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La capacité qu’a la Ville de Québec à se réinventer est méconnue du reste de la province. Ici, demain n’écrase pas hier. Il s’en inspire pour y ajouter des couches de vie qui s’empilent sans se nuire. C’est particulièrement vrai pour le quartier Saint-Roch : après avoir flirté quelque peu avec le tramway, traversé une sombre dépression sous un toit, s’être fait subventionner des liftings à gros frais, voilà qu’elle continue à se redéfinir, portée par une mixité sociale unique à la Ville.
Naviguer à travers les « Warp Zones »
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Il suffit de lever les yeux pour constater le manque d’amour dont le quartier a été victime à travers le temps : une malheureuse autoroute enjambe le boulevard Charest avec ses pieds de béton, générant un petit désert morbide. On a beau avoir tout fait pour le déguiser, le trou béant créé par cette atrocité met régulièrement en scène des touristes étourdis par la topographie de la ville et quelques festivals ambulants. Gris le jour et sombre la nuit, c’est le chemin le plus triste que Saint-Roch place sur mon chemin au quotidien.
Heureusement, des dizaines de projets se sont succédé pour humaniser ces quelques endroits autrefois laissés à l’abandon, portés notamment par la grande vision politique du maire Jean-Paul L’Allier. Quand je regarde, par exemple, le grand circuit de plein air qui accompagne la rivière Saint-Charles, il m’est difficile de l’imaginer toute bétonnée. De ces projets sont nés l’engouement, de l’engouement est né un nouvel essor économique.
Ces grands changements ont aussi encouragé l’échange de culture entre les jeunes et les vétérans du quartier. C’est eux qui m’ont fait découvrir que, peu importe l’heure de la journée, la fête commence au Dauphin avec une animation karaoké électrisante. C’est grâce à Daniel Dalpé, artiste du vitrail, que les hipsters boivent de la « wodka » de qualité dans les bars récemment inaugurés. Et c’est Pierre « Claude Dubois » Bilodeau qui faisait sourire tous les yeux qui passaient par le parvis de l’église…
Pèlerinage d’Ouest en Est
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L’histoire récente de Saint-Roch est passionnante. Des jeunes entrepreneurs ont commencé à se réapproprier l’histoire du quartier en proposant quelques boutiques où les produits vintage habillent l’avenir. Les meubles de nos grands-parents deviennent la décoration des petits enfants pendant que les disques vinyle se revernissent.
Les salles de spectacle ont de la difficulté à contenir tout l’engouement culturel du quartier : l’ANTI, le Cercle, le District Saint-Joseph et l’Impérial accueillent plus d’artistes émergents que je ne pourrais en connaître, tandis que la Bordée propose quelques reflets théâtraux de notre société. Pour ma part, je préfère les soirées intimes animées par des DJ à La Cuisine, avant d’aller faire des choix déchirants de combinaison chez Poutineville.
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D’ailleurs, Saint-Roch continue de rehausser sa saveur urbaine à travers les délicieuses pizzas de chez Nina, les tacos modernes du 222 et les petites boites asiatiques le long de Dorchester. Moi-même, je traverse difficilement un jeudi de paie sans aller à la rencontre de Rachid chez Mechoui Marrakech. Pour le retour à la maison, le quartier m’offre de beaux détours par l’Afrique, l’Amérique latine et le Moyen-Orient pour pimenter mes apéros, dans des épiceries fines où les gens connaissent mieux mon prénom que chez Cheers.
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C’est presque poétique qu’une descente vers l’Est, sur la rue Saint-Joseph, aboutisse près de la Barberie, coopérative de travailleurs où le rêve d’un quartier accueillant a été esquissé il y a bientôt vingt ans par de jeunes brasseurs. C’est le lieu de toutes les rencontres estivales, plein à craquer et festif à souhait. Je connais bien les gens qui y travaillent aujourd’hui et je sais qu’ils se sentent aussi concernés par la revitalisation du secteur que les fondateurs l’étaient en 1997. Une bière à la fois.
Saint-Roch, où vas-tu?
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Malgré ce portrait lumineux, je tiens à souligner que Saint-Roch n’a pas purgé ses défis sociaux pour les relayer à un autre quartier. Les mouvements communautaires soignent toujours le tissu social et misent sur la collision des univers parallèles pour créer la richesse. C’est grâce à eux que la créativité s’est installée au même rythme que le mobilier urbain, que l’animation culturelle est si présente et que les projets de verdissement se multiplient. Prenons l’exemple de la table à pique-nique géante qui s’est installée à la place de l’Université-du-Québec cet été, où les travailleurs et les résidents du coin ont partagé un repas chaque midi.
Mais comment imaginer le Saint-Roch de demain alors que son parcours a été jusque là truffé de surprises? Pour ma part, j’espère sincèrement que les générations qui ont veillé sur le quartier au fil du temps auront les moyens d’y rester malgré la récente métamorphose économique. J’espère que les jeunes familles vont continuer de s’installer dans les quartiers avoisinants pour encourager la création de commerces de proximité au cœur de Québec. Je veux voir plus de poussettes, plus de fruits, plus de vert.
Je suis aussi prêt à miser sur ce qui ne changera pas : la rue Saint-Joseph offrira toujours son parfum urbain après une pluie torrentielle. Monsieur Gilles poursuivra sa tournée de récupération lucrative dans les coopératives d’habitation du quartier. Les travailleurs saisiront chaque bain de soleil que le jardin Saint-Roch peut offrir sur l’heure du dîner.
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