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La ville de la semaine: Saint-Jean-sur-Richelieu

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Je suis nĂ© Ă  Iberville. J’ai, au cours de mes trois dĂ©cennies d’existence, endossĂ© successivement le rĂŽle d’Ibervillois, de Johannais et de Luçois. Saint-Jean-sur-Richelieu, c’est chez moi, c’est chez nous.

C’est Saint-Jean pour ceux qui la connaissent. C’est Saint-Jean-sur-LE-Richelieu pour ceux qui ne la connaissent pas et veulent faire semblant (ça accroche toujours Ă  l’oreille d’un vrai Johannais). C’est encore Saint-Jean-d’Iberville pour les plus vieux
 Et ce fut Dorchester pour les fantĂŽmes du vieux cimetiĂšre de l’église St. James
 Saint-Jean, c’est grand, c’est complexe. C’est beau, mais des fois c’est laid. Ça se dĂ©veloppe, mais ça rĂ©gresse
 C’est doux, Saint-Jean. Ça sent le Capitaine Pouf, la riviĂšre et le gazon tondu


Pour voir Saint-Jean-sur-Richelieu en images, c’est par ici!

Une ville née des guerres de clochers

Saint-Jean, c’est l’histoire de tribus qui ont Ă©tĂ© obligĂ©es de fusionner au dĂ©but des annĂ©es 2000. Deux de ces tribus ne s’aimaient pas la face depuis quelques siĂšcles. D’un cĂŽtĂ© de la riviĂšre, les Senneux de Saint-Jean pĂȘchaient au filet (pĂȘche Ă  la senne) dans le Richelieu
 Souvent trop prĂšs d’Iberville et de ses Limoneux, qui eux, mangeaient de la bonne anguille pĂȘchĂ©e Ă  mĂȘme la riviĂšre (l’anguille a la rĂ©putation de se tenir dans le limon). Des bagarres Ă©piques entre Senneux et Limoneux sont survenues dans les bars, et surtout sur les ponts qui reliaient les deux cĂŽtĂ©s de la riviĂšre. Y’avait aussi les Luçois, Ă  Saint-Luc. Eux autres, ils se pensaient ben fins, dans leurs maisons neuves sur des rues pas de trottoirs, pis dans leurs ranchs sur le bord de l’autoroute
 Les gens de Saint-Athanase, quant Ă  eux, jouaient les guĂ©dailles et se disaient aussi Limoneux. Quant au monde de L’Acadie
 ben rien.

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Mon oncle Jean-NoĂ«l, un Limoneux notoire qui Ă©tait venu nous voir pendant les ventes de garage de Saint-Luc, en 2001 (au lendemain de la fusion) a mĂȘme lĂąché : «C’est ben trop grand c’te ville-lĂ . Y’a trop de Senneux icite. Pis les Luçois ont pas rapport avec nous autres».

La Capitale des mongols fiers


Saint-Jean, capitale des montgolfiĂšres
 Le festival
 Qui ne le connaĂźt pas? La ville devrait s’appeler Saint-Jean-des-MontgolfiĂšres; c’est toujours de mĂȘme qu’on finit par faire comprendre Ă  quelqu’un d’oĂč on vient. À ce sujet, on est plus hot que Gatineau! Et qui ne se rappelle pas des Backstreet Boys? Ils sont venus Ă  NOTRE festival en 1996, tout le monde s’en souvient. Le Woodstock de la gĂ©nĂ©ration «Y» ici. Ils ont chantĂ© devant 87 000 fans hystĂ©riques. Ce fut le lancement de leur carriĂšre internationale, ils l’avouent eux-mĂȘmes! En tout cas, c’est pas Ă  Granby, Sorel ou St-Hyacinthe que ça se serait passé  Le festival, sinon, tout le monde le connaĂźt, mais pas de la mĂȘme maniĂšre. Pour un jeune Johannais, «le champ» a beaucoup de signification. Beaucoup d’entre nous n’achetions pas nos passes spĂ©cifiquement pour assister aux shows, mais bien pour aller tripper dans ce fameux champ, pas loin de la ligne de toilettes chimiques. Oh ce qu’il s’en est passĂ© des affaires lĂ -bas! Et nos parents qui croyaient que


