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Langue Sale: deals de drogue, intégrité et selfies
Je vous avertis, cette semaine la langue est anormalement propre. C’est la faute au faible nombre de sorties dignes de saletés – si ce n’est que du rap d’influenceurs pourris et d’artistes dont on a déjà parlé récemment. Alors, on commencera plutôt par le meilleur du street rap local, avant de prendre une dose de realness un peu inattendue dans un parc d’Ahuntsic et on terminera en traversant l’Atlantique pour aller chercher un peu d’humilité de la part d’une des meilleures plumes du Vieux Continent.
Lost – Rocky Balboa
« Le game est sale, frère, les gars sont selfish
Dans le club ils sont tous sur ta pic, en hess tu fais des selfies
J’sais pas pour qui ils m’prennent
J’suis pas un lyriciste j’suis juste un homme qui sait de quoi il parle »
Ce que j’aime beaucoup de Lost, c’est sa capacité à dire des gros trucs sans que ça paraisse trop. Il fait dans la finesse, pis à une époque d’absence de subtilité dans le rap, ça fait du bien. Surtout, il y arrive en utilisant des références simples et faciles à comprendre, sans perdre en sophistication.
Depuis sa sortie de prison, j’attends des grandes choses du rappeur montréalais. Il a de loin la meilleure plume du street rap québ – même si selon lui, il n’est pas un lyriciste – et on attend juste une plus grande démonstration de son talent. Et même si les chansons dont le titre est le nom d’une personnalité me tombent autant sur les nerfs que Vintage à l’os, Rocky Balboa en est l’exemple parfait. À l’heure des réseaux sociaux, c’est à la mode de chercher l’approbation des gens en s’affichant avec toute sa clique; la majorité des clips de street rap servent à ça. Sauf que quand t’es en hess – de l’arabe pour dire que t’es dans la misère, la merde – t’es tout seul.
Si on transpose ça à l’époque actuelle, ça devient une question de photos sur Instagram, et Lost résume très bien le tout : le succès social se résume au nombre de personnes sur tes photos. Hold up, j’vais aller mettre une petite photo de groupe sur mon Insta…
Lary Kidd – Ce monde là
« Started from the bottom au parc Saint-André
On écoutait Monkey Barz, on virait chimpanzé
Then Tha Carter II came, y fallait rien manquer
Man it was hard to do the same, y fallait s’inventer »
Vu les blagues que j’ai pu faire au sujet de Lary Kidd, y’a surement beaucoup de gens qui s’attendent à un gros diss ici. Mais la vérité, c’est que c’est une des seules chansons de Lary que j’ai feel depuis qu’il est en solo. Quand le jeune-homme-pu-tant-jeune par excellence du rapkeb aborde sa vie, son vécu, c’est généralement intéressant – basic stuff. C’est quand il nous parle de chaises huppées et de l’urinoir de Marcel Duchamp qu’il me perd un peu – bro, on a tous eu un cours d’histoire de l’art au CÉGEP, pis généralement, c’était le moment de la semaine pour rattraper du sommeil. Un peu comme la chanson Designer Chair, finalement.
Sauf que sur Ces choses là, il nous raconte des histoires auxquelles on peut pas mal tous relate – la consommation et la vente de drogues dans les parcs et les anecdotes qui s’en suivent. Pis surtout, les références me parlent: l’album Monkey Barz de Sean Price et Tha Carter II de Lil Wayne sont des classiques ultimes qui ont aidé à forger mes goûts musicaux pendant mon adolescence. Alors on this one, je dis respect à Lary Kidd. Tant qu’il nous vend pas son prochain album 120$ parce qu’il y a un imprimé OFFICIEL dessus…
Alpha Wann – Stupéfiant et noir
« J’viens du bassin parisien, j’te r’garde de haut et j’suis pas sympathique
J’fais pas le rap que ces catins pratiquent
Très peu probable que je tape un platine, faut que j’fasse un classique »
Alpha Wann, membre de 1995 et donc de l’Entourage, possède une technique assez next level. Sa façon d’écrire, d’inventer des patterns inédits dans le rap, et surtout d’être en mesure dire quelque chose en même temps (allô Eminem) est rafraîchissante dans un panorama de rap rempli de clones, de clones de clones, et ainsi de suite.
Sa façon de jouer sur les stéréotypes du parisien typique – hautain, et pas sympathique – pour faire la transition sur le rap jeu et les rappeurs qui prostituent leurs styles pour vendre est vraiment géniale. Pis si t’avais pas compris, il te l’explique directement dans la ligne d’après : le classique over le disque de platine.
C’est bien de voir des rappeurs qui désirent encore créer des albums cohérents, question d’emmener les gens dans un univers bien à eux. Dans le cas d’Alpha Wann, on passe de la revendication politique à l’égo-trip d’une phrase à l’autre, souvent mélangées dans des codes parfois peu accessibles pour les non-initiés. Par contre, c’est beaucoup moins compliqué de juste bump le truc et apprécier le savoir-faire du MC parisien sans tomber dans les détails.
SHOUTOUTS:
Shoutout à La Fourmillière, qui présente son deuxième single La Palette, un hymne au gros cash (que les rappeurs québ ne touchent pas encore). Vous pouvez les catch jeudi le 6 septembre au festival OUMF. Ah pis, shouts à Yes Mccan aussi, parce ce Money Convos, et son utilisation du sample classique « Ruffsound, écoeurant le beat man » de Starky Starks est pas mal plus dans mon vibe que la chanson de la semaine dernière. À Langue Sale, on est rough, mais on est fair!