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Le Plateau Mont-Royal, c’est le quadrilatère formé par Parc, Sherbrooke, Iberville et la track de chemin de fer Rosemont.
Pour un gars originaire du Plateau, en haut de la track de chemin de fer c’est le Métropolitain; à l’est d’Iberville, t’es à Anjou; à l’ouest de Parc, t’es chez les anglais, et au sud de Sherbrooke, c’est quand tu veux magasiner avec les touristes.*
*Il est important de savoir que, pour un gars du Plateau, le Mile-End et « St-Laurent en bas de la rue des Pins », ce n’est pas le Plateau, même si géographiquement parlant, ils le sont.
Je suis né sur le Plateau-Mont-Royal en 1981. Au 4683 Pontiac, juste au coin de la rue Bienville. Je me souviens encore du numéro de téléphone fixe : 514.526.8628. J’ai quitté la maison à 10 ans pour m’installer 4 rues plus loin, au 4562 Mentana, jusqu’à ma majorité. C’est quand même fou que je n’ai jamais habité ailleurs que sur le Plateau, mis à part entre 24 et 26 ans quand je suis allé chiller avec les pauvres d’Hochelaga dans un duplex que mes parents ont acheté. Vous avez donc devant vous, un gars qui a vu l’évolution du Plateau de 1981 à 2013 et qui y a vécu la plupart/toutes ses expériences de vies. #frencher #fumer #fourrer #bumer #loler
1) Le plateaupithèque
Pour comprendre le Plateau d’aujourd’hui, il faut comprendre d’où il vient. Quand j’étais jeune, le Plateau était considéré Zone Grise. Il s’agissait d’une cote que la ville associait aux quartiers considérés pauvres. Ça faisait en sorte qu’à mon école primaire, l’école Laurier, on nous servait un petit déjeuner gratiss à tous les matins. Je n’étais pas pauvre, mais pas mal de mes amis dévoraient leurs fruit loops comme si c’était leur dernier repas sur terre.
Je trouve aussi fascinant que 90% des gens avec qui je suis allé au primaire habitent aujourd’hui la banlieue. La communauté Plateau 1990 était bien différente et se pêtait pas mal moins les bretelles que celle de 2010. C’est probablement ce qui a amené mon père à détester ce qu’il appelait le « plateaupithèque ». Il voyait son quartier changer dans une direction qui le rendait plus ou moins heureux. À ses yeux, on était loin du Plateau de Gérald Godin. J’ai le souvenir de lui qui rentre à la maison en chialant sur des personnages imaginaires en les traitant de « plateaupithèques ». Je n’avais pas encore vraiment compris qu’il parlait du gars que j’allais devenir dans le futur : un genre de semi-français, semi-artiste, semi-pêteux de broue, semi-Guy A. Lepage, semi-parvenu, semi-réalisateur.
2) Hoboland
Depuis que je suis tout petit que je croise les mêmes itinérants. Certains sont smattes et d’autres me font chier, mais ils font tous clairement partie intégrante de l’écosystème de mon quartier.
J’ai même mon préféré, le « flippeux de casquette ». Pas le plus sympathique, mais à force de lui donner des sous, il a fini par me respecter. C’est probablement celui que j’ai le plus croisé puisque son « hotspot » est devant la SAQ Express. Son truc, c’est de faire faire un flip complet à sa casquette avec son pied jusqu’à sa tête. Il est rendu assez habile.
J’aime aussi beaucoup le Ricaneux. Son histoire est plus floue puisque la connection humaine est plus complexe avec lui, mais il est toujours en train de ricaner. Des fous rires qui semblent faire mal aux joues et aux abdos. C’est pas mal le seul des itinérants du Plateau qui réussit à me donner des fous rires. Avant, il était toujours devant la bibliothèque municipale, mais depuis quelques temps il chill sur St-Denis coin Marie-Anne. Un ben bon jack qui gosse pas si tu ne lui donnes pas une cenne.
Il y a aussi le poète du Plateau. Facile à reconnaître, il fait des rimes et parle en vers sans arrêt. C’est probablement le plus old school encore présent. Dans le temps, il ne me dérangeait pas trop, mais depuis quelques années, il est devenu un peu aigri et trop insistant. Quand je le vois au loin, je change de bord de rue pour ne pas vivre le malaise où il me suit en faisant rimer cenne, saine et peine.
Il y a aussi la relève. Les ptits derniers sont les trois ou quatre inuits/amérindiens. Les gars sont très réels et ne sont pas fatiguants. Ils hustlent comme ils peuvent avec respect et sourire. L’hiver, ils essaient aussi de mettre une peu de vie en faisant des bonhommes de neige pour divertir les plateaupithèques.
Chacun dans leur genre, ils influencent l’histoire du Plateau-Mont-Royal.
RIP : Le Grand Antonio qui était toujours assis coin Mont-Royal, St-Denis. Il ne parlait pas vraiment mais essayait toujours de nous vendre des photos de lui avec Muhammed Ali ou Michael Jackson. Ça ou ses cartes postales de lui-même en train de tirer des autobus avec ses cheveux.
3) La matantisation du plateau
Le prix des maisons est rendu ridicule sur le Plateau. Une amie a acheté un duplex 550 000$ en 2011 et c’était une aubaine. La montée en flèche des prix est due à l’inflation naturelle, mais la transformation des duplex en condo y est aussi pour beaucoup. Des groupes immobliers verrats achètent en haut de la valeur et transforment les vieux duplex en condo et les louent 3 fois le prix. C’est ce qui fait que le Plateau s’embourgeoise et perd de plus en plus son edge. Il devient tranquillement une retraite pour bébés gâtés et matantes de tous âges qui ne veulent surtout pas que leur voisin fasse trop de bruit. C’est eux le poison du Plateau, pas les français. (ben… peut-être un peu aussi).