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Les montgolfiĂšres, c’est aussi inscrit dans notre vocabulaire. On dit qu’on va «courailler» les montgolfiĂšres (en choisir une, la suivre jusqu’à temps qu’elle atterrisse, pis espĂ©rer faire un tit tour de ballon attachĂ© aprĂšs). On se demande toujours aussi laquelle est le «liĂšvre» (la premiĂšre en avant, prĂšs de laquelle les autres vont essayer d’aterrir). Le Johannais moyen sait estimer la vitesse des vents en nƓuds par le mouvement des nuages et des feuilles d’arbres, et sait ce qu’est un aĂ©rostier.

“On va aller lire le Canada sur la bande du Canal prùs du Manneken Pis”

Justement, Saint-Jean, c’est toute une parlure, c’est un vocabulaire local! Un bon Johannais comprend trĂšs bien cette phrase. Le Canada (-Français), c’est le journal de la place! La bande du Canal, c’est l’ancien chemin de halage du canal Chambly sur lequel on va courir, pique-niquer, faire du vĂ©lo ou du roller, ou bien boire une biĂšre (on raconte d’ailleurs que c’était un alignement de shacks et de bordels du temps de la prohibition). Et non, on n’a pas volĂ© le Manneken Pis Ă  Bruxelles
 Mais nous autres on y mange de bien bonnes gaufres! Le centre d’achats, c’est le Westcliff. On n’y trouve pas grand-chose, mais c’est toujours utile pour sĂ©cher les cours (sauf si tu tombes sur ton prof). Sinon, quand ton pĂšre te donnait 1$ pour aller t’acheter un p’tit lait au chocolat, il appelait ça un «Vico»! Faut pas oublier notre accent typique (qui se perd trop vite malheureusement) et qui nous met littĂ©ralement des poĂšmes en bouche : la cĂąve, la cĂąrriĂšre, le garĂąwge
 Bref, en guise d’initiation au patois johannais, si jamais vous passez par ma ville et que vous demandez des indications sur la rue, prenez note que le Vieux-Pont, c’est le pont Gouin, que le pont Neuf, c’est le pont Marchand, que le pont des Chars, c’est le pont du Canadien Pacific, pis que la Grand’Rue, c’est la Richelieu.

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Saint-Jean-sur-Pauvrelieu, capitale de la démolition

N’importe qui passe Ă  Saint-Jean depuis les derniĂšres annĂ©es constate d’emblĂ©e que le budget de dĂ©molition de la Ville est trĂšs Ă©levĂ©. Dans le centre-ville, un quart de la Grand’Rue a disparu. La vieille usine Singer et ses tours (oĂč ce qui se passait n’avait rien Ă  voir avec l’industrie depuis longtemps) ont Ă©tĂ© dĂ©molies, et on y a reconstruit de «fausses vraies anciennes tours». Les anciennes maisons du boulevard Saint-Luc ont laissĂ© place Ă  de petits centres d’achats anonymes (qui font maintenant partie de l’imaginaire des nouveaux jeunes). La jolie Ă©glise Trinity a un pied dans la tombe
 Sans oublier ces lieux magiques de nos enfances, les boisĂ©s (Douglas, des Colibris, des FrĂšres-Maristes
), qui disparaissent par hectares pour laisser place Ă  pas grand-chose, finalement, un huitiĂšme IGA par exemple (il est oĂč, le fameux CostCo, hein?)

