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Langue Sale: c’est quoi, le rap commercial?

Une analyse des meilleurs et pires verses de la semaine.

Par
Simon Tousignant
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Cette semaine, on parle beaucoup de la définition du rap commercial, mais surtout de la pertinence d’utiliser le terme « commercial » pour parler d’un genre qui domine présentement l’univers musical. Mais avant d’arriver au coeur de la question, commençons en douceur en parlant de big booties.

Kevin Na$h feat Mike Shabb & MTLord – No Opposition

« I run this shit up like I’m Usain

Big booty bitches like 2 Chainz

Comin’ right back like a boomerang

Split with the stick like it’s 2K »

C’est une grosse collab de la part du trio de rappeurs gérés par BLK Management sur une production inspirée de Danny Ill, qui a probablement le meilleur tag de producteur du rap jeu québ: « Danny Ill! Rosemont! Rosemont! » Ce que j’aime beaucoup de No Opposition, c’est que les gars ont tous leur propre vibe, leur propre flavour. Trop souvent, dans le rap jeu moderne, on se retrouve avec des collaborations d’artistes tous pluggés sur Autotune et qui finissent par sonner un peu pareil; pas ici.

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Les gars sont en forme, particulièrement Mike Shabb qui varie les flows, les intonations et les bars continuant sur sa belle évolution qu’on a pu observer sur Newave. Dans les lyrics que j’ai choisis, on voit que Shabbo (ou Michael Chabot, comme je l’appelle souvent dans ma tête) se lance dans le jeu des comparaisons. Le mot « like » est omniprésent – un peu comme sur les réseaux sociaux, finalement – mais on retrouve beaucoup d’humour dans le verse. Surtout quand Shabb reprend un peu le flow de 2 Chainz pour parler de femmes au postérieur large.

Tout est dans le débit; le flow coule et vient faire un contraste avec le style bordéliquement allumé de MTLord et l’énergie confiante et contrôlée de Kevin Na$h. On sent parfois une pointe d’influence de Jeune Loup dans la façon dont Shabb livre ses fins de phrases. Loin d’être négatif, ça montre surtout que des rappeurs oeuvrant ensemble, mais dans des langues différentes, peuvent s’influencer mutuellement et ça ne peut être que bénéfique pour le rap jeu.

D’ailleurs, on attend le prochain projet de Kevin Na$h impatiemment. Allez, c’est dit.

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OrelSan – Discipline

« Un ancien fan m’a dit : “T’es trop commercial”

J’lui ai dit : “J’sais pas c’que ça veut dire, “trop commercial””

Il a dit : “Quand tout l’monde aime bien, c’est trop commercial”

J’lui ai dit : “Tu fais quoi dans la vie ?”, il a dit : “J’suis commercial”(ok) »

Quel clip génial d’OrelSan pour Discipline, tiré de son dernier album, La fête est finie – Épilogue. Tout se passe à travers le téléphone du rappeur français et le résultat impressionne par son efficacité. Grand habitué aux clips hors du commun, OrelSan règle ses comptes sur son Insta avec les faux amis, les profiteurs et les autres cons de ce monde (l’utilisation du masculin ne sert qu’à alléger le texte, y a ben des connes et des imbéciles non genrés aussi. Tout le monde est niaiseux égal).

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Finalement, c’est vraiment le propos qui me marque, surtout dans la citation ci-haut. Parce qu’être « commercial », ç’a longtemps été la plus grosse insulte qu’on pouvait faire à un rappeur. D’ailleurs, ceux qui font la même musique depuis 2004 l’utilisent encore couramment. Parce que comme le rap est censé être sale, revendicateur, indépendant et sans compromis, le succès est généralement mal vu puisqu’il symbolise l’aseptisation de la musique.

Sauf qu’en 2019, le rap est devenu la nouvelle musique pop. Les rappeurs sont partout, on trouve des beats rap dans toutes les annonces de grandes multinationales et même dans une vidéo de propagande du Parti républicain qui défend l’idée de construire le mur de Trump sous un fond de trap. L’ironie est aussi incroyable que des rappeurs qui se mettent au trap en 2019, après avoir pourtant bashé pendant dix ans les rappeurs qui ont catch le wave à temps.

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Bref, la montée en flèche du rap québécois dans les dernières années fait qu’on commence à voir l’étiquette « commerciale » être associée à des rappeurs qui ont un style bien à eux, et qui sont populaires. Est-ce que Loud est commercial? Est-ce que FouKi est commercial?

Ben non, ils font du rap comme ils le veulent, pis si ça marche, c’est tant mieux, parce qu’ils sont hyper talentueux et ça fait qu’on entend moins de Drake à la radio. Pis anyway, de nos jours, tout le monde a quelque chose à vendre, alors on est tous un peu commerciaux finalement.

En passant, suivez-moi sur IG.

D-Track – OK

« À tous ceux qui questionnent mes origines

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Fais juste te rappeler que la scène c’est mon domicile, ok

J’ai pas l’goût d’rabaisser mon niveau d’rimes

Juste pour plaire à un public plus imbécile, ok »

Par le passé, j’ai souvent trouvé que D-Track se perdait un peu dans son style poético-slam qui ne lui laissait pas, à mon avis, toute la place nécessaire pour imposer sa personnalité. Depuis l’aventure Sam Faye & D-Track, on sent que le rappeur et père de famille s’est finalement relâché pour laisser libre-cours à ses inspirations, au grand dam de sonner… commercial.

Parce que sur la production lourde de OK, on a droit à un D-Track décomplexé qui refuse tout compromis au niveau de sa musique, lui qui voit la tendance du mumble rap envahir le rap et niveler par le bas la qualité des paroles. Ce que j’aime, c’est qu’il dénonce tout ça sur un beat qui aurait très bien pu servir de trame sonore pour un bon track de mumble rap. Sauf qu’il reste le même rappeur éloquent et pertinent, avec une aisance qui laisse présager un D-Track 2.0 en 2019.

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On imagine que OK est annonciateur d’un album solo à venir cette année pour le rappeur signé chez Coyote Records et on est très hype pour la suite des choses.

SHOUTOUTS

Un shoutout majeur à Planet Giza dont je vous parle souvent parce qu’ils sont sur une lancée phénoménale. Ils sont à surveiller de très près, surtout avec la sortie de leur prochain projet, Added Sugar, la semaine prochaine. En attendant, ils nous proposent You Wasn’t Lyin’, une chanson super smooth et agréable avec un clip qui appuie le vibe à merveille. S’il y a une justice dans ce bas monde, alors 2019 devrait être l’année de Planet Giza.

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Également, un gros shoutout aux fourmis de La Fourmilière qui ont bien représenté leur crew dans les dernières semaines alors que Kirouac & Kodakludo ont lancé Amos, un deuxième EP en carrière qui montre une belle évolution au niveau sonore depuis Wesh, paru l’an dernier. En parallèle, les gurus du Gatorade bleu cool de L’Amalgame ont présenté Fleur de chou, premier extrait de leur prochain album prévu fin mars qui reprend le classique Moments In Love de Art of Noise. C’est du gros son!