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L’amour au temps des dents lilas

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Il y avait les mantes religieuses. Puis il y eut cette pub d’implants dentaires dont je ne me remettrai point.

Seule au château, j’ai souvent la fâcheuse habitude de m’endormir sur mon sofa de cuirette, la falle à l’air et le zipper de jeans incrusté dans le derme. Évidemment, chaque fois, je le regrette amèrement. D’une part, parce qu’au réveil, j’ai toujours l’impression d’avoir 78 ans et une hanche à remplacer. D’autre part, parce que chaque fois, CHAQUE FOIS que j’ouvre l’œil à 3h18, je suis profusément confuse.

C’est que, quand j’émane à pareille heure, on pourrait m’informer sur-le-champ que je réside en Nouvelle-Guinée, que je m’appelle Sirop, que je suis en retard pour mon récital de tap-dance et que je ferais mieux de pas oublier mon gun, cette fois-ci – que je croirais TOUT. Apparence qu’à la mi-nuitée, j’ai la crédulité à broil (et le maniement des armes A1).

Devoir m’illustrer la bette, je dirais que j’ai à peu près le même niveau de confusion-conviction qu’Oprah dans cette scène phare:

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Et en général, quand je me réveille à l’heure des putes, le cou cassé sur un mauvais coussin, il y a toujours un truc étrange qui joue à la télé. Toujours. Nulle France Castel en négligé après me chuchoter des secrets ni infopub de petits ciseaux qui coupent vite.

Non.

Moi, je pogne toujours l’interlude du monde des insectes. Vous savez, cet espèce de cinq minutes « nature » où cloportes et bebittes à chapeaux dansent la sarabande sur de la musique burlesque composée par un mélomane en instance de divorce. Et évidemment, je me réveille toujours au boutte de la MANTE RELIGIEUSE.

Des millions d’insectes nous peuplent le terroir, si c’est pas des milliards (je pense que c’est plus des milliards). Mais fouillez-moi pourquoi, c’est toujours la Jésus Christ de saint-cibole de mante religieuse qui se fait caster premier rôle dans ces interludes-Kubrick, en se faisant aller les grands’ pattes en crochets au-dessus d’une plante grasse avec son petit regard de MINUSCULES PUPILLES, tellement petites dans ses gros globes oculaires qu’elles méritent même pas de puncher in en rentrant le matin.

Je déteste les mantes religieuses. Je les hais.

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Mais je ne croyais pas qu’une pub d’implants dentaires allait les détrôner.

D’abord, une question.

QUE SE PASSE-T-IL AVEC NOS DENTS, PEOPLE?

C’est, semble-t-il, devenu l’obsession de tous les instants. La forme, la taille, la couleur, la saveur, le feeling de quand tu te passes la langue dessus. Pas moyen de me fuir le quotidien en me lovant dans un 30 vies bien tassé sans culpabiliser sur la qualité de mon émail, grâce aux pubs des cliniques Lapointe qui me racontent que Nicole a raté sa vie parce qu’elle a les canines pointues ou que la copine de Nicolas, et je cite, le taquine encore sur la couleur de ses dents.

Le docteur Lapointe aimerait ça, que tu te magasines une belle teinte lilas pour tes palettes de gars complexé, Nicolas. Moi, je te dis de me sacrer ça là pis vite, c’te guédaille qui passe son temps à t’inspecter le spectre du tubuli avec ses petits yeux pincés de pas satisfaite. Elle s’est éprise de toi, jaunasse? EH BIEN QU’ELLE T’ENDURE JAUNASSE (exit le rockeur). Ciel.

Mais il y a mieux.

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La fameuse pub qui m’a, cette semaine, décollé le faciès du sofa, nous élève à un tout autre niveau. Au niveau lounge des soins dentaires. Si vous ne l’avez pas vue, je vous en prie, faites donc.

* soyez prévenus: de cette musique, DE CET HYMNE, vous ne vous remettrez pas *

C’est d’abord la trame sonore sexée qui m’a abruptement tirée de mon sommeil sur cuir. Cette impression qu’on s’adressait à moi à travers un ventilateur. Puis, cet étrange climat de frayeur (cette chanson me fait vraiment peur. Quelqu’un l’a écrite. ET QUELQU’UN A ENGAGÉ CE CHANTEUR). Et puis oh! Une mamie avec une petite coupe courte, un châle et un regard rempli de désir.

C’est beaucoup d’information.

Et cette complicité finale avec son dentiste. J’AI JAMAIS ÉTÉ AUSSI COMPLICE AVEC QUICONQUE.

Le vertige, prélart qui se dérobe sous mes pieds de bas.

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Bon. Nous assistons certes à une vague de marketing-séduction de boomers qui s’envisagent la retraite à se pavaner la gencive dans tous les 5@7 champêtres Bring Your Own Jetée. Je le comprends et le conçois. Mais cette approche érotico-dentaire me plonge, m’a plongée, au beau milieu de ma nuit, dans un puissant malaise.

C’est qu’on ne joue plus la carte du « Tu vas enfin pouvoir croquer dans une Ruby Red Delicious à pleines palettes, ma Nicole ». Ce qu’on promet à Nicole, c’est qu’elle va baiser solide à’soir avec ses nouvelles dents.

Et surtout, sa vie entière se déroulera désormais dans la magic hour. À LA BRUNANTE. Nul autre éclairage n’est de mise quand t’as pour 50 000 piasses de corps étrangers dans le casseau. Tu payes. Tu obtiens. Pis tu vis dans le tamisé-sexé sans compromis.

Attention; je suis pour toute mamie en phase avec sa dentition, palettes neuves ou d’occasion. Je suis aussi pour toute mamie en phase avec sa genitalia. Mais l’amalgame de l’implant dentaire et du regard lubrique d’un Sean Connery de Chambly fin prêt pour le bridage m’apparaît peut-être précipité.

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On peut peut-être starter par un petit détartrage. Ou aller voir un bon film, tiens.

Peut-être, aussi, ne comprendrai-je les véritables enjeux dentaires que lorsque je serai moi-même grannie et qu’une tendre brise soufflera sur mes toutes nouvelles incisives de platine et sous mon jupon sous lequel je ne vivrai que commando, au soleil couchant.

Mais d’ici-là, j’apprécierais qu’on me ramène la mante religieuse.

La bise.