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L’album culte de… Antoine Corriveau

On a survolé «White Blood Cells» de The White Stripes avec l'artiste.

Par
Alexandre Demers
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Puiser dans les racines artistiques de l’auteur-compositeur-interprète Antoine Corriveau n’est pas une mince affaire. Certains caractérisent son art par cette approche personnelle et intimiste du folk, tandis que d’autres soulèvent plutôt l’aura de mystère qui plane au-dessus de l’artiste. Chose certaine, pour arriver où il en est aujourd’hui, il faut retracer les fibres de son parcours et se reporter à cette époque pas si lointaine où il commençait tout juste à faire résonner les cordes de sa guitare acoustique dans le confort du sous-sol familial.

Pour l’exercice, Antoine a revisité son glorieux passé pour en ressortir un incontournable album de sa collection personnelle qu’il a usé à la corde et qui l’a suivi pendant de nombreuses années. C’est à l’âge de 16 ans, alors qu’il était membre émérite de la très artisanale formation folk Les Singes Volants, que le créateur s’est plongé pour la première fois dans l’univers rouge, blanc et noir de White Blood Cells pour ne plus jamais en ressortir.

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Paru en 2001, White Blood Cells est le troisième album de la formation américaine The White Stripes. À l’époque, le duo formé de Jack (voix, guitare, piano) et Meg White (drums) cherchait à réorienter sa signature blues pour mieux la mêler à une habile formule de folk et de garage rock grinçant. Poussé par le songwriting instinctif du guitariste et soutenu par le jeu de batterie assez lousse de la timide percussionniste, l’album frappe par la force de ses compositions, son sloppiness assumé et son exploration complètement décomplexée des genres.

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Et c’est avec cet efficace single au vidéoclip signé par Michel Gondry que la plupart des fans l’ont découvert.

Une liberté éclectique

Développant alors sa propre fibre artistique, le jeune Antoine est tout de suite embarqué dans la proposition du groupe de Détroit, enregistrée à la course en moins de quatre jours pour miser sur l’énergie brute et vivante de la formation.

« Ce qui m’a toujours frappé, c’est la liberté qu’il y a dans ce disque-là. Évidemment, il y a des chansons nonchalantes hyper rock, pis t’as genre des ballades comme This Protector que j’ai toujours adoré. T’as aussi le côté quasiment country rock de Hotel Yorba et le garage de Fell in Love With a Girl. C’est hétéroclite, mais, en même temps, ça se tient au boute. Pis t’as la vibe super lourde de Dead Leaves and the Dirty Ground… »

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C’est sous les effets prononcés de feedback et de fuzz insistants de Dead Leaves and the Dirty Ground que l’album prend son envol.

« Ce qui est particulier dans une toune comme celle-là, ce sont les tones de guitare super lourds, les distorsions qui partent entre deux accords, etc. C’est quelque chose qu’on n’a jamais ressenti tant que ça dans ma musique, mais ça m’a toujours fait triper en show ou en répétition. Je le découvre de plus en plus pis j’ai l’impression de vouloir utiliser ça pour mon prochain disque. De replonger dans White Blood Cells, ça me fait réaliser que ça ne vient pas de nulle part. »

« Une ligne comme celle-là, ça te fait automatiquement sourire »

Il semble que même la façon d’approcher les paroles ait fait son chemin dans la démarche de l’auteur des Ombres Longues. « Quand j’ai découvert l’album, je me souviens que ça a aussi été une des premières fois où j’ai remarqué cette espèce d’humour ironique dans certains textes. Je pense par exemple à I’m finding it harder to be a gentleman. Une ligne comme celle-là, ça te fait automatiquement sourire pis j’pense que ça m’a aussi exposé à une autre façon de percevoir les paroles. En fait, tu peux parler de choses sans te prendre trop au sérieux. Tu peux même tomber dans l’autodérision. »

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Loin d’être un Guitar Hero

Et il n’y a pas que le fait d’être gentleman qui s’avère difficile, puisqu’apparemment, pour le musicien principal de la formation, jouer tight n’est pas exactement dans les priorités.

