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L’affaire Sienna Mae et les abus sexuels contre les hommes
Si vous avez un compte TikTok (si vous n’en avez pas, on va vous expliquer ce qui se passe, pas d’inquiétude), vous avez probablement vu passer des vidéos au sujet d’un scandale qui tourmente la plateforme depuis des mois : l’influenceuse et danseuse Sienna Mae aurait harcelé sexuellement un autre influenceur, son ami Jack Wright.
Retour sur une histoire qui contribuera peut-être à faire éclater un tabou.
« Présumé agresseur » s’accorde au féminin
En mai 2021, un tweet consterne le web : un ami proche de Jack Wright accuse Sienna Mae d’avoir agressé sexuellement ce dernier à plusieurs reprises. Il dénonce le comportement « abusif » de Mae. Il faut savoir que la relation qui unit Mae et Wright, qui cumulent tous les deux des millions d’abonnements sur TikTok, est ambigüe : les deux jeunes se présentent comme ami.e.s et apparaissent régulièrement dans des vidéos ensemble, mais les rumeurs vont bon train sur la possibilité qu’ils forment un couple.
Quelques jours plus tard, les allégations prennent une tournure plus concrète par le biais d’une vidéo choquante qui fait le tour de TikTok. On y aperçoit Sienna Mae assise à califourchon sur Jack Wright. On discerne la main de Sienna Mae qui tâte l’entrejambe de celui-ci dans un geste qui s’apparente à de la masturbation. Le problème? Jack Wright est clairement inconscient. La vidéo est filmée dans un party, il est avachi sur le canapé et a les yeux clos. La vidéo publiée par un ami de Jack a été supprimée depuis, mais elle circule encore sur le web.
Très vite, les réseaux sociaux s’enflamment. Sienna Mae perd des centaines de milliers d’abonnements et disparaît de ses plateformes. Un mois plus tard, elle y revient en publiant une curieuse vidéo de danse qui semble vouloir témoigner de son travail d’introspection (ou pas). Elle avait alors repris ses activités et l’histoire semblait morte et enterrée. Mais non.
Témoignage-choc
Jack Wright ne s’était jamais clairement exprimé sur les allégations. Mais le 20 janvier dernier, il a publié une vidéo poignante de 17 minutes dans laquelle il explique les abus que Sienna Mae lui aurait fait subir pendant des mois. Il raconte qu’elle avait l’habitude d’entrer dans sa maison la nuit et qu’il se réveillait avec sa main dans les pantalons. Elle lui mettait de la pression pour dormir avec lui et pour l’embrasser. Elle s’est glissée dans la salle de bain alors qu’il prenait sa douche. La liste continue, pénible. Wright, en pleurs, doit s’arrêter à plusieurs reprises.
Sienna Mae a depuis restreint les commentaires sur ses publications Instagram et a émis un long texte dans lequel elle formule sa propre version des évènements. Elle se désole notamment que toute cette histoire lui ait fait perdre des contrats de commandites.
La parole aux hommes victimes
Plusieurs dénoncent la situation en disant que Sienna Mae serait déjà totalement rayée de la sphère publique si elle était un homme. Peut-être. Mais peut-être pas non plus.
«Dans notre société, on a une image comme quoi l’homme doit être fort et capable de s’arranger tout seul», estime Jimmy Simard, intervenant chez l’organisme Emphase.
Après tout, Julien Lacroix prépare son grand retour et cumule toujours des milliers de fans, Brett Kavanaugh et Clarence Thomas sont juges à la Cour suprême des États-Unis malgré les allégations d’agressions sexuelles qui pèsent contre eux… Un homme qui se vantait d’agripper les femmes par le vagin a même été élu président des États-Unis. Vous vous souvenez de lui? Bref, une chose est sûre, les hommes agresseurs, présumés ou pas, ont bien souvent droit à une formidable clémence.
Chose certaine, les victimes d’abus sexuels, qu’elles soient hommes ou femmes, ont souvent de la difficulté à être crues et entendues, mais pas toujours pour les mêmes raisons : « C’est en grande partie dû à la socialisation en tant qu’homme. Dans notre société, on a une image comme quoi l’homme doit être fort et capable de s’arranger tout seul », estime Jimmy Simard, intervenant chez l’organisme Emphase. Cet organisme, qui œuvre dans les régions de la Mauricie et du Centre-du-Québec, aide les hommes victimes d’abus sexuels dans l’enfance en leur proposant notamment des groupes de soutien et des rencontres personnalisées. Emphase aide une cinquantaine d’hommes par année.
« La très grande majorité des hommes agressés le sont par un autre homme, explique Jimmy. Seulement près de 10 % des hommes victimes qui viennent nous voir ont été abusés par une femme. Et la majorité de ces 10 % a été agressée aussi par un homme. »
L’affaire Sienna Mae représente donc un rare cas d’abus sexuel d’une femme envers un homme. Et il semble qu’encore aujourd’hui, trop de gens ne prennent pas au sérieux de tels récits. « Les rares hommes qui sont venus chercher de l’aide et qui avaient raconté à des amis leur agression infligée par une femme nous ont raconté que leurs amis ne les croyaient pas. Ils croyaient que c’était une blague », se désole Jimmy Simard.
Le maigre point positif dans l’histoire de Sienna Mae et de Jack Wright est que le témoignage du jeune homme en inspirera peut-être d’autres à aller chercher de l’aide. « On a une augmentation des demandes d’aide chaque fois qu’une histoire d’abus sexuels circule dans les médias », constate Jimmy Simard.
Peut-être que les réseaux sociaux, si souvent pointés du doigt pour leurs défauts, auront au moins servi à faire changer les choses. Pour le mieux.
Si vous avez besoin d’aide, d’écoute ou de soutien, contactez la ligne Info-aide violence sexuelle au 1 888 933-9007.