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À force de déménager souvent, j’ai rarement développé un réel sentiment d’appartenance à une ville. Exception à la règle oblige, parce que Rigaud, je la considère comme ma ville. J’y aurai été étudiante au Collège Bourget pendant 7 ans, affichant le profil de la petite fille sage.

En secondaire trois, sur le dessus de pupitre d’un de mes cours, il y avait un creux d’à peine quelques millimètres de profond. Parce qu’on va clarifier quelque chose: faire un trou sur son bureau de manière subtile en classe, c’est pas évident. Pour accompagner le creux, un étudiant avait pris soin d’ajouter sa touche personnelle au sharpie. Il avait écrit deux choses: les mots « Rigaud » et « trou ». Entre les deux, une flèche. Ça prenait pas la tête à Papineau pour comprendre ce que l’élève insinuait et ça, ça m’insultait. Avec un regard différent et vieilli, je suis maintenant totalement d’accord avec cet étudiant qui avait traité ma ville de « trou ».

Aujourd’hui, quand on me demande « tu viens d’où ? », je m’attends à un point d’interrogation ou à un « ah… ok » que je traduit par un « j’ai aucune idée c’est où, mais je veux pas avoir l’air cave». Je vais te sauver l’embarras: pour aller à Rigaud, il faut prendre la 40 ouest jusqu’à la sortie 12. Oui, la sortie pour le Boulevard Pie-IX, c’est la 76. Oui, t’en as pour un bon 45 minutes à te taper des hits de musique pop sur Virgin Radio et à ralentir quand tu vois des autos de la SQ. Le point d’interrogation dans ta face est toujours là. Imagine que tu vas à la plage à Oka, mais qu’après tu prends le traversier vers l’autre bord de la rive. T’arrives dans ce «trou» qu’est Rigaud.

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Pour voir Rigaud en images, c’est par ici!

Si certains sont reconnus pour leurs bleuets…

D’autres le sont pour des chansons. Rigaud, si ça sonne une cloche, c’est presque à coup sûr à cause de la chansonnette. À ma connaissance, c’est la seule petite ville du Québec qui aura réussi à se faire connaître jusqu’en France par le simple fredonnement d’un air. Vous savez, cette chanson « c’est en r’venant de Rigaud … [bruits de bouche qui durent trop longtemps] … »? Bien, c’est en fait une véritable chanson à répondre vieille de 1958. Un homme qui revenait de Rigaud aurait été pris d’un éternel hoquet, puis aurait été forcer d’accepter les avances et la demande en mariage de la femme qui l’avait charmée. Mais comme tout le monde se connaît par chez nous et que je n’ai jamais entendu parlé du bonhomme (même dans les vieilles histoires de mon voisin de 80 quelques années), j’ai mes doutes sur la véracité de l’histoire.

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Le fils du voisin qui est allé à l’école avec le neveu d’un tel y’habite sur St-Jean-Baptiste… c’est sûr que tu sais c’est qui

Comme toute bonne petite ville reculée, tout le monde se connaît.. Et crois-moi, tu ressors du lot quand t’es half black aux origines jamaïcaines. Les vieux de la vieille, eux qui ont vu plus de graduations que tu n’en verras jamais dans ta vie, peuvent pratiquement te réciter les arbres généalogiques des familles de la ville entière. En plus de tous se connaître, j’ai appris dès l’âge de 10 ans qu’on ne pouvait pas se perdre dans ma nouvelle ville. À cet âge là, le sens de l’orientation et moi, on se faisait la gueule. Malgré tout, sans cellulaire ni Google Maps, jamais je ne me suis mise en boule à espérant un miracle qui me permettrait de retrouver mon chemin. S’orienter dans Rigaud, c’est un piece of cake. Au pire aller, tu demandes des indications à quelqu’un qui risque de connaître quelqu’un que tu connais.

Quelqu’un peut m’expliquer elle est rendue où ma maison?

Il y a eu un moment dans l’histoire de ma ville où faire des boîtes, c’était mode ancienne. Pourquoi se faire chier avec ça quand on pouvait littéralement déménager sa maison en entier? Bein oui toi, déménageons 240 000 livres à la place. Illogique, mais original et amusant. Vient avec ça mon plaisir d’imaginer les jeunes bien saouls qui rentrent du bar Chez Maurice, en cherchant leurs chez eux respectifs sur la mauvaise rue. J’ai peut-être l’imagination fertile, mais dans ma tête, ça pleut des scénarios du style “Dude, where’s my car” version “Bro, ma maison, elle est où?”.

