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La ville de la semaine: Saint-Évariste-de-Forsyth

Par
André Fecteau
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Le taux régressif de natalité, l’exode rural et la perte de bien de ses atouts économiques auraient pu y sonner le glas, mais le petit village beauceron persiste. Visite d’une bourgade appalachienne fort paisible.

1. Le nom

St-Évariste-de-Forsyth, c’est pas un nom « cool ». La longueur en étouffant plus d’un, tout le monde a pris l’habitude de s’en tenir au saint, surtout qu’il est impossible d’être confondu avec un autre : y’ a juste un St-Évariste au Québec. Quand t’es jeune, tu te rends pas compte que le nom est « weird », mais quand tu commences à sortir de chez vous et qu’on te répète, abasourdi, « Ste-Varice », c’est là que tu dénotes l’excentricité.

2. Le lac

Le seul site de villégiature de la place, s’il en est un, est le lac aux Grelots. La légende veut que le nom (souvent travesti en « guerlots ») vienne des clochettes que les gens accrochaient à leurs carrioles en hiver avant de traverser le lac, transformé en pont de glace. Les grelots servaient à avertir les habitants du lac que t’avais pas défoncé la glace pis que t’étais pas « neillé ». Avis aux baigneurs : le lac est bourré de sangsues.

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3. La côte

La conduite automobile dans les Appalaches est une activité spectaculaire et la côte de St-Évariste suscite bien des émotions. Son dénivelé est important, mais c’est plutôt la longueur de cette partie de la route 108 qui va te faire finir en troisième et peut-être même en deuxième si tu oses la monter « à clutch »! Avis aux aventuriers : en hiver, lors de grands vents, la visibilité dans la côte est toujours nulle et en été, les « farmers » épandent leur fumier dans les champs adjacents, produisant une odeur toujours violente et assez surprenante, même pour les habitués.

4. La piscine

La seule chose qui attire encore les gens de la région vers St-Évariste, c’est la piscine municipale (de grandeur semi-olympique, se vante-t-on). Elle a connu son heure de gloire jusqu’à la fin des années 1990, attirant chaque année des milliers d’enfants de « baby boomers » avec ses bains libres, ses cours de natation et même un festival de pêche récréative (le chlore étant remplacé par des poissons pour l’occasion). Les appâts n’y sont plus, mais les baigneurs reviennent, quoiqu’en moins grand nombre.

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5. La salle

Vestige des travaux divers de Duplessis, la Salle blanche sert à la fois de centre communautaire et de gymnase pour l’école secondaire voisine. Même si elle a perdu de son usage fréquent (sauf pour les cours d’éduc), son histoire est bien remplie : ancien hôtel de ville, salle de théâtre et dîners spaghetti pour des voyages à Toronto. Aujourd’hui, mis à part les activités scolaires et un brunch annuel de cabane à sucre, elle est le quartier général du Club de l’âge d’or local.

6. Le parc

Le Parc des cervidés est une institution qui reflète des temps révolus où les loisirs ne tournaient pas autour de la porno sur internet et du magasinage chez Wal-Mart. Fondé par un haut magnat du village, il s’agit simplement d’une terre clôturée où se côtoient wapitis, cerfs de Virginie et daims, tôt ou tard mis à mort lors de parties de chasse organisées pour des Américains et des joueurs des Nordiques. Aujourd’hui, la clôture est encore là, les cervidés y paissent, mais les Nordiques ont disparu et les Américains se font rares.

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7. Le bar

Son statut de seul bar du village a fait du P’tit carreau un endroit prisé, mais c’est dans ses dernières années d’existence qu’il a dominé les autres hôtels de la région en accueillant en son sein une troupe de danseuses nues. Tout ce qu’il reste de ce joyau de l’indécence est l’édifice, converti en bloc à appartements gris. Anecdote historique : durant la Prohibition, les buveurs hors-la-loi allaient y faire leurs emplettes alcoolisées et tout commerce illégal se déroulait par une petite ouverture en forme de carreau dans un mur, de là le nom.

8. Le presbytère

L’ancien presbytère est une extravagante pièce architecturale si imposante qu’on pourrait le méprendre pour un petit château. Pendant longtemps, une prison régionale se trouvait à l’étage supérieur (avec cellules en ciment et barreaux d’acier pour mettre de l’ambiance). Un jour, le prêtre a relocalisé son état major à La Guadeloupe (voir « Le voisin ») et le bâtiment servit de petit musée régional pendant quelques années. Il a récemment été reconverti en « bed and breakfast » vert et jaune, et porte le nom distingué de Manoir Forsyth.

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9. Le voisin

En région, y’a des guerres de clochers partout et l’ennemi juré de St-Évariste s’appelle La Guadeloupe (le village beauceron, pas l’île antillaise). La jalousie réside dans le fait que Guadeloupiens jouissent de la présence de choses inexistantes à St-Évariste : trois restaurants, un Korvette, une épicerie, une foule de dépanneurs, deux écoles, un motel, des maisons de p’tits vieux et j’en passe. Pourtant, il est bon de se rappeler que La Guadeloupe a été bâti dans un marécage, que leur église est monstrueuse, pis que le snobisme y est prévalent. Choix facile.

10. Les excentriques

Après de grandes recherches historiques, il a été établi que les personnalités extravagantes et les excentriques s’abstiennent de fouler la terre de St-Évariste. La raison n’est pas connue, mais il semble qu’ils évitent le village pour s’établir à La Guadeloupe, où la communauté de caractères farfelus est bien portante.

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Saint-Évariste-de-Forsyth en images

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