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La VSCO Girl: le nouveau cliché féminin que les gens aiment basher

Qui sont ces filles et pourquoi dérangent-elles?

Par
Audrey PM
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Check, je suis fascinée par les univers contenus dans l’application Tik Tok. La nouvelle génération de pré-ados et d’ados s’exprime là-dessus, pis je suis ultra-curieuse de découvrir ce qu’elle dit, pourquoi elle le dit et comment elle le dit. Appelez-moi la George Brossard de Tik Tok. -Audrey PM

«Hey yo! VSCO Girl check!»

Les vidéos Tik Tok commençant par ce clip sonore se comptent aujourd’hui par dizaines de milliers. La VSCO Girl, on la voit sur Instagram, SnapChat et YouTube. C’est la nouvelle identité, le nouveau style mainstream que beaucoup de jeunes filles et de jeunes femmes ont adopté. Et comme dans tout effet de mode, la critique et les parodies ne se sont pas fait attendre.

Mais c’est quoi, une VSCO (prononcez «visco») Girl?

On ne volera aucun punch en vous disant que le nom fait d’abord référence à la populaire application d’édition de photos VSCO, très prisée par ces filles.

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En terme de style, la liste de vêtements, d’accessoires et de marques qui permettent de reconnaître une VSCO Girl est à la fois longue et précise: il faut porter un chandail trop grand par-dessus un short style cycliste (Lululemon, de préférence), des sandales Birkenstock OU des Vans OU des Crocs (oui, oui!). Si on ne s’affuble pas d’un chignon haut au look négligé-étudié, on porte alors ses scrunchies (gros élastiques de tissus populaires dans les années 80-90) au poignet et un collier de coquillages au cou. On possède un appareil-photo Instax (préférablement de couleur pastel) qu’on trimballe dans son sac à dos Fjällräven Kånken (aussi de couleur pastel).

On fabrique des bracelets d’amitié qu’on offre ensuite en cadeau, on conduit une Mini Cooper (même si on rêve d’avoir un Jeep) et surtout, SURTOUT, on porte fièrement son Hydro Flask (une marque de bouteille d’eau réutilisable) et on boit avec une paille en inox parce que notre hashtag préféré est #savetheturtles (on se rappellera cette affligeante vidéo de tortue).

Des dizaines d’autres caractéristiques délimitent cet univers, des expressions typiques («sksksksks» ou «And i oop!») empruntées à la culture pop afro-américaine, en passant par les marques de cosmétiques (Mario Badescu est LA marque VSCO par excellence).

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En gros, il s’agit d’une esthétique. En anglais, quand on parle d’aesthetic dans le contexte des médias sociaux, on fait référence au look visuel d’un profil personnel ou de marque d’abord sur Instagram, mais généralement sur n’importe quelle plateforme.

Dans le cas de la VSCO Girl, mettons que c’est un mélange de l’esthétique Tumblr Girl et Basic White Bitch.

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En termes d’attitude et de valeurs, les VSCO Girls sont joyeuses, sociables, actives, aventureuses, toujours prêtes pour une sortie à la plage, sensibles aux questions environnementales (bien que leurs connaissances sur le sujet semblent limitées à la sauvegarde des tortues et à la protection des océans).

Pourquoi ça dérange?

Au cours de mes observations pas du tout scientifiques, j’ai observé trois types de réactions négatives à propos des VSCO Girls.

Tout d’abord il y a l’éternel conflit générationnel opposant dans ce cas-ci les baby boomers, les X et les milléniaux à la Gen Z. On se moque notamment de la candeur des VSCO Girls, mais surtout, on accuse ces filles de manquer d’imagination, d’adhérer à une esthétique mainstream qui les empêche de se distinguer.

C’est loin d’être un reproche nouveau qu’on adresse aux adolescents. Qu’on pense aux réactions défavorables qui ont visé les Garçonnes dans les années 20, les fans des Beatles dans les années 60, les hippies dans les années 70, les punks dans les années 80, les «Yo» dans les années 90, etc.

Il y a des tendances bien plus toxiques chez les adolescents que celle de mettre des autocollants colorés sur une bouteille d’eau eco-friendly.

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Un des plus grands paradoxes de l’adolescence c’est de porter le désir de se distinguer en même temps que le désir d’appartenir à un groupe. On veut se distinguer de la norme, représentée par nos parents, et on trouve une force d’expression en se joignant à divers groupes sociaux.