La maison de Frankenstein

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Les maisons du patrimoine, à Rigaud, c’est pas ça qui manque. En général, celles-là sont assez bien préservées. Sur la rue Saint-Pierre, il y en a une ou deux. Celle qui avait toute attention de l’ado que j’étais, c’était la demeure de Frankenstein, comme mon frère et moi on l’avait surnommée. De l’extérieur, la petite maison était délabrée, mal entretenue et les planches de bois du balcon… je me passe même de commentaires!. Le gazon était si haut qu’il m’arrivait presque à la taille. Le bonhomme qui habitait là, je le croisais presque tout le temps en allant à la bibliothèque. Encore une fois, mon imagination me jouait peut-être des tours, mais mon dieu qu’il ressemblait en tout à Frankenstein, vis exclues. Jamais je ne l’ai entendu prononcer un seul mot. Peureuse, je baissais les yeux, arrêtait de respirer, et marchait plus vite. Et je ne passais pas là à l’Halloween.

Luncher dans le village

Comment sécher un cours à Bourget pour les nuls: tout le monde sait pertinemment qu’au pavillon Querbes de Bourget (secondaire 4 & 5), t’as l’option de sortir du campus pour aller dîner. Dans l’arbre des possibles, il y a tout plein d’options: la petite pizzeria avec jukeboxes sur St-Pierre, le restaurant l’Étoile, le Dairy Queen, le parc Chartier-de-Lobitnière et même le bord de l’eau si t’es motivé d’aller à Rigaud-sur-le-Lac. Après bon, Bourget ça reste un collège privé, alors c’est pas garanti que tu manges pas un char quand tu remets le bout du nez à l’école. Je gagerais un dix piastres sur au minimum une retenue.

La clique de fumeurs d’herbe

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Comment recenser le nombre de fois que des élèves reviennent en classe les yeux complètement rouges ? Impossible. Comment savoir qui fume? Beaucoup plus facile. T’avais qu’à aller te cacher dans les sapins en face du Collège Bourget ou carrément aller traîner dans le petit skatepark boboche du parc Chartier. Il y avait aussi le cimetière et le mini-putt à côté du Dairy Queen sur la rue principale qui étaient des endroits bien aimée.. Ça, ou littéralement dans la cour de chez ma mère, sous notre balcon. Pour vrai guys?

Les douaniers du Québec connaissent Rigaud

À peu près les seules personnes qui savent assurément de quoi tu parles quand tu dis que tu viens de Rigaud, c’est bien les douaniers qui ont suivis leur formation au Québec. Le Collège des Douanes, où tu pouvais d’ailleurs faire du sport en gym le dimanche, est situé sur la rue principale. Tu peux toujours t’essayer à demander au douanier s’il sait où Rigaud se situe la prochaine fois que tu passes les lignes, mais je ne me tiens nullement responsable pour une fouille parce que tu te croyais comique. Un homme averti en vaut deux.

Pour les adeptes de sports de glisse

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Rigaud, c’est peut-être un trou, mais au moins c’en est un avec du style… Non, pas tant. Mais on a une montagne de ski. Non, une colline. Il y a quand même quelque chose de génial à avoir une maternelle du ski dans sa ville: quand le mont est fermé pour xyz raison, tu peux quand même y aller, slick style, et le monter à pied. C’est certainement plus épuisant, mais au moins tu payes pas ton entrée et tu peux être là tout le temps que tu le désires. À la limite, si t’es pas en forme, t’arrêtes au milieu pour prendre une pause (je vais te juger, mais ça c’est pas grave).

Les endroits tranquilles

La ville de Rigaud regorge de verdure. Absolument parfait pour les jeunes qui découvrent leur pulsions. Oh, rien ne sert de nier. À 15-16 ans, on est tous chauds en permanence. Grâce à ces boisés qui entourent la ville, les jeunes peuvent décider d’être romantiques et d’amener leur date à Arbraska ou tomber du côté trash et disparaître dans le voisinage (ou moins vert, mais les toilettes du chalet au parc Chartier).. Je dis ça de même… parce que c’est déjà arrivé. Non, pas à moi. Rappelles-toi: j’adhérais au profil de la petite fille sage. Il y avait quand même moyen d’être voyeur.

Le champ de patates

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Une légende raconte qu’un paysan dans la montagne fut l’erreur de travailler dans son champ de patates plusieurs dimanches. Comment s’attirer la foudre de Dieu 101. Le paysan et ses bêtes se sont faits engloutir par la foudre et le soi-disant champ s’est transformé en pierres. De grosses roches rondes. Et en veux-tu en v’là.. Puis, comme la chanson à répétition, l’histoire est amusante et très crédible pour n’importe quel enfant avec un tant soit peu d’imagination. Sans vouloir briser des bulles, on va se dire les vraies choses: ces pierres datent de l’époque des glaciers. Ça vaut le détour juste pour le simple fait de pouvoir se défouler et y lancer des roches de toutes ses forces. Ou y éclater des bouteilles de bières vides si tu te sens rebelle. À toi de voir.

Quoique très (trop?) tranquille, elle est bien cette petite ville du « 450 ». J’y ai grandi, je l’ai aimée et détestée à la fois, et malgré le manque de stimuli que je lui ai maintes fois reprochée, je retire une expérience positive de mes 7 ans là-bas. À 24 ans, je vois les visites chez ma mère comme une petite escapade reposante… et devine quoi? C’est en r’venant de Rigaud que je le réalise.

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