Le Vieux-Saint-Jean, c’est un peu vide astheure


Parlant de dĂ©molition, il ne reste plus grand-chose dans le Vieux-Saint-Jean. Ça me rend nostalgique quand j’y vais. Des locaux vides ou barricadĂ©s. Une petite initiative ici et là
 Quand je pense Ă  toute l’activitĂ© qu’il y a eu sur notre Grand’Rue! On dĂ©molit pour faire des stationnements (un moment donnĂ©, tsĂ©, il n’en manquera plus de parking, quand tous les commerces auront Ă©tĂ© dĂ©molis ou dĂ©sertĂ©s). On dĂ©molit pour mettre du gazon (il y a dĂ©jĂ  plein de parcs). La rue Champlain et la place du MarchĂ© sont devenues des arriĂšre-cours. Adieu le Rich et sa typique danse face au mur, le Metric, le King Edward et ses divans douteux, le bar du Vieux et sa scĂšne indie locale, les snacks de la rue du Quai! Des bars, on n’en veut plus ici! De la vie non plus d’ailleurs. Bonjour les condos et les boomers! La radio locale, autrefois le Rockeur sympathique, a mĂȘme Ă©tĂ© renommĂ©e Boom FM (c’est dire le changement de cap!) On est loin de l’époque de la guerre des motards, oĂč Hells, Jokers, Rock Machines et autres se partageaient (ou explosaient) l’espace, tandis que les Ă©tudiants du CollĂšge militaire restituaient leur repas sur la rue! C’est peut-ĂȘtre pas si mal finalement


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Saint-Jean, terre de légendes
 qui font peur des fois!

Tout jeune Limoneux qui se respecte a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© fascinĂ© par la rumeur selon laquelle il y aurait un tunnel secret qui partirait du manoir Christie vers la riviĂšre Richelieu (Ă  moins que ce ne soit un lien vers le fort Saint-Jean?) Tout le monde a un oncle, l’ami d’un oncle ou l’ami de l’ami d’un oncle qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© jardinier au manoir et qui a aperçu ledit passage
 D’autres soutiennent que ce seraient des esclaves engagĂ©s par d’anciens propriĂ©taires qui auraient creusĂ© ce souterrain afin de s’émanciper. Est-ce que ça existe vraiment? On le sait pas. Mais ça fait beau dans un livre de lĂ©gendes, Ă  cĂŽtĂ© d’autres rĂ©cits locaux comme la tĂȘte d’AmĂ©rindien qui parle sur la bande du Canal, le Bonhomme-Sept-Heures qui habiterait au bout de la 7e Avenue, la traite des blanches dans les cabines d’essayage du magasin Wise ou bien les maison hantĂ©es du boulevard des Érables et de la rue Victoria


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Saint-Jean, terre de légendes
 vivantes

N’importe quelle ville respectable cĂŽtĂ© lĂ©gendes a aussi ses quelques hurluberlus. Ceux-ci deviennent des images unidimensionnelles dans l’imaginaire collectif, au point oĂč les gens sont parfois mĂ©chants avec eux sans mĂȘme connaĂźtre leur vie. Saint-Jean n’y Ă©chappe pas. Tout le monde se rappelle de Burger (un surnom que lui-mĂȘme n’aimait pas), ce citoyen Johannais qui errait au centre-ville vĂȘtu de sa froque, parfois en prodiguant des conseils de tricherie aux Ă©lĂšves dans les cours d’école, parfois faisant du taichi sur le bord du canal, et dont la nouvelle du dĂ©cĂšs a causĂ© une onde de choc chez les bons citoyens (il faisait partie du paysage et on l’aimait bien). D’autres se remĂ©morent avec amour Ti-Gus, le gars muet de l’aiguisage des patins du vieil arĂ©na. La dame qui chantonnait en anglais sur la rue et qui faisait la circulation fait aussi partie de notre imaginaire, tout comme la trĂšs sympathique caissiĂšre de petite taille dans l’un des Zellers.