C’est une étape essentielle (et normale) dans la construction de notre identité. Elle doit certes se naviguer avec un bon encadrement pour éviter les excès, mais c’est pas une raison pour invalider tout un style.

Certes, les styles Garçonne, les hippie, punk reflétaient une forte opposition aux normes sociétales de l’époque. Ces esthétiques représentaient des valeurs claires auxquelles les adeptes adhéraient.

Qu’en est-il des valeurs des VSCO Girls? À part un certain souci de l’environnement et une vague forme d’hédonisme, je n’en ai pas vraiment saisi d’autres. Ça reste une esthétique assez superficielle.

Mais entre vous et moi, il y a des tendances bien plus toxiques chez les adolescents que celle de mettre des autocollants colorés sur une bouteille d’eau eco-friendly.

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Valeurs vs marques

Une autre critique qui vise les VSCO Girl, c’est celle de faire des marques un centre d’intérêt majeur. Et c’est vrai, j’ai rarement vu une tendance associée aussi précisément à des marques. Les néo-punks ont pas mal juste leur Doc Martens. Les Basic Girls ont Michael Kors et Starbucks. Les fans de hip-hop ont un grand choix de marques, sans toutefois jeter leur dévolu sur l’une ou l’autre de manière aussi restrictive.

Dans ma seule description du style plus haut, j’ai nommé pas moins de 10 marques. Si j’avais une fille VSCO Girl, j’avoue que je serais un peu gossée par ce que ces objets représentent, ne serait-ce que monétairement: à peu près 450$ pour se procurer 8 des 10 articles mentionnés.

C’est d’ailleurs curieux: le New York Times a demandé à certaines de ces marques si elles avaient l’intention d’axer leurs initiatives marketing vers les VSCO Girls, et à part la marque de bracelets d’amitié Pura Vida, personne ne semble vouloir capitaliser sur la tendance.

Si j’avais une fille VSCO Girl, j’avoue que je serais un peu gossée par ce que ces objets représentent, ne serait-ce que monétairement: à peu près 450$ pour se procurer 8 des 10 articles mentionnés.

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Je me souviens avec un peu d’amertume des désagréments «fashion» de mon adolescence modeste: ne pas avoir assez d’argent pour m’acheter des Hush Puppies, des jeans Levi’s, des Docs, un hoodie Tommy Hilfiger, un chandail rayé du Simons etc. C’est une pression sociale encore bien réelle, qui peut générer une certaine anxiété, surtout si on est ni riche, ni blanche.

Aujourd’hui, du haut de mes 39 ans, je réalise bien à quel point c’est un souci futile, mais comme je ressens aussi beaucoup d’empathie pour la Audrey de 15 ans rongée par le FOMO vestimentaire, j’ai été super touchée de voir que certaines jeunes filles créaient sur Tik Tok des tutoriels DIY pour reproduire certains vêtements et accessoires VSCO, sans trop dépenser.

Quoi? De la misogynie? Pas possible!

Enfin, la troisième réaction négative observée ne surprendra personne. Des jeunes filles qui s’amusent avec la mode? On veut pas voir ça! Des jeunes filles qui créent leurs propres tendances? C’est pas sérieux, voyons!

C’est pas normal de se sentir personnellement attaqué par ce que portent les adolescentes.

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Je vous jure, c’est pas facile être adolescente. Ce qu’on aime est constamment parodié et ridiculisé: aimer les boys bands, le pumpkin spice latté, Gilmore Girls, etc. Et si on s’intéresse à des activités genrées masculines comme les jeux vidéo ou le skate, la seule façon de ne pas se faire troller est de ne faire AUCUNE erreur et d’exceller. Même en devenant les meilleures, les trolls vont trouver une façon d’invalider nos prouesses en critiquant notre corps ou nos vêtements.

À ceux et celles qui seraient donc tentés de ridiculiser cette tendance, je vous invite à reconnecter avec l’adolescent.e qui vit toujours en vous, à retrouver vos soucis et vos obsessions de l’époque et réaliser que:

1-C’est juste une tendance, ça vient et ça passe. Même s’il y a une réflexion critique légitime à faire, c’est pas grave;

2-C’est pas normal de se sentir personnellement attaqué par ce que portent les adolescentes;

3-Les adolescentes sont beaucoup plus que ce qu’elles portent.

AND I OOP!

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