Cette semaine, j’ai dû aller faire un tour en Belgique pour trouver des bons textes, parce que franchement, au Québec on a ressorti des vieux fantômes des tiroirs et c’est un peu déprimant. Vous allez comprendre…
Isha — OKLM Freestyle
https://www.youtube.com/watch?v=T0UmVrfl3Lk
« Déjà fatigué de l’industrie du disque
De tous ces nouveaux riches qui font semblant d’aimer les huîtres »
Isha est probablement mon rappeur belge favori du moment. Il est super raw, et représente une facette plus dure de la Belgique, qu’on a surtout connue avec les sympathiques Roméo Elvis, Caballero, JeanJass, Krisy, etc. Mais même si Isha est un gars du hood, il garde une qualité d’écriture que le rend assez unique dans ce paysage du rap belge qu’on découvre depuis deux ans.
Ici, il fait une critique qui me rejoint parce que je l’ai souvent faite : l’industrie de la musique, une fois ses portes ouvertes, réserve des privilèges un peu démesurés à ses membres. Réceptions, 5 à 7 qui croulent sous les huîtres, le caviar, et autres mets opulents. Les rappeurs jouent le jeu, comme ils le devraient, mais sont souvent un peu à part, détonnant avec le reste des acteurs de l’industrie.
Alors je dis « word! » à Isha. Profitons de tout ça, mais restons nous-mêmes. Perso, je déteste les huîtres, et c’est pas dans une soirée de la SOCAN que tu vas me croiser en train d’en manger. Par contre, ça se peut que je sois le gars underdressed aux yeux rouges qui est un peu abasourdi des montants dépensés pour des happenings qui ne concernent qu’un petit millier de personnes. Pendant ce temps-là, la moitié des artistes présents sont pas capables de remplir leur frigo, pis les mollusques, ça survit pas très bien dans les poches…
Rainmen feat. JetLyse — Pas d’chilling 2.0
« Promu premier ministre du cannabis
Grand chef officier dans Bas-Canada »
J’peux pas vous mentir, ça m’a fait mal d’écouter cette chanson. Genre très mal. Parce que la version originale est un classique ultime du rapkeb. Pas d’chilling, c’était le track que tout le monde écoutait, qui avait toujours un bon vibe peu importe les circonstances. En plus, il y avait une excellente rappeuse, Skandal, qui nous démontrait que les femmes d’ici étaient dope.
Sauf que là… là, là… ouch. Pourtant, ça commençait bien. Le début de la chanson laisse augurer une mise à jour à saveur trap de l’instru légendaire de la version originale. Puis, on tombe soudainement dans un beat sans saveur ni originalité, qui sonne comme un « type beat » sorti direct de YouTube. Puis ça devient malaisant… presque autant que l’entrevue de Koriass à Médium Large (Catherine Perrin, tu as tout mon respect).
C’est que le flow des gars n’a pas très bien vieilli. On retrouve Outra-G avec lenteur, sans mordant ni conviction. Puis, y a un truc que je ne comprends pas : Skandal, qui était présente dans la chanson originale, apparaît dans le clip mais au lieu de lui demander de mettre à jour sa contribution, ils ont plutôt invité JetLyse. Force est d’admettre que le flow et les paroles de cette dernière ne buchent vraiment pas assez pour avoir un nom qui se rapproche autant de l’illustre Jet Li.
Respect tout de même à Naufra-G qui tente bien que mal de sauver les meubles, avec un flow un brin plus tranchant et des lyrics qui dépassent tant bien que mal le seuil du premier degré. Sauf que, même avec un shoutout au Bas-Canada, on arrive bien loin de l’original.
Comme quoi, des fois, vaut mieux laisser les classiques où ils sont, et repartir sur du neuf. À défaut d’être bon, ça permet de préserver les vestiges du passé.
Cobna —La rue
« Le monde fonce sur l’autoroute de la guerre,
le boulevard de l’ignorance fait le tour de la terre »
Loin de moi l’intention d’attirer la pitié ou la sympathie, mais chaque semaine je souffre pour vous. Pour arriver à analyser trois chansons tous les mercredis, j’en écoute par dizaines afin de dénicher les perles rares (ou moins rares). Pis souvent, je finis par avoir un-peu-beaucoup mal à mon rapkeb. Sauf que je dois dire que là, le retour de Cobna m’a achevé.
On dirait qu’il a lu toutes mes chroniques à ce jour et qu’il a tenté d’intégrer le plus de concepts possible qui m’exaspèrent dans La rue. En première ligne, la personnification d’émotions et de concepts abstraits (voir le track de White-B la semaine passée). Voyez-vous, il passe la chanson à associer des émotions à des rues. C’est dommage, parce que s’il était passé par le boulevard de « mon concept est wack » pour tourner sur la rue de « je devrais vraiment arrêter le rap », on aurait eu un résultat plus convaincant.
Puis, y a le refrain où Cobna énumère des grandes artères montréalaises. C’est chill mon patnè, on a tous Google Maps maintenant. Ajoutons une dose d’autotune dans tout ça pour la bonne mesure, encore plus de figures de style douteuses, puis on finit avec moi qui me tape la tête contre le mur de mon salon. Je pensais que c’était fini, Cobna, qu’il avait finalement atteint son évolution finale pour se transformer en Dony S, mais non, il arpente encore nos rues.
Vous direz que je suis méchant, c’est peut-être vrai. Mais c’est pas de ma faute, c’est parce que j’ai oublié de tourner sur la rue « de l’hypocrisie répandue dans le rap où on dit à tout le monde que ce qu’ils font est vraiment bon même si on trouve ça wack ». Vous trouverez la force de me pardonner, je l’espère.
SHOUTOUT:
Un seul shoutout cette semaine pour les minces d’Alaclair Ensemble qui ont sorti un album riche en beats trap, en bonnes vibes et en Claude Bégin (merci!). Respect spécial à Maybe Wats qui est sur son A-game comme on l’a rarement vu.