« J’ai poigné de quoi en le réécoutant. Jack White est un peu devenu un guitar hero, mais sérieusement, il n’était pas si bon que ça. On souligne souvent que Meg était tout croche, mais lui aussi t’entends du noise de guitare qui n’est clairement pas si intentionnel. Mais finalement, tout ça sert l’album ,» souligne-t-il, faisant référence au côté raw du groupe sur cette troisième offrande. « Si ton minding c’est d’enregistrer un album en une semaine, tu pars en sachant que tu vas garder des erreurs et que ça va contribuer au disque de garder les imperfections. Ça se ressent dans une chanson comme Little Room. C’est fucking rudimentaire, mais tellement efficace. »

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Doté d’un large éventail de talents, Jack White détonne sans déstabiliser lorsqu’il se prête au jeu des chansons moins garrochées. Prenant des airs de comptine pour enfants, la douce et candide We’re Going to Be Friends a toujours charmé Antoine.

« C’est qu’en plus d’être vraiment simple, c’est une super belle toune. Ça m’a fait sentir que c’était correct d’enchaîner une toune rock super dissonante avec une affaire de même. C’est possible d’aller ailleurs et ça peut se tenir parce que le fil conducteur, au final, ça reste l’énergie, la voix, les textes et toute la drive qu’il y a derrière tout ça. C’est l’authenticité, en fait. Tu peux suivre Jack White partout où il va parce que tu le crois, qu’il soit en train de gueuler ou de te le chanter smooth comme ça. Et cette chanson-là, elle fait juste du bien. »

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Une aura de mystère à cultiver

En plus de toute sa drive et son esprit créatif, White Blood Cells avait une carte spéciale de plus dans sa manche : l’aura de mystère qui flottait autour du duo.

« Ils ont fait croire qu’ils étaient frères et sœurs, pis à un moment donné, il y a un vieux certificat de mariage qui a fait surface. On a compris qu’ils avaient déjà été ensemble, sans trop savoir s’ils l’étaient encore. Je trouve qu’avec le recul pis avec l’âge que j’ai maintenant, que c’est assez puissant comme aura de groupe qu’ils ont créé », précise Antoine, faisant référence au mystère entourant la célébrité avant l’adoption massive des réseaux sociaux. « Je pense donc que cet album-là a semé les graines de quelque chose qui est important pour moi, c’est toute cette notion de personnage de scène et de créer une histoire autour de tout ça. Aujourd’hui, le mystère, ça n’existe plus… »

« Aujourd’hui, le mystère, ça n’existe plus… »

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Cultivant lui-même une part mythique autour de sa personne, Antoine suppose également que la plume de Jack White a eu une incidence sur le souci qu’il accorde lui-même aux textes. « J’ai l’impression que les artistes qui ont été importants dans mon parcours ont tous un peu en commun cette espèce de désir de respecter une certaine tradition d’écriture tout en essayant de la moderniser un peu pis de la réinventer, » admet-il.

« En fait, je pense qu’une affaire qui m’a vraiment parlée et touchée dans leurs disques, c’est peut-être qu’avant de tomber dans White Blood Cells, j’avais l’impression que soit tu faisais quelque chose de folk et smooth qui allait nécessairement être un peu plus dans l’émotion, soit-tu faisais du rock et ça venait d’un seul bloc. Pis les White Stripes, c’est peut-être parmi les premiers artistes où habitaient les deux visions sur un même album. Tsé quand tu viens de te clancher deux ou trois tounes de guit électrique de distorsion où il gueule, pis à un moment donné, t’as une toune de 5 min au piano comme dans This Protector, qui clôt l’album. »

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« Je pense que, dans ces tounes-là, ce qui est personnellement venu me faire catcher des choses, c’est l’interprétation vocale. Sur papier, le rock c’est nonchalant pis c’est moins émotif, tandis que là il est au piano et il y va d’une interprétation où il n’essaie pas d’être cool, il essaie juste d’être honnête et d’aller au fond de ce qu’il ressent. Ça a peut-être décomplexé en moi cette dualité où j’ai envie de faire des affaires bruyantes et dissonantes autant que de jouer des tounes smooth a la guitare. En fait, c’est de constater que tout ça peut cohabiter. J’ai vu qu’il y avait moyen de retrouver cette authenticité-là dans quoique tu fasses. »

Pour suivre Antoine Corriveau, c’est ici.

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Pour écouter sa musique, c’est là.