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L’âge que l’on a, une question de perspective?

Est-ce que l’âge subjectif pourrait réellement devenir un meilleur indicateur que notre date de naissance?

Par
Stéphane Morneau
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« Fais-toi en pas, 40 ans c’est le nouveau 30 ans, tout va bien aller. Tu commences tes meilleures années. »

Parions que c’est le genre de phrases que vous avez déjà entendues, ou pire, déjà dites. C’est maintenant cliché dans la mesure où c’est lancé à tout vent pour réconforter les gens qui n’aiment pas vieillir ou encore ceux qui doivent repartir à zéro après une séparation ou une perte d’emploi, par exemple. On aime sentir que nous avons beaucoup de temps devant nous, même si nous en avons beaucoup derrière aussi.

Drôle de paradoxe, oui, mais comme le temps est l’une des rares choses que l’humain ne peut pas contrôler ou modifier selon ses envies et ses besoins, pas surprenant de voir qu’il y a des tentatives d’en faire abstraction pour se donner une impression de pouvoir être en contrôle. C’est pourquoi on est «jeune de cœur ou d’âme» et que, bien évidemment, «l’âge c’est juste un chiffre — l’important c’est comment tu vis ta vie».

Mais si je vous disais qu’il y a peut-être plus que des belles intentions derrière ces phrases clichées?

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Ce qu’on ressent > ce qu’on est

Quand une collègue chez URBANIA m’a fait découvrir un texte sur les implications de l’âge subjectif, mon réflexe initial était de le balayer du revers de la main. Après tout, on ne peut pas décider notre âge, même en enfilant les séances de yoga chaud. Mais à la lecture du texte et de quelques autres sur le même sujet, j’ai commencé à faire un peu de chemin dans ma tête et, surtout, des calculs.

On ne peut pas décider notre âge, même en enfilant les séances de yoga chaud.

En gros, l’âge subjectif c’est l’application d’un âge sur votre corps selon les expériences, le vécu, la perception et d’autres facteurs comme le stress, la pression sociale, l’environnement, etc. On parle ici de l’âge que vous avez l’impression d’avoir. C’est assez dense et complexe, mais c’est une approche qui pourrait permettre de mieux évaluer les soins requis pour une personne, autant au niveau de la santé mentale que de la santé physique. C’est un coffre d’outils différents afin d’offrir des soins personnalisés aux gens.

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Mais au-delà de l’application pratique de la chose, il y a celle où l’âge subjectif, cette perception de soi, peut devenir une puissante façon de se définir face aux gens qui nous entourent.

Par exemple, j’ai toujours eu l’impression d’être une vieille âme. Pour de multiples raisons durant ma jeunesse, je me suis replié sur moi-même et je me suis arrangé avec les moyens du bord dans diverses situations. Au Cegep, je me sentais déjà comme un adulte aguerri malgré mes prises de décisions douteuses et mon envie d’être complètement irresponsable, surtout avec l’argent. Ça m’a suivi et, depuis que je suis père, je me vieillis involontairement. À 34 ans, je projette souvent l’image d’un homme qui se sent dans la quarantaine avec les carences physiques et énergétiques qui vont avec.

Ma vieille âme, construite de toute pièce, aurait-elle influencé mon corps tangible qui lui est surtout une création de ma paresse et de mes choix douteux?

La trentaine, pivot de croissance… ou de régression?

Je suis un échantillon risible pour évaluer la portée d’un sujet aussi sérieux que celui-ci, mais force est d’admettre que ça pousse la réflexion. Et si ma volonté de vieillir rapidement et de ne plus être considéré comme un jeune homme à qui l’on n’accorde pas d’importance était, au fond, l’amorce d’un processus irréversible qui me rapproche de la tombe de façon prématurée?

Et si ma volonté de vieillir rapidement et de ne plus être considéré comme un jeune homme à qui l’on n’accorde pas d’importance était, au fond, l’amorce d’un processus irréversible qui me rapproche de la tombe de façon prématurée?

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J’ai souvent fait la blague que j’allais mourir jeune en raison de mon amour pour le poulet frit. En me donnant quelques coups de paumes sur la poitrine, je simule débloquer mes artères pour me donner encore quelques instants à vivre. Mais si cette simulation alimentait quelque chose de plus fort qu’une blague, quelque chose comme un vieillissement subjectif qui affecterait ma santé et mon espérance de vie. Est-ce que je suis dans la marde?

Ceci dit, l’approche de l’âge subjectif souligne aussi que c’est normal de se vieillir quand on est plus jeune et de se rajeunir quand on avance dans le temps. Il y a, entre les deux, quelque chose comme une moyenne où on s’ajoute ou s’enlève huit ans selon où nous sommes dans la vie. Ainsi, à 18-19 ans, on se propulse dans la mi-vingtaine en se bombant le coffre de confiance. Dans la cinquantaine, on retourne à la quarantaine avec les promesses d’une retraite dorée et les envies de découverte d’une personne qui a la sagesse de savoir qu’il ne faut pas trop perdre son temps parce qu’il passe pas mal vite.

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Entre les deux, il y a ma mi-trentaine qui, de plus en plus, ressemble à un important pivot de mon existence.

Ma carrière se façonne convenablement. On ne m’appelle plus « ’mon homme »’ ou « ’jeune homme »’ quand on me rencontre. Ma fille grandit et, même si je suis dans la portion plus jeune des parents d’un enfant du même âge, je sens le poids du temps à travers sa croissance phénoménale.

Alors, je fais quoi? Je me sens encore comme une personne plus vieille ou je commence maintenant le changement de cap afin de me rajeunir l’âme et, qui sait, me prolonger l’existence de quelques coudées franches à la toute fin?

C’est quand même étourdissant d’avoir l’impression de décider ainsi comment le reste de notre vie peut se dérouler et l’âge subjectif, dans sa complexité et ses nuances, pourrait réellement devenir un meilleur indicateur que notre date de naissance sur notre permis de conduire.

J’aurais tendance à croire que oui, de plus en plus, tant et aussi longtemps qu’on arrête de se dire que 40 c’est le nouveau 30 et qu’on se cherche des calculs bidons afin de déterminer l’âge « ’adéquat »’ d’une personne avec qui on souhaiterait développer une relation intime.

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Ne me reste donc qu’une question après tout ceci : quel âge avez-vous?