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À la fin du mois d’août dernier, le journal étudiant de l’Université de Sydney s’est vu censurer et retirer des bacs pour avoir osé présenter sur leur une une mosaïque de vulves.
Dix-huit vulves, appartenant toutes à des femmes de l’université, et présentées de la manière la plus neutre possible. C’était l’idée :
« The vaginas on the cover are not sexual. We are not always sexual. The vagina should and can be depicted in a non-sexual way » justifiaient les quatre membres du comité éditorial du journal, dans une lettre ouverte publiée sur le site du Guardian.
Montrer pour dédramatiser. Pour postuler que la vulve est une partie du corps qui n’a pas forcément à être réduite à l’image strictement « dirty-naughty » à laquelle la culture de masse semble vouloir l’assimiler. Il y avait en effet une volonté assumée de dénoncer la tyrannie dont le sexe féminin est victime :
« We are tired of having to attach anxiety to our vaginas. We are tired of vaginas being either artificially sexualised (porn) or stigmatised (censorship and airbrushing). We are tired of being pressured to be sexual, and then being shamed for being sexual » écrivaient les quatre étudiantes, toujours dans la même lettre.
Voilà qui est intéressant. Et troublant de vérité. Combien de femmes ressentent en effet une angoisse ou une certaine « pression », quant au fait d’exhiber leur organe sexuel? Alors que les images dont on nous bombarde sont calquées sur un modèle somme toute assez peu humain, le « complexe de la vulve », dit-on, est affreusement répandu.
Peut-être avez-vous même déjà vu le fabuleux documentaire « The perfect Vagina », réalisé en 2011 par une cinéaste britannique. Le documentaire s’intéresse au rapport des femmes à leur vagin, alors que la popularité des labiaplasties (ces chirurgies [barbares] de réduction des petites lèvres) explose; et chez des femmes de plus en plus jeunes. Bref, c’est à visionner.
Mais revenons-en à la censure de ce journal étudiant australien. Ce qui me fascine dans cette histoire, c’est qu’elle souligne de manière éloquente le caractère hypocrite de notre rapport au sexe féminin.
Il est en effet assez ahurissant de constater que même si on nous bombarde jusqu’à saturation d’images quasi pornographique, et que les allusions au « pussy » sont aussi fréquentes que banales dans le mainstream, reste que néanmoins, lorsque vient le temps d’aborder le vagin de manière franche et conforme à ce qu’il est vraiment, le braquage est instantané.
Curieux.
Remarquez, la vulve est omniprésente dans la culture de masse. On l’évoque, on la suggère, on la presque-montre. On la dit. On la chante. On l’assène comme insulte, aussi. On la sert à toutes les sauces (sans mauvais jeu de mot. ‘Scusez), mais toujours elle n’est en fait qu’un reflet artificiel et caricatural de ce qu’elle est vraiment.
Cette image de la vulve qu’on ressasse jusqu’à plus soif n’est qu’une construction hypersexualisée, grivoise et vantarde. On ridiculise, on exagère, on « plastifie »… et sinon, on cache. De plus, à bien y penser, ce sont toutes des représentations de la vulve qui n’ont absolument rien à voir avec l’érotisme. Le vrai, je veux dire. Celui qui se découvre et s’apprécie avec des vraies vulves; sans artifices ni analogies félines douteuses.
Or, cette manie ne sert au fond à rien si ce n’est qu’à nier la véritable volupté du sexe féminin. Comme si celui-ci, lorsqu’authentique, était encore le dernier des tabous.
C’est un message cruellement paradoxal à envoyer aux femmes! D’un côté, on met de l’avant une image idéalisée de leur sexe. Mais de l’autre, lorsque vient le temps de l’aborder de manière franche et humaine, on le refuse. On le cache, comme s’il s’agissait au fond de quelque chose de honteux.
Il y a quelque chose d’absolument dégoûtant dans ce double discours. Comme si le sexe féminin n’avait « droit de cité » que lorsqu’il se présente sous sa forme conceptuelle un peu débile, en dehors de laquelle il n’est qu’un vice qu’il vaut mieux ignorer.
Charmant.
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