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La ville de la semaine: Stanstead

Par
Julie Ledoux
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Frôlant la frontière canado-américaine (et presque à cheval dessus), se trouve la petite ville de Stanstead, haut lieu de l’exploitation du granit et des passages frontaliers illégaux.

En fait, la ville se nomme uniquement Stanstead depuis la fusion des trois villages, Stanstead-Plain, Beebe-Plain et Rock Island, en 1995. D’ailleurs, la ville a une super devise : Trois villages, une frontière. Les 3000 habitants en sont ravis. Ça nous change du repère de contrebandiers qu’était Stanstead à sa fondation, vers 1790.

1. La frontière

À Stanstead, tu niaises pas avec la frontière canado-américaine. En fait, les Américains niaisent pas avec la frontière. Parce qu’au Canada, on est lousse pas mal. Dans la municipalité, il n’y a pas juste une douane. Il y en a trois et je suis certaine d’en oublier. Celle de Beebe, c’est la plus drôle. Elle a les mêmes heures d’ouverture qu’un dépanneur (ou presque). Il est 2h du mat’ et tu veux passer la frontière? Ben non, ‘faut que tu te rendes à une dizaine de kilomètres de là, pour passer à Stanstead.
Et si tu ne fais pas attention, tu pourrais bien passer la frontière sans t’en apercevoir. À Beebe – encore une fois, Beebe, c’est si cool – il y a la rue Canusa. Oui, c’est un mot formé de CAN pour Canada et USA pour États-Unis du Monde. La rue chevauche la frontière et il ne faudrait pas que tu t’arrêtes trop longtemps pour observer les drapeaux canadiens et américains qui se font la guerre de «c’est moé qu’y a la plus grosse». La patrouille de la frontière américaine rôde. Oh oui.

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2. La bibliothèque, la frontière (bis) et sa patrouille

T’as déjà entendu parler de la bibliothèque Haskell? T’sais, la (magnifique) salle où le public est d’un côté de la frontière et la scène de l’autre? Ben, c’est à Stanstead. Et quand on a voulu aller prendre des photos, pour Urbania, on n’était pas arrêtées depuis 2 minutes qu’un beau gros VUS blanc – suivi d’un second beau gros VUS blanc – est venu se parker drette à la limite de la frontière américaine, devant nous. Et on sentait bien le poids du regard accusateur de la police de la frontière : Watchez vos fesses, jeunes filles, vous ne traverserez pas la frontière pour venir refaire vos vies dans le plus meilleur pays du monde, comme tous les autres bozos qui l’ont fait avant vous. Au moins, on n’a pas fait partir les sirènes. Parce que oui, y a des sirènes qui partent si tu traverses sans t’en rendre compte et sans passer par la douane.

3. Le granit et son musée

La région de Stanstead est connue à travers le monde – oui oui – pour ses gisements de granit, magnifique minerai qui pèse assez lourd le pouce carré. Je le sais, mon père a un comptoir en granit et c’était pas d’la petite bière installer ça chez eux, à Ogden. Ogden, c’est comme la banlieue pauvre – mais belle – de Beebe. C’est là que les gens s’achètent des chalets. Et les meilleures carrières de granit sont à Ogden. Je dis ça d’même.
Bref, à Stanstead, le granit, c’est une fierté. Dans les années 1930, pendant la crise, le plus grand édifice de l’Empire Britannique – celui de la Sun life, à Montréal – a été construit entièrement avec le granit de la région de Stanstead. Dans les dents.
Stanstead, c’est sans doute la seule ville où une épicerie Intermarché a été convertie en musée d’interprétation du granit. Parce que oui, ça s’interprète du granit. Donc, on a un musée du granit dans ce qui était autrefois, le centre-ville de Rock Island. C’est ben compliqué l’affaire des trois villages, mais regardez bien ça.

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4. Les trois villages

Beebe-Plain : une douane cute, un garage où l’essence coûte pas cher, une banque CIBC, une grosse quincaillerie – chez Fluet – et beaucoup de Bed & Breakfast. Très Nouvelle-Angleterre parce que, sans joke, on est dans les Eastern Townships, là.

Rock Island : À 5 km de Beebe, en bas de la côte Dufferin (et de Stanstead) et collé sur la frontière, c’est Rock Island. C’est là où il y avait les usines, les quartiers ouvriers et un petit centre-ville avec une caisse pop, une SAQ, le Greg and Roland, sans oublier Steve Pizzeria. La pizz’ est toujours là, mais le reste est fermé ou déménagé en haut de la côte – dans Stanstead –, dans le «nouveau centre-ville». Il n’y a que le restaurant La Vielle Douane qui roule encore.

Stanstead-Plain : Les boss des ouvriers y habitaient, ainsi que les médecin-dentiste-notaire. Maintenant, c’est un peu plus équilibré : les plus riches côtoient les moins bien nantis. En fait, Stanstead, c’est comme le Westmount de Rock Island, et Rock Island, c’est comme le Saint-Henri de Stanstead. Ce n’est quand même pas pour rien que Stanstead fait partie de l’association des plus beaux villages du Québec.

À l’est de la 55 : Stanstead existe aussi.

