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L’album culte de… Charles Beauchesne

On a discuté avec l'humoriste de son album préféré de Marilyn Manson.

Par
Alexandre Demers
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Dans l’abondance de l’offre comique au Québec, personne ne tisse la fine toile de l’humour sinistre comme Charles Beauchesne sait le faire. Errant dans la scène underground depuis une dizaine d’années, il a fait sa signature en jonglant naturellement avec des sujets glauques (comme la douce inévitabilité de la mort…) pour frapper dans la cible du malaise avec efficacité. Et son goût pour le lugubre lui vient notamment d’un amour particulier pour un album issu des années 1990.

Paru en 1998, Mechanical Animals est le troisième album du shock rocker américain Marilyn Manson. Deuxième volume d’une trilogie conceptuelle, c’est un projet qui rompt avec la noirceur industrielle d’Antichrist Superstar (1996) et la touche de Trent Reznor (Nine Inch Nails) pour s’affranchir vers quelque chose de plus glam rock où tout est mis en lumière; principalement la vacuité du showbusiness et les drogues dans lesquelles Manson s’est réfugié pour combattre la bête. Ce sont d’ailleurs les deux thématiques centrales de l’album inspiré par le Ziggy Stardust de David Bowie!

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C’est à l’âge un peu ingrat de 16 ans que Charles s’est retrouvé avec une copie de l’album entre les mains. Sans le savoir, l’ado frustré qu’il était venait de plonger dans un univers dark qui allait teinter sa manière de voir les choses et qui allait le suivre toute sa vie. On est allé à sa rencontre pour savoir what’s up avec ça.

Rompre avec les traditions

« Marilyn Manson a sauvé mon adolescence, admet Charles d’un ton franc, d’entrée de jeu. Il m’a appris à crier et à mettre des mots sur les affaires contre lesquelles j’étais en colère dans une période où j’avais l’impression que tout l’univers était contre moi, qu’il n’y avait personne qui partageait mes intérêts et que j’étais en constante agression. »

Écrite dans un besoin de peindre le vide malsain du showbusiness américain, cette troisième proposition de Brian Warner (de son véritable nom) dresse un sinistre portrait de la société occidentale qui cherche désespérément à se divertir, et ce, à n’importe quel prix. Une trame narrative qui a ouvert les yeux de notre invité sur l’industrie.

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« Après t’être tapé le premier album qui est un peu la définition de Marilyn Manson, tout à coup, t’as cette rupture qui est complètement extraterrestre, weird et champ gauche. Tu regardes la pochette et tu te demandes “Mais qu’est-ce qu’il a fait? Il a des tits et six doigts sur une main…?” »

« Et c’est pas un album que j’ai instantanément aimé, parce qu’il rompt avec sa propre tradition et finalement, au fur et à mesure des écoutes, c’est là que le message de cet album devient apparent : c’est la drogue, la vacuité, la manière dont on market ou on transforme les gens en produits. Sur le fait que toutes les couleurs qui nous sont intrinsèques vont nous être lentement absorbées et vampirisées par l’industrie. Et ça, c’est la grande angoisse de cet album-là, » explique-t-il avec un sourire en coin méditatif.

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« Là, je suis humoriste et j’ai une vague notion de showbiz, mais à l’époque, c’étaient des affaires qui m’étaient complètement inconnues. C’était mon premier voyage dans le “BTW toutes les affaires que tu connais, qu’on te montre, toutes les représentations de divertissement qu’on t’offre, c’est un décor en carton derrière lequel on t’offre des gens sur la drogue qui s’agressent sexuellement les unes les autres.” Une estie de réalisation quand t’as 17 ans! Tu idolâtres ce milieu-là et tu fais partie du problème! »

Un (bref) survol de l’album

On a demandé à Charles nous glisser quelques impressions et commentaires à propos de ses chansons préférées.

The Dope Show

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Après la lugubre It’s a Great Big White World en ouverture d’album, c’est ce puissant single qui prend les devants. « Dans cette chanson-là, on est dans la télé et t’as Marilyn Manson qui arrive dans son clip en extraterrestre qui se fait kidnapper par des scientifiques qui ont décidé mettre une étiquette dessus. Deux minutes plus tard, il est en suit à paillettes rouges en train de chanter devant des policiers homosexuels qui swing des matraques en rose. J’adore ce clip-là!»