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Attention, zone sinistrée

Selon une rumeur persistante, Saint-Jean serait la nouvelle Venise-en-QuĂ©bec. Du moins, c’était vrai au printemps 2011. Le pont Gouin, sur le Richelieu, et plusieurs maisons ont bien failli ĂȘtre emportĂ©s par les eaux d’une riviĂšre gonflĂ©e comme jamais. Et le gouvernement a brettĂ© Ă  indemniser les centaines de familles touchĂ©es. On n’a pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©s ici. Tous se rappellent d’ailleurs avoir eu envie, en 1998, d’aller prendre sa douche commune au car-wash, pendant la crise du Verglas, alors que Saint-Jean Ă©tait devenue l’épicentre du triangle NOIR! Ahhh les bons souvenirs. Des vacances de NoĂ«l qui s’étaient Ă©tirĂ©es du 22 dĂ©cembre au 12 fĂ©vrier. L’armĂ©e dans les rues. La cohabitation avec matante Ginette qui squattait parce que t’avais une gĂ©nĂ©ratrice et qu’elle avait fui la maison d’Alain parce que le brĂ»leur au propane lui faisait perdre ses cheveux par mottons
 Les soirĂ©es jeux de sociĂ©tĂ© Ă  la chandelle
 et les flashs des transformateurs (et commerces) qui explosaient un peu partout en ville, dans la nuit noire sans lumiĂšre
 Les enfants Ă©taient heureux. Les parents ont eu besoin de mĂ©chantes longues vacances aprĂšs.

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Les enfances vagabondes de Saint-Jean

Outre le Verglas, un beau souvenir d’enfance, c’est de partir dehors tĂŽt le matin pour aller te promener avec tes voisins et construire des cabanes dans le petit boisĂ© entre le ruisseau Hazen pis la track (ou le bois de la rue des Prairies, ou le bois Douglas, ou le bois derriĂšre la CCM, ou le bois de St-EugĂšne
). C’est de chasser les papillons ou les tĂ©tards dans ces champs qui sont aujourd’hui devenus des quartiers. C’est aussi, quand t’as un creux, te rendre Ă  la cantine mobile chez Mickey au parc Mercier pour manger une frite-vinaigre. Eh oui, on avait plusieurs food trucks dans le temps. PrĂ©curseurs, ces Johannais! Sinon, on allait chez Nick et Pic, chez RĂ©al, chez Ti-Wick, chez Ti-Pitate, chez Dan (tsĂ©, le resto en forme de boule orange!)
 Les bancs tournants pis le graillon, c’était toujours le fun, ça! Grandir Ă  Saint-Jean, c’est aller partout en bĂ©cique sans que tes parents le sachent (mais on n’avait pas le droit de traverser le pont des Chars! Oui, bien sĂ»r
) C’est jouer dans’rue. C’est se faire gueuler aprĂšs pour rentrer souper


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Les Johannais sont fiers

Quand ta ville se retrouve sur la deuxiĂšme meilleure case du Monopoly Canada (bon, OK, juste derriĂšre la – trĂšs connue – ville de Chatham-Kent), devant MontrĂ©al, Toronto, Banff, Vancouver
 Tu te dis que ses habitants doivent ĂȘtre fiers en ti-pepĂšre! Les Johannais, Ă  l’instar de quiconque a habitĂ© un jour la jolie vallĂ©e du Richelieu, sont Ă©motifs quand ils Ă©voquent leur ville natale. Croiser la jasette d’un autre Johannais, Ă  l’extĂ©rieur de la ville, revient souvent Ă  parler de la beautĂ© de l’endroit, de la bande du Canal, de combien le Vieux-Saint-Jean dĂ©pĂ©rit, mais s’amĂ©liore en mĂȘme temps
 Ce ne sont pas la construction de nouveaux bungalows ou bien les Ă©lus politiques qui changeront le destin de Saint-Jean, mais la fiertĂ© de ses gens qui souhaitent faire quelque chose de bien de leur ville. Vous l’aurez compris, vivre et grandir Ă  Saint-Jean, c’est n’est pas comme dans la grand’ville, ce n’est pas comme dans un village, ni comme Ă  la banlieue. Ça a un petit quelque chose de spĂ©cial qui reste dans le cƓur.

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