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L’album culte de… Catherine Pogonat

On a survolé Automatic for the People de R.E.M. avec l’animatrice

Par
Alexandre Demers
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C’est une vive passion qui habite l’animatrice et journaliste culturelle Catherine Pogonat. Bien établie dans la sphère médiatique québécoise depuis près de vingt ans, celle qui a mené de front des émissions comme Mange ta Ville et animé sur Bande à Part est une incarnation authentique de la mélomane qui veut partager son amour inépuisable de la musique de tous genres. Agissant comme un phare culturel, elle a guidé une quantité phénoménale de talents locaux et internationaux vers les oreilles du grand public, que ce soit par le biais de playlists personnalisées ou d’entrevues de fond variées. Et chaque jour, elle part à la recherche de la prochaine chanson à découvrir. Le real deal!

Si certains peuvent se demander d’où lui provient ce feu intérieur qui l’anime depuis toujours, l’animatrice a une réponse claire. Habitée par l’œuvre complète de R.E.M. depuis l’adolescence, c’est sur leur masterpiece des années 1990 qu’elle a décidé de se pencher.

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Paru en 1992, Automatic for the People est le huitième album de la formation américaine originaire d’Athens en Géorgie. Formé de Michael Stipe (voix, textes), Mike Mills (bass), Peter Buck (guitare) et Bill Berry (drums), le groupe s’était bâti un solide fanbase dans la scène rock alternative grâce ses ingénieuses pièces socialement engagées et sa formule mélodique inspirée du proto-punk new-yorkais de Patti Smith et des Velvet Underground.

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Automatic for the People est l’œuvre d’un band au sommet de son art et disposant de tous les moyens de ses ambitions. On a recueilli les souvenirs et commentaires de Catherine en repassant avec elle à travers quelques-unes de ses chansons phares de l’album.

Drive et la conscience militante de R.E.M.

Les premières secondes de l’album révèlent une pièce un peu gloomy qui fait office de la signature classique du groupe soutenue par la production de Scott Litt. Reconnu pour son côté engagé et militant, R.E.M. incite la jeunesse américaine à reprendre le contrôle.

« C’est une chanson qui a un message politique », relève Catherine, rappelant que l’album faisait suite à l’écœurement politique causé par l’administration de Ronald Reagan, celle de George H. W. Bush, la Guerre du Golfe, etc.

Quand tu l’écoutes, ça a plus l’air d’un roadtrip à la Jack Kerouack avec les jeunes qui partent à l’aventure, le party, la drogue et tout ça, mais c’est une chanson qui incitait les jeunes à aller voter.

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« Quand tu l’écoutes, ça a plus l’air d’un roadtrip à la Jack Kerouack avec les jeunes qui partent à l’aventure, le party, la drogue et tout ça, mais c’est une chanson qui incitait les jeunes à aller voter. C’était juste avant la fameuse élection de 1992 où Bill Clinton voulait que tous les résidents éligibles puissent voter avec leur permis de conduire, sans le passeport.»

Everybody Hurts ou une écriture plus frontale

Souvent reconnu pour les textes très cryptiques de Michael Stipe, R.E.M. a pris tout le monde par surprise lorsque le groupe a présenté cette douce pièce mélancolique. Destiné à son public adolescent qui pourrait chercher de l’aide, ce succès porté par le riff écrit par Bill Berry tend clairement une main à ses fans. « C’est rare qu’il y a des tounes comme celle-là. Sérieusement, tu ne peux pas ne pas comprendre de quoi il parle. »

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« C’est l’album que Kurt Cobain écoutait dans les jours avant son suicide, et c’est troublant parce qu’en même temps, Everybody Hurts, c’est une chanson d’espoir. C’est un texte hyper clair qui rappelle que tout le monde rush parfois pis c’est pas grave », lance Catherine.

« Comme R.E.M. étaient sur la scène alternative et justement assez loin des circuits commerciaux, c’est vrai qu’ils avaient un fanbase dans lequel il devait y avoir de l’anticonformisme et ce sentiment de différence.»

Quand on le voit dans le vidéoclip, il était vraiment en crise d’angoisse.

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« Ce qui est hot dans ce vidéoclip-là, c’est que le réalisateur voulait vraiment que Michael Stipe monte sur une voiture en plein trafic au milieu de tout le monde et lui ne voulait pas. Étrangement, même s’il anime de grosses foules, il est un peu agoraphobe. Dans un contexte où il n’est pas en spectacle, il était terrorisé de se retrouver au milieu d’un bassin de gens comme ça. Quand on le voit dans le vidéoclip, il était vraiment en crise d’angoisse. »

Man on the Moon et la culture pop

Si R.E.M. est passé maître dans l’art de composer des airs fédérateurs, cette chanson en est probablement l’aboutissement le plus ultime. Inspiré par la vie de l’humoriste américain Andy Kaufman, un personnage détonnant qui avait un univers décalé et qui s’émerveillait un peu à la manière d’un enfant, ce tour de force fait partie des pièces les plus rassembleuses de son répertoire, voire des années 1990 au sens large.

