vito Rizzuto.

C’est aussi vrai que dans ce genre de business, les études n’arrêtent probablement jamais, et le profit facile porte ses étudiants à ne jamais cesser de travailler sur leurs skills. Bon, loin de nous l’intention d’encourager ce type de commerce, mais il est important de souligner à quel point tout le monde est fasciné par les criminels. Lorsque ce n’est pas des mafieux ou des patrons de gang de rue, ce sont des documentaires sur Luka Magnotta ou Ted Bundy. Rendu là, je préfère apprendre à vendre du Blue Magic avec Frank Lucas.

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Au final, tant mieux si cette culture inspire des rappeurs comme Isha à offrir des commentaires du genre, qui frappent par leur justesse. À défaut de faire partie de générations de jeunes qui respectent les lois, au moins, on fait bien nos devoirs.

Le Ice & Moto – 412

« Comme un neg sans tchass, dans le club, j’fais aucun lineup »

Le Ice est probablement next up pour ce qui est des membres de Canicule Records. L’associé de Tizzo et tout le reste de l’équipe présente 412, une courte chanson en collaboration avec Moto, qui contient également des adlibs de Shreez. Le résultat est convaincant et reste fidèle au son du collectif qui continue d’imposer son style comme un incontournable dans le paysage rap queb.

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Porté par les adlibs puissants de son collègue, Le Ice parsème la chanson avec une multitude de punchlines de haut calibre qui laisse présager un potentiel certain pour le rappeur de Canicule. C’est drôle, plutôt clever, et la chanson passe très (trop) vite.

Mention spéciale à Moto qui pourrait faire de la compétition à Soft pour le membre du crew qui semble le plus dangereux. S’il n’est pas le rappeur le plus impressionnant, à le voir, on ne doute pas de la véracité de ses propos.

Izzy-S — 24/7 feat. Tizzo & Shreez

« Bébé, moi j’suis pas un pimp (Nah)

J’vais remplir les poches de ma mère sans vivre sur le dos d’une fille »

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Izzy-S est back avec un gros single qui met également en vedette le duo de fouetteurs en chef du Québec, Tizzo x Shreez. Le rappeur avait signé son retour avec Virgule, sorti il y a un mois, et c’est un grand coup double qu’il réalise avec cette nouvelle pièce produite par 4590z.

Sur cette collaboration d’envergure, on a droit au rap toujours aussi réel du MC de Saint-Michel, qui fait l’éloge du dur labeur 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. J’aime particulièrement les phrases citées plus haut, parce qu’il est coutume pour le street rap de faire l’éloge du proxénétisme. Par contre, dans le cas d’Izzy-S, pas besoin de se servir d’une femme pour gagner sa vie. S’il arrive à offrir un mode de vie agréable à sa mère, c’est grâce à son dur labeur et non aux prouesses de travailleuses du sexe.

Que les fans de Fugueuse se bouchent les oreilles pour la suite. Est-ce que ces phrases seraient une pointe envoyée à un rappeur comme Enima ? La question mérite d’être posée. Parce que si le rappeur controversé, avec lequel Izzy-S avait collaboré sur le désormais classique Jugg en 2016, a souvent clamé être un pimp, il n’est pas certain qu’il est visé. Par contre, il s’offre comme une cible de choix depuis quelques années, lui qui s’est un peu éloigné de ses pairs, en esprit comme physiquement. Au vu de l’unité qui semble régner dans le street rap québécois en ce moment et des liens qui sont faits entre le rap et la prostitution, notamment à travers une série comme Fugueuse (dont Enima était clairement une des inspirations), il est possible que certains rappeurs comme Izzy-S tiennent à préciser dans quel camp ils se trouvent.

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Loin d’espérer du beef, c’est plutôt par curiosité qu’on pose la question. Autrement, on a ici une autre belle démonstration de la paix (relative) qui règne dans le rap jeu actuellement. Les rappeurs sont inspirés, les collaborations sont dope et le travail continue, 24-7. Après un début d’hiver assez tranquille au niveau rap, ça commence à sérieusement se réchauffer !