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Laissez-moi manger ma banane

Par
Judith Lussier
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Parfois, j’aurais envie de rouler en Hummer, de jeter du papier dans la poubelle et de manger des bananes, juste pour emmerder les moralistes.

J’ai pas envie d’écrire un gros billet de réactionnaire de droite, parce qu’au fond, j’ai voté Amir Khadir aux dernières élections. Je le trouve assez sympa. Et j’aime bien ma petite Echo. Mais j’arrive de la Californie, l’État qui crée les tendances aussi vite que les applications pour iPhone, et je vois déjà venir vers nous le monstre. Et je sens l’écoeurantite qui vient avec.

Là-bas, chaque restaurant affiche un menu fait d’aliments biologiques et locaux, avec options pour les végétaliens. Vous allez dire que c’est de même chez nous aussi, mais je vous jure, là-bas, c’est pire. La combinaison équitable, bio, végé-machin bobo est tellement sur toutes les vitrines, qu’un club vidéo affiche fièrement des films «durables et locaux». On suppose que c’est du second degré. À moins que ce soit… mal, de louer des films sur iTunes?

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Près de ce Dalaï Lama des clubs vidéo, nous avons visité une épicerie qui émoustillerait Josée Di Stasio, avec à peu près six sortes de câpres et des betteraves aux couleurs époustouflantes. On y vend notamment des épices sans sel. «Des épices sans sel, est-ce que ça veut dire que nos épices ont du sel?», observe avec questionnement Dominique, ma compagne de voyage. Si c’était le cas, il faudrait vite demander à notre fruitier de commander la nouvelle sorte d’épice. Tsé, le sel, c’est mal.

Cette épicerie vend aussi un miel cru (ça va de soi), qu’elle élève sur son toit. Malheureusement, lors de notre passage, il n’en restait plus, car les flacons s’envolent bien vite. «Est-il meilleur?», ai-je demandé à Sam, le propriétaire du Bi-Rite market. «Non, c’est juste hyperlocal!» me répond-il, l’air de trouver ça lui-même un peu ridicule.

Après seulement quelques jours à San Francisco, j’en avais déjà ma claque de toute cette bonne conscience à vendre. Les tendances moralistes, c’est comme les régimes : c’est difficile à suivre, ça t’enlève le plaisir de manger, et c’est tellement extrême que tu finis par être en réaction. C’est comme le recyclage. À un moment donné, c’était tellement extrême comment il fallait trier le carton à part du plastique qu’on finissait par tout mettre dans le bac en se disant «pis d’la m…».

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Sauf que dans le cas du bio-local-machin, on parle d’une grosse buisiness de la bonne conscience. Parce qu’au fond, toute cette tendance, je ne vous apprends rien ici, c’est juste pour nous faire feeler assez cheap pour payer notre miel 9,50$ le petit pot. Et pour nous faire acheter de petites bottes (en coton recyclé bio-équitable svp) à notre chien.