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Les 19 et 20 avril avait lieu au MAI une conférence hors de l’ordinaire, donnée par l’artiste Kapwani Kiwanga. J’écris « hors de l’ordinaire » parce que la « conférencière » a commencé son exposé en nous disant qu’elle venait de… 2226. Je veux pas trop vendre de punchs, mais préparez-vous : en 2058, les États-Unis d’Afrique seront fondés et l’exploration spatiale va devenir vraiment big.
Si tout ça prend des airs de science-fiction, ce n’est pas un hasard. Afrogalactica est une conférence qui carbure au mouvement afrofuturiste. L’air de rien, depuis le siècle dernier, ce courant mélangeant sci-fi et afrocentrisme a englobé la littérature, les arts visuels, la mode et la musique. Oui, la musique, pis pas juste un peu.
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©-Courtoisie-Galerie-Tanja-Wagner-Berlin
Le free jazz, le funk, le hip-hop et même la pop ont versé à un moment ou un autre dans l’afrofuturisme. Inspiré par la performance de Kapwani, j’ai élaboré un modeste survol (en soucoupe) qui, je l’espère, vous fera voyager comme moi sur d’autres planètes.
Sun Ra — Le capitaine
Sun Ra n’a jamais fait les choses à moitié. Le gars révèle à qui veut l’entendre qu’il vient d’une autre planète. Il libère le jazz de ses contraintes stylistiques (un pionner du free jazz), incorpore des instruments modernes (le piano n’aura jamais été autant électrique) et baigne dans la science-fiction comme Obélix dans la potion magique. Dans les années 70, Sun Ra et son Arkestra frappent l’imaginaire avec l’album et le film Space Is the Place. L’artiste encense ses origines africaines et les projette vers l’infini et plus loin encore.
Parliament — L’équipage
Kapwani, tout au long de son exposé du futur, fait un lien entre le concept biblique du chariot, repris par les premières communautés afro-américaines comme un symbole de libération. Le chariot devient un vaisseau spatial dès les années 70. Parliament, le super-groupe-porte-étendard-du-funk orchestré par George Clinton, approfondit l’imagerie sci-fi et crée un engouement collectif autour du groove et des ovnis, rien de moins.
Afrika Bambaata — 808 & Star Trek
L’afrofuturisme laisse toujours sur son passage une traînée d’innovations. Le free jazz de Sun Ra, la nouveauté funk de Parliament et dans les années 80, les beat machines d’Afrika Bambaataa. Son hit de 1982, Planet Rock, est non seulement un hymne aux ambitions planétaires, mais aussi un clin d’œil franc au futurisme. L’instrumentation met en relief la mélodie de Trans Europe Express de Kraftwerk, modernisée grâce à l’instantanéité dansante du TR-808.
Janelle Monae — Superwoman
L’afrofuturisme porte en lui de multiples explorations féministes. L’auteure de science-fiction Octavia E. Butler donne le ton avec des récits d’émancipation (et de voyage dans le temps) à la Kindred. Les icônes de la pop à la Beyonce (comprenez-vous enfin la main robotique dans Single Ladies?) et Janelle Monae reprennent le flambeau avec aplomb. Janelle incarne à elle seule le renouveau du mouvement, grâce à son film/album de science-fiction Dirty Computer. Maintenant vous savez.
Et au Québec? On verse des larmes de métal.
La thématique existentielle est au cœur de l’afrofuturisme, notamment depuis les soulèvements afro-américains pour les droits civiques dans les années 50 et 60. « I am a man » était un des slogans utilisés pour invalider la ségrégation sociale. Le fantastique permet d’explorer en profondeur le concept d’humanité. Si Sun Ra n’est pas un humain, mais un extra-terrestre, Normand Brathwaite, lui, décide d’incarner un robot qui n’est pas pour autant dénué d’émotions.
Le MAI continue sa programmation époustouflante dans le cadre de sa série Black.Art.Empowement. Après Afrogalactica de Kapwani Kiwanga, c’est au tour de Jumatatu M.Poe de présenter une réflexion sur l’histoire terrestre des personnes noires avec sa chorégraphie Terrestrial, en présentation les 26 et 27 avril.