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Tinder success stories

L’amour au temps des applications

Oui, Tinder et cie, ça fonctionne!

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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Je suis en couple depuis la crise du verglas, soit une époque où Ludivine Reding et Mr Beast venaient à peine de se faire couper le cordon ombilical. Le monde pré-11 septembre avait quelque chose de candide, léger. Ça brassait autant au Proche-Orient (Benyamin Netanyahou était déjà premier ministre d’Israël), mais on était pas mal moins au courant, l’Internet en étant encore à ses premiers (bruyants) balbutiements.

Pour rencontrer l’amour, il fallait miser sur les bars, le défunt Réseau Contact, les soirées de speed dating au bar Le Lovers ou un passage à l’émission Coup de foudre.

Les romantiques finis comme moi (que voulez-vous, j’étais étudiant en Lettres) espéraient une collision au détour d’un corridor à l’école, où Cupidon frappe en ramassant nos livres tombés par terre.

– Wow, L’Alchimiste de Paulo Coelho?

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– Yep, je cherche ma quête personnelle, mais je crois l’avoir trouvé?

– Moi… moi… c’est Sophie… Tu…tu…ressembles à Orlando Bloom…

– Hugo, pour te servir! Je t’aime, épouse-moi…médiévalement.

Fin, avec des enfants, un bungalow, UNE trampoline et pas de chien parce que ça pue.

Ma blonde et moi, avant l’invention de Tinder
Ma blonde et moi, avant l’invention de Tinder

Tout ça pour dire que j’aurais été triste de rencontrer l’être aimé sur une application où notre avenir dépend d’un swipe du bon bord (d’ailleurs, je ne sais même pas si c’est droite ou gauche, le bon bord. Gauche, j’imagine?). Comme tout le monde, j’aurais sûrement fini par m’habituer, mais je pars avec un préjugé défavorable.

Pour bousculer mes idées préconçues, je profite de la Saint-Valentin pour raconter des success stories de relations nées via des applications de rencontre.

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Premier constat : ça n’a pas été difficile de récolter des témoignages. Comme quoi, dans l’océan des déceptions virtuelles, l’amour existe encore.

La chance de la débutante

Pour plusieurs personnes rencontrées, la pandémie a été un accélérateur de relations. Sans avouer avoir brûlé quelques étapes, c’était assez unanime que le confinement a forcé les célibataires à ne pas niaiser avec le puck.

Jeanne, 29 ans, a installé Tinder le 10 mars 2020, dans l’espoir de vivre des aventures après huit ans de vie de couple.

Deux jours plus tard, le monde basculait. « Je suis allée voir (sur Tinder), un soir que je m’emmerdais. J’ai eu un match et on a eu une première date sur Zoom. Ça a duré sept heures », raconte Jeanne, aujourd’hui mariée avec Joey, sa seule et unique rencontre sur l’application.

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« Mon scénario est tellement idyllique et merveilleux, que je ne peux pas relate aux histoires d’horreur de dating sur Tinder », admet la jeune femme, qui avait vite intégré la bulle de son chum et ses colocs après leur match. Leur première rencontre en trois dimensions a pris la forme d’une bière aux deux extrémités d’un banc de parc, pour respecter la distanciation sociale. « Au début, je pensais à un amour de pandémie, genre L’amour au temps du choléra, mais ça a vraiment cliqué. J’étais sur la PCU, lui aussi, on passait beaucoup de temps à chatter », se remémore Jeanne, qui travaille dans le milieu de l’édition. Des aptitudes qui l’ont aidée à publier leur première conversation Tinder, pour remettre aux invités de leur mariage. « On a rien censuré, mais j’ai fait un petit travail d’édition. J’étudiais en littérature et il mettait des points-virgules pour m’impressionner », lance-t-elle en riant.

Oui, c’est le moment d’y aller d’un « awwww, cute » bien senti et justifié.

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« Ça leur donne de l’espoir »

Sara a aussi rencontré l’amour sur Tinder au tout début de la pandémie. « J’avais peur de le voir, on savait pas trop ce qui se passait (avec la pandémie). On a échangé quelques semaines virtuellement, mais on avait aucun ami en commun, alors ça me faisait un peu peur au départ. Ça a finalement super bien cliqué », résume la recherchiste de 24 ans, qui vivait alors à Québec, comme son soupirant.

