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L’abri Tempo est-il une invention ?

Par
Pascal Henrard
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L’autre jeudi, je participais, sur les ondes de MATV, à un débat sur… l’abri Tempo. Je sais, il y a des sujets bien plus graves et drôlement plus préoccupants (mais ceux-là, c’est pas mon rayon).

La tente en plastique qui protège les autos des intempéries fait pourtant plus jaser les Québécois que le concept complexe de péréquation ou le saccage appréhendé de l’Île d’Anticosti.

Certains voudraient voir dans l’abri Tempo un dommage collatéral de la fausse guerre qui oppose les banlieues à la ville. C’est oublier que désormais, les abris temporaires créés à Laval sont aussi implantés dans les municipalités de l’île de Montréal.

Il y en a qui estiment que c’est une innovation révolutionnaire en matière de confort et qu’il ne faut pas ostraciser celles et ceux qui décident de les installer d’octobre à fin avril, sous prétexte que c’est laid. Ces amateurs de voitures déneigées ont bien le droit de faire ce qu’ils veulent et de profiter de ce fleuron du génie québécois en toute impunité.

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Marie-Claude Ducas, face à qui je débattais, a écrit un texte abondamment argumenté sur ce sujet chaud en réponse à un pamphlet que m’avaient inspiré l’arrivée des premiers froids et l’installation anarchique de ces disgracieuses excroissances architecturales à Montréal.

Je n’imaginais pas que mon coup de gueule face à la laideur de ces abris de fortune déclencherait tant de passions.

Tout le monde s’entend pour dire qu’un abri Tempo c’est laid. Imaginez dix, cent, mille…

Pourtant, l’argument ne semble pas suffisant. En 2013, dans une société reconnue pour sa créativité, ses artistes et la vivacité de son design, dans une métropole nommée « ville de design » par l’Unesco (ce n’est pas rien), il y en a qui sont prêts à endurer les pires horreurs pour la simple et bonne raison que « c’est plus facile ». (notez que ce n’est pas aussi facile qu’on le prétend. Il faut quand même les installer, les déneiger pour qu’ils ne s’effondrent pas, dégager leur entrée bloquée par le mur de neige compacte laissé par les charrues,… et gare aux grands coups de vent!)

Il y a plein de choses « plus faciles » dans la vie…

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Laisser traîner ses chaussures dans l’entrée, c’est plus facile. Se faire du « manger congelé », ne pas se laver les cheveux, laisser les lumières allumées toute la journée, ne pas s’arrêter au panneau d’arrêt-stop, ne pas mettre son clignotant pour tourner, péter en public, jeter ses mégots dans la rue, c’est plus facile.

« Quand la technologie avance, l’environnement recule » lisais-je il y a quelques jours à propos de l’obsolescence planifiée des appareils électro-ménagers. C’est plus facile de les jeter et de les remplacer désormais par du neuf qu’il faudra, lui aussi, remplacer dans 5 ans.

C’est plus facile de remplir les sites d’enfouissements que de recycler.

C’est plus facile de prendre du poids que d’en perdre.

C’est plus facile de laisser tourner son moteur au ralenti que de l’éteindre et de le rallumer au moment de partir.

C’est plus facile de s’asseoir que de se lever.

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C’est plus facile de lire le Journal de Montréal à la binerie que de s’abonner à Urbania.

L’abri Tempo est l’archétype d’une société engluée dans le confort qui ne veut plus faire d’effort. « C’est laid ? Pis ? »

Personnellement, je n’ai pas envie que l’abri Tempo devienne l’emblème du style architectural québécois, pas plus que je ne souhaite que notre réputation gastronomique se résume au Tim-Matin de Tim Hortons.

On est capable de mieux. On est capable de plus beau.