Je suis tellement heureux d’avoir la chance de vous parler de rap toutes les semaines. J’ai beaucoup de plaisir à faire ça, surtout quand la qualité des chansons que je vous présente est au rendez-vous. Cette semaine, ça commence bien, mais je vous avertis : on s’enfonce au fur et à mesure de la chronique…
Alaclair Ensemble – Quand même clean
« Mon brodog dit qu’garder ça real real sur les tounes
Ferait des real ventes
Mais le nom du rappeux
C’pas l’île d’Orléans, Lil Lol ou ben Lil Pump »
Quand même clean, c’est pas ma préférée du nouveau Alaclair. Ça ressemble beaucoup à du Cardi B, pis un peu à du O.G.B. aussi. Sauf que ça reste une chanson hyper efficace qui donne envie de bouncer en rythme avec le beat en marchant dans la rue (c’est peut-être juste moi aussi…).
Faut tout de même avouer que le clip, tourné dans les rues de La Havane, est très léché. Et comme des vrais gars bien élevés, Alaclair est allé dans le pays inspirant leur musique pour faire le clip, quitte à s’approprier un peu leur style par la bande.
Ici, KNLO m’a littéralement fait étouffer de rire avec sa combinaison de noms de rappeurs en « Lil » (il y en aurait plus de 8000 sur Spotify). Depuis, j’me demande vraiment pourquoi y a pas de rappeur québ qui s’appelle Lil’ d’Orléans, c’est du génie. Sauf que Lil’ Lol, c’est quand même très fort aussi. Ça pourrait être mon AKA quand j’écoute du rap d’influenceurs, du rap qui cause chez moi des petits rires moqueurs, sans plus. Bref, un « lil’ lol ».
DoNi Na Ma – Pas comme avant
« La famille c’était avant
Mais maintenant, on se voit à l’enterrement
On se déshumanise lentement
On ne fait plus aucune chose tendrement »
Je vous ai déjà parlé de DoNi Na Ma lors de ma critique de son dernier mixtape où je n’avais pas tout compris. Je dois dire que cette fois, le message passe à merveille. Je vous dis souvent qu’on a pas besoin d’avoir une métaphore vraiment deep pour dire quelque chose de real. En fait, souvent, les rappeurs qui essaient d’être trop poétiques finissent par faire des choses regrettables, comme le single de Cobna que je vous ai présenté la semaine dernière.
Je suis en revanche très down avec les artistes qui remarquent la déshumanisation graduelle de l’espèce humaine, et la mort du gros bon sens, surtout quand c’est bien fait. Désormais, tout est calculé, selon le reach sur les réseaux, le potentiel commercial, l’image que ça donne au public, etc. La vie s’est transformée en vidéoclip de Drake pour la chanson God’s plan, en gros. On donne, mais rien n’est réellement gratuit, et tout rapporte des bénéfices d’une façon ou d’une autre.
Finalement, la seule chose qui nous unit vraiment, c’est la mort, comme DoNi le décrit si bien. Bon c’est un peu dark tout ça, je l’avoue. Mais c’est juste pour vous préparer à la prochaine chanson…
Seba et Horg – Magasin à 1$
« Aujourd’hui, j’vas-tu être un artiste a’ec mon kit de gouache
Ou un grand chef avec ma boîte de Dinner Kraft »
Je tiens à préfacer mes propos par une mention de respect pour DJ Horg, vétéran du rapkeb qui a énormément oeuvré pour la scène de façons plus ou moins visibles. Cela étant dit…
L’ampleur qu’a pris le parcours de Seba et Horg depuis la sortie de Vintage à l’os est une représentation parfaite du fossé qui existe encore entre l’industrie musicale québécoise et la scène du rap québ. Tout le monde a célébré l’entrée de Toutes les femmes savent danser à CKOI comme étant la percée commerciale que le mouvement attendait. C’est drôle, parce Vintage à l’os jouait déjà fréquemment à CKOI pendant ce temps-là.
Donc, on va se le dire, pour le rap jeu, Seba et Horg, c’est une grosse joke. Ça n’enlève rien à leur succès, mais ce succès est bâti sans la reconnaissance de leurs pairs. À moins que leurs pairs soient les Richard Martineau de ce monde, puisqu’on retrouve le chroniqueur-choc qui joue au stoner dans le clip de la chanson Magasin à une piasse. Le titre représente bien le cheapness de la chanson finalement. Pour faire écho à la citation plus haut, Seba a décidé finalement de n’être ni un artiste ni un chef cuisinier, mais plutôt une star du rap avec un clip bourré vieux quebs célèbres qui n’ont rien à voir avec le hip-hop.
Pis c’est là que ça me dérange un peu. Martineau tient des propos dangereux de façon quotidienne, et là, il pourra se targuer d’avoir été dans un clip de rap. Pis il va te le dire comme ton oncle qui te répète le même « yo yo man yo chill » depuis dix ans à Noël quand tu lui dis que tu écoutes du hip-hop. Pis dans le fond, Seba et Horg, c’est ce dude-là. C’est tous ces dudes-là. C’est deux gars qui ont fait du rap pour les Québécois qui n’aiment pas le rap. La conséquence, c’est que les Québécois qui aiment le rap ont honte à chaque fois qu’on leur parle de Seba et Horg. Donc au final, ils sont aussi real que les views du dernier clip de Dice-B.
SHOUTOUTS:
Shouts à Rowjay qui va faire un set au lancement de l’album d’Alpha Wann à Paris, comme on vous en a parlé cette semaine. Le rap québ s’exporte, et est désormais reconnu partout dans la francophonie. Alors, célébrons les victoires du rap québ (#RowjayAuxFrancos2019). Également, shouts et force à tout le régiment du rap québécois estampillé 7ième Ciel qui s’envole pour rep dans les Zayropes!