Sara et Jérémie
Sara et Jérémie

Après quelques rencontres, dont une première balade à la base de plein air de Sainte-Foy, ils officialisent leur couple. « J’ai déménagé à Montréal pour mes études et lui, qui vient de Toronto, a demandé un transfert dans son domaine. On aimerait acheter une maison, on a déjà un chat ensemble », souligne Sara.

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L’an dernier, son couple a même survécu à un premier gros voyage et suscite à ce jour l’envie de son entourage. « J’ai beaucoup d’amis qui ne trouvent pas, alors ça leur donne de l’espoir », philosophe Sara, qui n’aurait jamais pensé trouver l’amour sur Tinder. « C’est presque gênant, je ne sais pas si je vais l’avouer à mes enfants ou inventer quelque chose », plaisante-t-elle à moitié.

De Tinder à L.A.

« Mon mari et moi, il y a sept ans. Et on vit maintenant à L.A. avec deux enfants et un chien 😅 », m’a vite répondu Audrey, lorsque j’ai lancé une bouteille à la mer sur Instagram.

Contrairement à Jeanne et Sara, Audrey n’a pas trouvé l’amour en quelques swipes. « J’ai utilisé ça pendant un an et demi, deux ans, le temps de développer une relation amour/haine. Les premières dates étaient souvent assez répétitives », avoue-t-elle au bout du fil, pendant que son dernier-né de cinq mois gazouille sur elle. « Je suis déjà de retour au travail, les congés parentaux sont courts ici (Los Angeles) », admet la jeune maman originaire de Cowansville.

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Avec Jonathan, la relation n’a pas niaisé. Après avoir perdu du temps sur les applications, elle était dans un mood d’efficacité. « J’ai décidé d’être plus claire sur ce que je voulais. Je ne suis pas de type coup de foudre, je suis très pratico-pratique. Je voulais l’amour à long terme, bâtir quelque chose ensemble. J’ai dit très vite que je voulais des enfants », souligne Audrey.

Audrey, Jonathan avec bébé Théo et Louie
Audrey, Jonathan avec bébé Théo et Louie

Le profil de Jonathan, un Américain travaillant dans l’industrie du cinéma, souvent en visite ici, a piqué sa curiosité. « Je ne suis pas de Montréal et je me suis dit que ça serait le fun de visiter la ville ensemble. Je suis aussi allé le voir à L.A. et je ne suis jamais repartie », explique Audrey, qui s’est depuis mariée pour le visa, certes, mais aussi par amour.

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Une famille et un chien plus tard, Audrey a fait la paix avec le fait d’avoir trouvé l’amour sur une application. « Comme on a l’air d’un couple heureux, les gens semblent rester sur leur faim quand ils apprennent qu’on s’est connus sur Tinder… »

Mais le temps, leur trip commun pour les randonnées et leur famille ont fini par façonner une belle histoire d’amour, la leur.

« J’irai où tu iras, mon pays sera toi! »

Antoine n’a pas juste trouvé l’amour sur Tinder, il a aussi trouvé une nouvelle patrie, puisque cette rencontre l’a convaincu de s’expatrier. « Je suis arrivé au Québec en 2019. Je pense ne jamais retourner dans mon pays. Ma mère ne m’en veut pas. De toute façon, elle aime plus ma blonde que moi! », rigole le Belge, venu étudier en droits humains à l’UQAM.

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C’est durant cette période qu’il tombe via Tinder sur Catherine, sa première blonde sérieuse. « C’est son sourire qui m’a fait swipé à droite. Elle trouvait que j’avais l’air d’un gentil garçon. On a fait des blagues d’Harry Potter et on a convenu d’une première date, une balade en ville », raconte Antoine, qui a aussi vu sa relation se développer rapidement en raison du contexte pandémique. « En moins d’un an, on vivait ensemble et j’ai obtenu ma résidence permanente. »

Antoine et Catherine
Antoine et Catherine

À la fin des restrictions sanitaires, les familles et amis ont enfin pu se rencontrer et la chimie a opéré de plus belle. « Nos deux familles sont très proches. Maintenant, on veut fonder la nôtre. Je suis heureux », résume Antoine, qui ne pourrait trouver meilleure chute pour son témoignage.

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Des retrouvailles et quatre hôtels

Any-Claude et Simon se sont fréquentés il y a quinze ans lorsqu’ils étaient au cégep. Ils portaient des dreads et leur relation n’avait rien de sérieux.