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« C’est une de leurs plus grandes tounes, » affirme l’animatrice, d’un air convaincu. « C’est quelque chose que j’aime beaucoup de l’écriture de Stipe. Il fait souvent référence à la culture pop, à des auteurs ou même parfois à des pubs. Et dans cette celle-là, il y en a plein, notamment à Elvis et à Darwin. C’est comme un florilège de références. »

« C’est pas arrivé souvent dans l’histoire de R.E.M. de rendre directement hommage à un personnage réel. Ce qui nous emmène justement ailleurs, parce que Michael Stipe, dans son écriture compliquée, même alambiquée, faisait souvent dans les images métaphoriques sur la vie, la jeunesse, la mélancolie ou encore la douleur de vivre. Dans ce cas-ci, il fait vraiment référence à quelque chose de plus bubbly, de plus imaginaire. Et c’est un personnage qui représente aussi une certaine douleur et un mal de vivre, mais qui vivait justement dans un monde qui était très différent de celui du groupe. Il y a donc un peu une notion de théâtre ou de jeu dans cette toune-là. »

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Nightswimming ou l’art de capturer un moment

En fin de parcours, Automatic for the People sort un peu de son sentier lorsque Mike Mills s’installe derrière le piano pour servir une émouvante trame de fond baroque pop pour les textes intimes du frontman dans lesquels il revisite certains souvenirs de jeunesse perdue à partager des moments uniques en pleine nuit.

« C’est vraiment une de mes pièces préférées », admet-elle, touchée par la mélodie. « Il y a les cordes de John Paul Jones qui sont malades sur tout l’album, mais particulièrement dans cette chanson-là. Il y a comme un peak. Le piano, les cordes et la voix, c’est comme un décor. Tu peux voir les images. Je me rappelle clairement d’écouter cette toune-là en boucle. »

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« Personnellement, je ne la perçois pas d’un œil nostalgique parce que j’ai encore cet aspect-là dans ma propre vie. Je parle de cette idée de se retrouver ensemble dans notre bulle pour saisir le moment présent et vivre des moments magiques. L’image de se garrocher à l’eau, c’est quelque chose que j’entretiens énormément, même que je demande beaucoup à mes proches de vivre ça avec moi. »

C’est dommage qu’elle ne soit pas connue parce que je la ferais au karaoké. Ce serait le moment de malaise et il y aurait un silence.

« C’est dommage qu’elle ne soit pas connue parce que je la ferais au karaoké. Ce serait le moment de malaise et il y aurait un silence. Ça gâcherait le party, mais bon… »

Des échos qui se font ressentir jusqu’à aujourd’hui

Bien des choses ont changé depuis ces années formatrices que Catherine a vécues à l’adolescence. Caractérisée par sa charge émotive, ses textes photographiques et sa force naturelle à créer des bulles, Automatic for the People est une œuvre qui a cependant laissé de fortes traces dans le cœur et l’esprit de la jeune fan qui retranscrivait les textes de Michael Stipe dans ses cahiers de notes.

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« Quand j’écoutais ce disque-là, ce sont des années de mon adolescence durant lesquelles j’étais vraiment en train de me forger comme personne qui écoute de la musique. En fait, ça teinte pour la vie ta façon d’écouter de la musique et ce que tu vas aimer par la suite », admet-elle, faisant référence à son côté hopeless romantic pour la pop mélodique un peu champ gauche.

« Encore plus loin que ça, c’est avec cet album-là que mon amour pour R.E.M. et Michael Stipe s’est véritablement installé. Je suis allée vraiment loin dans mes recherches : j’ai lu tous les livres, j’ai analysé tous les textes, j’ai regardé toutes les entrevues qui passaient à MusiquePlus, etc. Je suis allée très loin dans ma démarche, ce qui teinte l’animatrice et l’intervieweuse que je suis aujourd’hui. J’ai encore ce côté très fan en moi », remarque-t-elle, maintenant animatrice de L’effet Pogonat.

« J’ai toujours envie de comprendre la personne qui se trouve devant moi. »

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Pour entendre les playlists et entrevues de Catherine, ça se passe du lundi au vendredi de 8h30 à 12h à L’effet Pogonat, présenté sur les ondes de ICI Musique.

Pour ses réseaux sociaux, ça se passe ici et là.

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