La Langue Sale est back, et cette semaine, on survole le star système avec D-Track, on fait un tour à Miami avec KNLO, Meryem Saci et Diane Tell et on découvre la nouvelle signature d’une maison de disques bien connue du rap queb.
D-Track – Donne-moi du Véro
« Des stars dans ton système
Des stars du star système
Des stars sortis du Web
Pis des stars full vintage »
Le toujours très pertinent D-Track est de retour avec un clip pour la pièce Donne-moi du Véro, présente sur son dernier album Dieu est un Yankee. Sur un beat à la flûte hypnotisante, le rappeur du 819 offre un portrait vaste de ce que c’est d’être une star de nos jours. La répétition du mot “star”, qui rappelle d’ailleurs un peu OK, amène un flow posé, bien structuré qui permet à la thématique de la chanson de rester bien en tête lorsqu’on l’écoute.
Ce que j’aime sur Donne-moi du Véro, c’est que D-Track dévie de la critique facile du star système, qui est souvent attaqué sans amener de réflexion particulière ou d’originalité au propos. Ici, on a plutôt l’impression d’assister à un constat général de l’état des lieux du vedettariat queb et mondial.
Parce qu’au Québec, on les aime-tu, nos stars! Vu le microcosme culturel dans lequel on vit, c’est un peu normal, mais le problème, c’est qu’on les porte souvent aux nues sans prendre en considération qu’ils sont probablement autant, voire plus fuckés que nous, les gens normaux.
Puis, D-Track aborde un peu nos nouvelles stars, celles du web. Face à la génération Occupation Double, on voit l’émergence de gens qui accèdent à la célébrité sans raison particulière sauf leur désir de se faire voir. Le collègue Murphy Cooper a d’ailleurs écrit un billet des plus pertinents sur le sujet dans La Presse la semaine dernière. Peu importe notre avis personnel sur le sujet, il s’agit d’un statut qui fait parler, et qui risque d’inspirer de plus en plus de chansons et autres oeuvres culturelles.
Sur Donne-moi du Véro, ça reste gentil, drôle, mais toujours sur un fond de vérité qui laisse présager toute la lucidité de D-Track sur le sujet.
Meryem Saci & KNLO – Miami (KNLO version)
« Salute à mes haïtiens, mes cubanos
Qui ont laissé des souvenirs pis des fortunes dans chaloupe »
Ça fait plusieurs années que le projet Tell Rembobinée est en conception. Le projet initié par Philippe Gravel et Antony Fortin (que vous connaissez sous d’autres noms d’artistes, hehe) se veut une reprise en beats de l’album En flèche de Diane Tell, sorti il y a maintenant 40 ans. Je suis très content de le voir enfin naître aujourd’hui à travers son premier single, Miami, qui amène KNLO et l’hyper-talentueuse, et souvent sous-estimée Meryem Saci, qu’on connaît surtout pour sa présence dans Nomadic Massive.
Pour le coup, on a droit à une vraie chanson bien ensoleillée qui vient mélanger les univers des différents artistes présents sur la chanson. Mine de rien, on a pas eu droit à beaucoup de collaborations pertinentes entre des gens du rap et de la musique québécoise, alors c’est rafraîchissant d’avoir ici une belle chanson bien conçue, pleine de bonnes vibes et surtout, faite pour les bonnes raisons.
Puis, on retrouve un KNLO toujours aussi adroit pour glisser des références à des sujets hyper profonds de façon presque anodine, mais avec la grande sagesse qui lui est propre. Ici, il retrace en une ligne les parcours difficiles des immigrants haïtiens et cubains qui choisissent de quitter leur pays natal dans des navires de fortune pour tenter leur chance dans le pays de l’oncle Sam. La ligne passe hyper vite, sied parfaitement la thématique plutôt légère de la chanson dans son débit, mais laisse présager tous les struggles d’une partie de la population de Miami.
Parce que Miami, c’est pas juste les palmiers pis la toune de Will Smith.
Nayka – Trop tard
https://youtu.be/mdW6Dk5EndE
« Toujours dans la course, y’en a peu des comme moi
Je roule à fond la caisse surtout ne déconne pas »
Coyote Records annonçait la semaine dernière la signature de Nayka, un rappeur français établi au Québec depuis quelques années. Donc… un autre maudit français qui vient voler nos jobs (je blague, je blague). Le rappeur a dévoilé au même moment son premier single, Trop tard.
C’est une signature un peu surprenante pour la maison de disques, parce qu’au premier coup d’oeil, Nayka ne se différencie pas vraiment de ce qui se fait déjà dans le rap français. À mi-chemin entre un Lord Esperanza et un Vendou, le nouveau poulain de l’écurie qui compte notamment Maybe Watson, Lary Kidd, D-Track et Naya Ali dans ses rangs devra arriver avec un contenu plus original s’il désire se créer une place solide dans un rap jeu queb de plus en plus foisonnant.
À moins qu’il ne s’agisse d’une tentative de percer le marché français. Si c’est le cas, ça risque d’être encore plus difficile de faire une place à Nayka sur une scène déjà hyper saturée de rappeurs autotunés qui carburent aux assonances et aux homophones. C’est perplexant de l’entendre dire qu’il y a peu de gens comme lui, tellement il est facile de trouver des comparatifs sur la scène franco-suisso-belge. En attendant de découvrir son histoire, qui elle, est peut-être unique – mais ce n’est pas sur Trop tard qu’on apprendra à connaître le rappeur.
Ceci étant dit, Nayka semble avoir un bon support à Québec et une équipe solide derrière lui, en plus d’une énergie intéressante. Alors tout est possible. On regarde ça aller d’un regard curieux, en attendant d’être surpris.
SHOUTOUTS
Un shoutout à Maky Lavender, à tout jamais mon rappeur anglo préféré en ville, qui propose un clip double simple mais bien réalisé pour les pièces Cheese et Tik-Tok dont je vous ai déjà abondamment parlé dans cette chronique. C’est bon! Maintenant, on attend l’album. Ça commence à être long…
Un autre S/O bien senti aux minces d’Alaclair Ensemble qui se tappent un tour dans une van de camping pour le clip de Céline, une des pièces phares de leur album-surprise AMERICA Volume 2 paru fin 2019. Signé par Philippe Chagnon, le clip recrée l’ambiance dans lequel cet album a été élaboré, c’est-à-dire en tournée, en char, sur un coin de table dans un hôtel, pis c’est parfait.