Un saut dans le temps jusqu’en 2020, lorsqu’Any-Claude s’ouvre un compte Tinder pour chasser la grisaille pandémique. « J’avais vécu à Montréal et en Asie, mais j’étais revenue au Lac (Saint-Jean). Simon a été mon deuxième match. On s’est donné rendez-vous et on ne s’est jamais lâché », raconte Any-Claude, qui ne pouvait rêver d’une meilleure expérience sur Tinder. « Sans les applications, on ne se serait jamais revus. On ne se souvenait plus qu’on existait », illustre-t-elle.

Any-Claude et Simon
Any-Claude et Simon
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Les tourtereaux n’ont pas mis de temps à rattraper le temps perdu. Cinq ans plus tard, ces anciens profs de cégep ont tout lâché pour devenir propriétaires de quatre établissements hôteliers dans leur région, sans oublier l’achat d’une maison et l’adoption d’un chien.

« Je trouve ça comique parce qu’on était deux nouveaux sur Tinder et ça a vite cliqué. J’ai des amis qui sont là-dessus depuis des années et sont malheureux. On est chanceux. »

Un bébé grâce à Hinge

« Nous sommes passés à travers un déménagement, la pandémie, une fausse couche et on s’aime encore très fort », résume Isabelle, qui a rencontré Mathieu en 2018 par le truchement de l’application Hinge, selon elle une application de rencontre pour des gens un brin plus sérieux que Tinder.

Célibataire endurcie, Isabelle a profité de l’application en masse avant de « trouver le bon ».

« Mathieu aussi était célibataire depuis longtemps. On fait la blague qu’on a pogné le moins pire qui restait. »

Isabelle et Mathieu
Isabelle et Mathieu
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La pandémie est survenue trois semaines après qu’ils aient emménagé ensemble.

Ça passe ou ça casse, s’est dit le couple, qui a finalement vécu la plus belle histoire, renforcée par la naissance de Célia, leur fille née en 2021. « Trouver l’amour dans les bars ou au hasard à l’épicerie a ses limites. Je trouve qu’un site de rencontres nous offre une autre chance », constate Isabelle.

Scrabble go

Sophie ne le cache pas, ses premières conversations avec Philippe étaient un peu bof. « On a matché sur deux applications, on se gardait à l’œil, mais la conversation n’était pas naturelle », confesse la jeune trentenaire, qui traînait depuis environ un an sur Tinder.

« Comme tout le monde, on voudrait tomber sur le grand amour au dépanneur, mais il faut se rendre à l’évidence que c’est normal, aujourd’hui, de faire des rencontres sur des applications », souligne Sophie, qui affirme avoir eu une expérience positive. « C’est sûr que c’est poche, le soir, de swiper du monde. On est tellement picky, on veut que l’autre coche toutes les cases. Mais pour trouver la bonne personne, il faut se laisser surprendre », philosophe-t-elle.

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Sophie s’est donc effectivement laissée surprendre, mais pas de la manière prévue. « Ça faisait une grosse année que je jouais au Scrabble en ligne avec ma grand-mère que je ne pouvais pas voir. C’est lui qui m’a trouvée là-dessus. On s’est mis à jouer tous les jours. Nos mots sont devenus un peu épicés au fil du temps et ça a finalement donné lieu à une rencontre », raconte Sophie, au sujet d’un booty call ayant servi à matérialiser les mots salaces du jeu. « On a jasé jusqu’à quatre heures du matin, on avait plein de sujets de conversation. J’ai dû lui dire, à un moment donné : bon tu devrais faire ce pour quoi t’es venu. »

Le couple habite aujourd’hui dans leur maison de Sherbrooke, la ville de Philippe, que les amis de Sophie surnomment « Scrabble go ».

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Sophie se félicite d’avoir surmonté une première impression moins enthousiaste. C’est d’ailleurs ce qu’elle retient de son expérience. « Faut écouter son feeling et accepter que c’est un passage obligé pour plusieurs applications. Ces expériences font partie du chemin vers la bonne personne. »

Ah et oui, le couple joue toujours au Scrabble, mais en vrai.

Un chum trouvé par hasard par des amies

Des fiançailles, un chien, deux chats, une maison, un déménagement en Gaspésie, et surtout, neuf ans de « je pense que c’est ma meilleure vie » : tout est au beau fixe entre Camille et Dominic, son Gaspésien qu’elle a rencontré sur OkCupid. « C’est une application plus classique, tu peux créer ton profil et consulter celui des autres. C’est pas juste un catalogue comme Tinder », décrit Camille, qui a rencontré son chum dans un moment de désespoir.

