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Premier village à dévoiler enfin la mer gaspésienne, St-Omer (alias Stomeur Beatch) est une paroisse du sud de la péninsule, fusionnée depuis 2000 à la ville de Carleton-sur-Mer, ce havre touristique. Voici donc mon interprétation personnelle de l’envers de la carte postale.
Pour voir St-Omert en photo, c’est par ici.
1. Gentilé
St-Omerien, St-Omerois, St-Omeranien…? Non. Audomarois!? Ce sont les clowns Audo et Marois qui m’ont appris ça en marge d’une game de balle molle amicale quand je devais avoir 11 ans. C’est à la même époque où je croyais que St-Omer était officiellement divisée en 3 quartiers : L’Ouest (ceux qui revenaient de l’école en autobus avec Pierre), l’Est (le secteur du chauffeur Roberto) et le Centre (ceux qui retournaient chez eux à pied ou en minibus). Moi j’habitais dans la rue Pichette, à l’extrême Ouest qui est « beaucoup » aux portes de Nouvelle, la municipalité voisine. J’ai d’ailleurs hérité de « somme » déviance à cause de ça…
2. La batture
Jeunes, on se donnait rendez-vous aux « grosses roches » pour aller se baigner. Entre deux barachois, la batture de sable étroite s’avançait pendant au moins un kilomètre sur la mer. En face, « l’île des goélands » nous procurait au besoin le challenge qui manquait à nos vies quand on décidait de s’y aventurer. À marée basse, il y avait toute sorte de choses visqueuses qui flottaient sur l’eau et ça sentait le pet. Je me suis toujours demandé si cette odeur était le produit du barachois semi-stagnant se vidant, ou bien s’il s’agissait du pas-de-fosse-septique du camping d’à côté… Un jour, les courants du large ont créé une incision au tout début du banc de sable, puis il s’est évanoui progressivement dans les flots, emportant avec lui l’écosystème extrêmement fragile du plus petit barachois.
3. La pavure
Il faut vivre en Gaspésie pour être habitué d’entendre « barachois » ou même « batture ». Mais je ne connais pas beaucoup de monde en dehors de St-Omer pour qui le mot « pavure » leur évoque quelque chose… même Le Robert ne catche pas. La pavure à St-Omer, c’est le long bout de route entre la « swompe » (marécage), côté terre et le barachois, côté mer, où on retrouve la halte routière. De là, on peut observer la faune particulière comme les hérons et les satyres fauves des maritimes (un papillon assez rare qui aime les marais salés).
4. Vas-tu à l’O-T à soir?
L’OTJ. L’endroit par excellence des ados tripeux de skate qui allaient faire leur social dans l’arène asphaltée de la patinoire extérieure les soirs d’été. Moi je ne me tenais pas là. Trop intimidée par les amis cool de mon frère plus vieux. Après quelques plaintes de bruit des voisins, ils ont installé une barrière métallique et instauré des heures d’ouverture. Ça a été le début de la fin. Il faut aussi dire que des peddlers faisaient parfois des mauvais coups, comme mettre le feu à des poubelles, ce qui leur a valu une couple de visites en règle de la police. Mais les champs sont vastes à St-Omer pour accueillir les fuyards et ça rajoutait toujours un peu de piquant à ces soirées.
5. St-Louis-de-Gonzague
Cet été, j’ai été surprise de constater que St-Omer était assez bien connu des jeunes touristes vagabonds (normalement, je dois me corrompre et dire que je viens de Carleton – plus connu – et que c’est « la même chose »). Pour cause : St-Louis-de-Gonzague, dans l’arrière-pays de St-Omer, et son attractivité pour les mouvements hippies. St-Louis, c’est un village dans la montagne, fermé dans les années 70, mais des habitants ont quand même persisté à y demeurer… même si le chemin n’était pas déneigé l’hiver. Quand j’étais au primaire, l’autobus se rendait le plus loin qu’il pouvait dans la route St-Louis pour y déposer deux enfants attendus par leurs parents en ski-doo. Y voulaient! Maintenant, c’est plus accessible et les citoyens qui y demeurent ne vivent pas en « communauté », comme plusieurs le croient encore. St-Louis, c’est comme le rêve américain, mais sauce gaspésienne (avec beaucoup de sauce).
6. Ça sent le brûlé
À St-Omer, il y a quelques années, par temps bas, une odeur de fumée envahissait les maisons avoisinant le dépotoir. Hé oui, les déchets locaux étaient brûlés à ciel ouvert à environ un kilomètre de la civilisation. Depuis que les lois ont changé, c’est aujourd’hui géré dans les règles de l’art.
7. La Petite cabane
Paradoxalement, le chemin du dépotoir fait aujourd’hui ressortir en moi un fort sentiment de nostalgie. Souvent mon père nous a fait passer par là pour se rendre dans le bois à notre « Petite cabane », cet euphémisme qui désignait ce château de trois étages, fait de branches de cèdre, camouflé dans un arbre sur le bord du sentier de ski de fond qu’on a construit de nos mains. On peut même la considérer comme un bien patrimonial, sachant qu’elle a été érigée à partir du shack que mon père a construit étant lui-même ado. Elle peut aujourd’hui profiter à quiconque sera capable de la trouver! Mais il n’y a pas de trésor enterré, seulement notre feu chienne, Flopy…
8. Les Arpents-Verts
En maternelle, je me suis cassée la clavicule en descendant la glissade des Arpents-Verts en tube, l’incontournable des activités familiales. On devait monter la côte à pied pendant comme 15 minutes, le cardio dans le tapis, avant de se laisser aller jusqu’à la rivière gelée. Y’en avait toujours des maudits qui avaient des ski-doos. Toute ma jeunesse, j’ai rêvé d’un remonte-pente. C’était d’ailleurs dans les projets de la ville jusqu’à tout récemment. Mais le propriétaire du terrain en location refuse de leur vendre, ce qui bloque le projet et prive tous les enfants de St-Omer d’une meilleure qualité de vie actuelle et future. D’ailleurs, il faut croire que le réchauffement climatique a des impacts jusqu’ici, puisqu’ils ont du changer le trajet de la pente pour éviter la rivière!
9. Ababa
Du plus loin que je me souvienne, il y a toujours eu Richard, alias Ababa. Un homme qu’on voit souvent longer le bord du chemin avec son bicycle et sa boîte pleine de bouts de ferraille qu’il va récupérer au dépotoir pour les revendre. C’est probablement le gars le plus vaillant de St-Omer! On le surnomme Ababa parce qu’il est sourd et que les seuls sons qui sortent de sa bouche expressive sonnent de même. Une rencontre avec lui est toujours un genre d’expérience marquante…
10. Fière de mes origines
Voulez-vous connaître le plus grand fail de Facebook? Il offre la possibilité de choisir tous les St-Omer du monde (9) comme ville d’origine, à l’exception de celui de la Gaspésie… Ça fait mal à l’orgueil. (Même qu’elle n’apparaissait pas plus sur la liste des « Villes de la semaine » de Urbania… re-ayoye.) Mais là, pas question de mettre Carleton-sur-Mer dans les informations de mon profil pour compenser, no-non. C’est ainsi que, selon les registres officiels du réseau social, je suis originaire de St-Omer, Pas-de-Calais (France). Ça m’aura valu quelques anecdotes cocasses.