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5. Le Stanstead College et les autres

À Stanstead, il y a le Stanstead College. Oui, c’est une école pour gens aisés, bâtie sur les modèles des écoles de la Nouvelle-Angleterre. C’est beau, c’est propre, c’est surveillé, il y a des gosses de riches et beaucoup d’étudiants étrangers – l’école est vraiment réputée – mais il y a aussi ceux dont les parents ont travaillé fort toute leur vie pour envoyer leurs enfants à cette école secondaire privée. C’est comme le rêve des grands collèges américains, mais dans une ville de 3000 habitants. Cela dit, l’administration du Stanstead College fait quand même bien rouler la ville, avec ses événements nationaux et internationaux, ses emplois et le financement de plusieurs activités locales, en plus de son attachement aux patinoires.

6. Pat Burns et les patinoires

L’ancienne patinoire de Stanstead appartenait – et appartient encore – au Stanstead College. Les équipes de hockey et les étudiants allaient y suer, et c’est aussi là que le peuple avait le droit d’aller patiner, surtout les fins de semaines. C’était pas mal l’un des deux endroits où on pouvait y rencontrer toute la ville. Mais il y avait toujours la patinoire à Raymond pour les belles journées d’hiver. Raymond Parent, c’est celui qui s’est occupé de la patinoire extérieure de la rue Parc pendant près de 40 ans. Raymond, il la connaît, sa patinoire. En mars dernier, la ville de Stanstead s’est enfin décidée : la patinoire à Raymond s’appellerait officiellement «Patinoire Raymond Parent».
Et si Raymond était impliqué dans la vie de tous les jours des Stansteadois et Stansteadoises, il y en a un autre qui a presque littéralement gravé son patronyme sur les armoiries de la ville parce qu’il y a maintenant un gros crisse d’aréna à son nom : Pat Burns. Construit au coût de 8 millions de dollars, L’Aréna Pat Burns est vraiment beau et propre, et fait l’envie de tous les cantons. Malgré la présence de ce superbe aréna, les Stansteadois préfèrent encore la patinoire à Raymond.

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7. Le Salon de Quilles CAN-USA

Il n’y a pas que L’Aréna Pat Burns pour soulever les foules.
Vers la fin des années 90, Stanstead ne vivait pas vraiment ses heures de gloire. Et quoi de mieux pour remonter le moral des troupes et animer ses journées? Un salon de quilles! Le succès fût immédiat. Je me rappelle qu’à 13 ou 14 ans, mes samedis soirs, ils se passaient au salon de quilles CAN-USA. Et ce n’était pas juste moi. C’était plein à craquer, toutes les fins de semaines et même la semaine. C’est réellement devenu l’attraction locale en peu de temps. Comme quoi frapper des quilles avec des boules, ça change le mal de place. Mon talent de bowleuse vient peut-être de là. Stanstead, j’t’en dois une.

8. Le Motel Impérial et le Motel 55

Les grandes institutions de Stanstead sont en phase de fermeture. Après le casino des indiens – à Rock Island – qui est devenu le resto-bar-pub-salle-de-spectacle Checkpoint Charlie, le Motel 55 qui a été rasé pour faire place à un Couche-Tard, un Subway et un Coq-je-sais-pas-quoi, la patinoire, l’Intermarché, le Greg, etc., voilà que c’est maintenant au tour du Motel Impérial de rendre l’âme. Non, les travailleurs du coin ne pourront plus profiter de la salle du restaurant et du petit bar pour aller luncher ou prendre un verre après leur quart de travail. Le grand Motel sera lui aussi rasé dans les semaines ou mois à venir pour faire place à un Tim Hortons. Et ça, c’est juste encore une fois, pour contribuer à déplacer le centre-ville de Stanstead vers le nord-est de la ville. L’évolution économique, mettons.

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9. Stonehenge

Je vous l’ai dit que le granit, c’est la fierté du coin? Non seulement, il fait tourner l’économie locale, mais il alimente aussi l’esprit créatif des mécènes. Ce n’est pas pour rien qu’on a notre propre Stonehenge à Stanstead. Oui, perdu dans un champ (comme le vrai), sur le boulevard Notre-Dame (parce qu’on a un boulevard Notre-Dame), à une couple de centaines de mètres du musée du granit, passé l’église du bingo et la pharmacie de la ville, il y a Le cercle de pierre de Stanstead. On dira ce qu’on voudra et il y a beau y avoir plein de signes de hippies sur place, c’est une drôle de réplique de Stonehenge. En granit.

10. Tout passe par Stanstead

La dope, les migrants, les diligences dans l’bon vieux temps, le train, les 18 roues qui filent vers les États par la 55 et la 91 ou en reviennent, les touristes qui hésitent entre la visite de Bleu Lavande (à Ogden, kin) et celle du musée du granit ou du musée Colby-Curtis (où se trouve la société historique de Stanstead et le Stanstead Journal, le plus vieux journal hebdo imprimé au Québec!). Tout passe par Stanstead parce que c’est facile et sympathique, et parce que c’est pas trop redneck, et même s’il y a des «stop» en alternance avec des «arrêt» un peu partout. La seule affaire qui ne passe pas partout, à Stanstead, c’est le câble.

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NDLR: Urbania mettant Stanstead à l’honneur cette semaine, nous offrons
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