Elle avait vécu son lot d’histoires bizarres sur les applis de rencontres, un moyen pour cette fille « extravertie, mais aussi très gênée » de se mettre out there. « Je mesure 6 pieds 2 et c’était un kink pour certains. Un gars m’a déjà offert 200 $ pour lui marcher dessus », raconte Camille, qui a finalement un jour tendu son cell à des amis, leur lançant à la blague de choisir pour elle.

Camille, Dominic et Loulou
Camille, Dominic et Loulou
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C’est ainsi que Dominic a été swipé du bon bord. « Mes amis l’ont trouvé cute. On s’est parlé au téléphone et il s’était embarré dehors. Il avait emprunté une échelle et grimpait à sa fenêtre en me décrivant ça au bout du fil. Cette anecdote m’avait accrochée. »

À leur première rencontre, ça cliquait toujours. Plus que ça, même. « Je pense que ça a été le coup de foudre des deux bords. »

Le couple flambant neuf décide à leur deuxième date de mettre leur couple à rude épreuve en payant une petite visite au IKEA. « Je le recommande à tous, parce qu’on ne s’est pas entretués. Et finalement, on avait plein d’affaires en commun, on se complétait, en plus d’une attirance sur tous les plans », louange Camille, qui a décidé de tester à nouveau son couple – décidément – en partant en road trip quelques semaines après leur rencontre. Le projet : une randonnée en kayak en Ontario.

« Les gens me disaient : tu vas te faire assassiner dans le bois! Mais on s’est pas lâchés et on n’a, depuis, pas passé une semaine sans se voir. »

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Aujourd’hui, Camille et Dominic adorent leur petite vie à cinq en Gaspésie, au cœur de la nature. Cette journaliste se pince encore un peu. « Je pensais qu’il y avait toujours des mind games dans l’amour, mais avec Dominic, ça s’est passé de manière tellement simple. J’avais beaucoup romancé l’idée de rencontrer quelqu’un naturellement, mais je ne suis pas déçue, parce que notre histoire est tellement belle », résume-t-elle.

De Grindr au bingo

Je ne pouvais pas terminer ce reportage sans une histoire d’amour née sur Grindr, une application s’adressant surtout aux hommes de la communauté LGBTQIA+.

« On a matché sur Grindr ET Tinder », rectifie Kane, officiellement en couple depuis huit mois avec Raphaël. Leur romance remonte à plus longtemps, environ deux ans, lorsque les deux jeunes hommes ont commencé à jaser virtuellement. « On prenait le temps de se parler de tout et de rien. On ne n’est pas vus pendant trois mois à cause de la distance », raconte Kane, qui habitait à Saint-Jean-sur-Richelieu, tandis que Raphaël était à Saint-Hyacinthe.

Kane, Raphaël et Arlo
Kane, Raphaël et Arlo

Dire que leur première rencontre n’a pas été convaincante serait un euphémisme. « Pendant la date, j’ai pris peur. Alors, je suis parti et je l’ai ghosté pendant un an », avoue Kane, qui admet avoir souvent été échaudé par le passé. «J’étais célibataire depuis 3 ans, mais dans ma tête, je ne me sentais pas prêt. Je ne trouvais pas que je ne méritais un gars de même, quelqu’un qui prenait le temps de m’écouter », confie le romancier de 28 ans, qui a rematché un an plus tard avec Raphaël.

« Je me suis excusé plusieurs fois, et on est allés en date à ma fête. Il m’a laissé choisir le film et le restaurant. C’était une super soirée, avec un premier vrai bec. »

Ensuite, les choses ont déboulé rapidement. Si bien que quelques semaines plus tard, Kane déménageait avec son chum à Saint-Hyacinthe, où ils vivent aujourd’hui avec leurs trois chats et leur chien Arlo. « On va au bingo, aux quilles, on lit le journal et on a nos routines comme deux petits vieux », plaisante Kane, un romantique fini un peu déçu d’avoir trouvé l’amour sur une application.

« Des fois, moi pis mon chum, on s’invente des histoires pour dire comment on s’est rencontrés. On a menti à nos parents, aussi, en leur faisant croire qu’on s’est rencontrés en marge du théâtre », admet Kane, qui leur a récemment avoué la vérité.

À la lumière de tous ces témoignages et s’il y avait une morale à dégager de cette histoire, c’est que le grand amour ne se trouve peut-être qu’à un swipe du bon bord.