«Dans le fond, la télévision, qu’est-ce que c’est? C’est un cirque de monde stoned qui se fait dresser par des dresseurs stoned. C’est ça, le divertissement. C’est de regarder du monde sur la drogue essayer de se coller un sourire dans la face pour vous dire que toutes les affaires vont bien. Terrifiant!»

Mechanical Animals

« Sur celle-là, encore une fois, il dit “They’ll never be good to you or bad to you, they’ll never be anything at all.” Tout le monde autour de toi n’ont pas nécessairement de bonnes ou de mauvaises intentions. Ils n’ont aucune idée de la machine pour laquelle ils travaillent. Ils ne sont rien… »

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« Et on est tranquillement en train d’en venir à cette ère de divertissement de cybernétisation de l’information. Des animaux mécaniques. On est ce vide de ce qui faisait de nous des humains à la base, et on se transforme en machines de showbiz et de pixels de données et d’informations. Brrrrrr! »

Coma White

En guise de fermeture, c’est la pièce incarnant l’overdose. La préférée de Charles. « C’est l’autodestruction jusqu’au bout avec tous les outils que le showbiz t’a donné. “A pill to make you numb, a pill to make you dumb, a pill to make you anybody else“. Donc une pilule pour t’aseptiser, une pilule pour te rendre stupide, une pilule pour te faire devenir n’importe qui d’autre; et toutes les drogues de ce monde ne te sauveront jamais de toi-même. Fin! »

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«Et ça accompagne un beau clip qui fait référence à l’assassinat de Kennedy. Y’a pas de plus belle fin à un album que ça. Cette toune-là me hante encore aujourd’hui.»

La beauté dans la laideur

En l’espace de 14 morceaux décadents, Mechanical Animals dresse un portrait glauque de la société et le rôle que le showbiz joue dans le grand spectre des choses. «J’ai compris comment la société fonctionnait. Autant qu’un kid de 16 ans peut avoir une compréhension de ces affaires-là», explique-t-il.

«Ç’a été le début d’un thinking. Et je dirais que c’est un album que tu redécouvres chaque fois que tu l’écoutes, dépendamment à quelle période de ta vie tu décides de l’écouter. Ça, c’est les traits d’un très grand projet!»

Définitivement marqué par le sinistre spectacle qu’incarne Mechanical Animals (et l’œuvre de Marilyn Manson au sens large), ce désir de mettre l’horreur de l’avant aura finalement teinté toute l’œuvre qui le définit en tant qu’humoriste. C’est la vision derrière sa manière d’approcher un numéro et ce qu’il veut véhiculer avec son art, traitant au passage des ravages de la peste noire au Moyen Âge, de la mort qui nous guette sans cesse et des pires moments de l’histoire.

La totale, quoi.

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«Marilyn Manson m’a appris que, dans la vie, même les choses excessivement laides peuvent être très belles. Y’a toujours une beauté à aller trouver dans la laideur. Et par la laideur, j’entends bien sûr les choses auxquelles on n’est pas habituées. Les choses étranges qui rompent avec la tradition. »

«Montrer le laid, c’est 100 % ce que je fais dans toutes mes démarches artistiques. C’est d’aller chercher ce qui est beau dans ce qui est laid et ce qui est laid dans ce qui est beau. Antichrist Superstar, c’est un album qui va chercher ce qui est beau dans ce qui est laid. Mechanical Animals, c’est un album qui va chercher ce qui est laid dans ce qui est beau à la base. Et pour cette raison, j’ai l’impression que c’est un album qui est plus intéressant», explique-t-il, faisant référence à ses projets sur scène et sur le web.

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«Donc c’est quoi la touche de cet album-là en moi ? C’est de dire la vérité à travers l’art. C’est de dire “regardez les amis, ne capotez pas, on est tous dans le même bateau, mais le monde dans lequel on vit est complètement taré et erroné. Ça va être inconfortable de réaliser ça, mais au moment où vous allez passer à travers ce choc initial-là, vous allez être équipés et plus forts pour dealer avec l’horreur infinie qu’est le monde.” Voilà ce que je tire artistiquement de cet album-là», conclut-il avec un rire sinistre dans la voix. Fidèle à son image.

«Y’a toujours moyen de rire de ce qui est triste et y’a toujours moyen de pleurer de ce qui est drôle.»

Le podcast de Charles Beauchesne, Les pires moments de l’histoire, est actuellement disponible sur toutes les plateformes. Les prochains épisodes devraient arriver (très) prochainement.

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Pour toutes ses actualités et dates de spectacle, ça se passe pas mal sur sa page Facebook et sur son site web officiel.