*Mes parents ont acheté le 4683 Pontiac en 1983 pour 13,000$, et l’ont vendu 120,000$ neuf ans plus tard, en 1992. Aujourd’hui, la maison doit valoir environ 600 000$.
4) Les ruelles
Ma jeunesse a été bercée par les ruelles du Plateau-Mont-Royal. La plus exploitée fut sûrement la ruelle Généreux (juste au nord de Mont-Royal, à partir de Berri puis vers l’est). C’est là où, très jeune, j’ai testé mes limites et exploré au-delà du monde que je connaissais. Aujourd’hui, c’est là où tu peux marcher si tu n’as pas le goût de te faire chier à dire bonjour à tout le monde que tu connais sur Mont-Royal.
Sur le Plateau, les ruelles c’est aussi l’endroit parfait pour frencher une fille incognito. Chaque bar a sa ruelle où se faufiler en douce. Plein de petits racoins et murets pour te cacher. Vous revenez ensuite dans le bar avec un certain décalage…. BOUM. Ni vu, ni connu.
5) Sortir et virer fou
Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’autres quartiers à Montréal (ou même au Canada) où il y a autant de bars variés au km2. Voici le bar du Plateau qui fitte avec ta personnalité:
– Le « col en V+veston+semi douche » avec du cash va au Edgar Hypertaverne ou au Rachel Rachel. Celui qui n’a pas encore sa carte Gold va à la Porte Rouge.
– Le snowboarder de la Rive-Sud va à l’Écurie.
– Le semi-neo-hipster va au Salon Officiel ou au Normand.
– Le vieux débris s’accote au Bistro de Paris ou au Broue Du Plateau.
– Celui qui veut prendre une bière de plus après un après-midi au parc Laurier va à la Brasserie Laurier.
– Si t’as le goût d’un Salon Officiel + 6 ans, tu vas au Saint-Sacrament.
– Le crotté va à la Rockette.
– Le punk descend à l’Esco.
– Le black-grouilllades va au Balatou.
– Le jeune post-hipsterisme pro-dubstep va au Belmont.
– L’anglais ben ben cool va au Blue Dog ou au Blizzarts.
– Le hippie mangeux de granola va à la Casa Del Popolo ou au Divan Orange.
– Le gars du Mile-End sort de son trou pour écouter un show à la Sala Rossa.
– François Massicotte va chez Serge pour checker les plombs des serveuses.
– La bière en finissant la job c’est au Plan B ou au Bily Kun.
– Le trippeux de musique du monde va aux Bobards.
– Le Français fatiguant va au Barouf.
– Le « gars ben normal du quartier » va au Baptiste, au Baraka ou au Boudoir.
– Le top douchebag Rive-Sud va à la Commission des Liqueurs.
– Pis y’a encore personne qui sait vraiment qui va au CandiBar.
6) François Gourd alias Willy Wonka
François Gourd est au Plateau-Mont-Royal ce que Biggie Smalls est à Brooklyn. À la fois emblème, coeur et âme. Un genre de Willy Wonka, et le Plateau est sa chocolaterie. François Gourd représente toute la folie et l’anticonformisme qui a fait en sorte que le Plateau est devenu un spot cool. Il a joint le parti Rhinocéros en 78, parti politique LOL, et fait les beaux jours des Entartistes. Il fait aussi partie des membres fondateurs des Foufounes Électriques et a créé sa propre collection de manteaux « les malades manteaux ». Perso, je me souviens surtout de lui comme encanteur aux Bobards lors des soirées « peinture en direct » auxquelles participait ma mère.
Aujourd’hui, je pense qu’il doit être un peu en criss de sentir le Plateau se matantiser. En 2013, je suis toujours content de le croiser et/ou prendre une bière avec son fils, Felix. Il a plus ou moins 20 ans et ignore que j’espère secrètement qu’il prendra la relève de son père d’ici peu.
7) Manger des affaires sur le Plateau
– La poutine
On ne peut parler de poutine sur le Plateau sans parler de La Banquise. La place est une véritable institution et existe depuis 1968 . Ils font 10 000 sortes différentes de poutine et sont ouvert 24h sur 24. À l’époque où Omnikrom et TTC avaient la cote, ils nous avaient même laissé y organiser un concert improvisé dans le restaurant. L’un des beaux moments de ma vie. Les haterz de La Banquise sont des gens malhonnêtes qui devraient brûler en enfer et manger des radis pour le restant de leur vie.
Par contre, ce n’est pas la Banquise qui remporte la palme d’or. La poutine Mont-Royal de chez Mont-Royal Hotdog est de loin ma poutine favorite. Recette simple et efficace: Saucisses + bacon + pepperoni + piments verts + oignons + champignons sur lit de poutine. Sérieusement, j’aime tellement cette poutine que j’ai commencé à me faire une version maison. En plus, le Mont-Royal Hotdog existe depuis toujours et a même réussi à faire fermer le Green Stop qui avait essayé de le tuer en ouvrant la porte à côté autour de 1995.
– Les sushis
Tout le monde parle tout le temps de Tri Sushi situé sur Laurier. Bon, le gars a fait des joke de graines royales à la télé et j’avoue qu’il fait de très bons sushis. Par contre, c’est fuckin cher. Perso, je me tourne généralement vers le Royal Sushi sur Mont-Royal, le restaurant de sushi le plus sous-estimé de toute la ville de Montréal niveau qualité-prix. Bon, le propriétaire-caissier a un poil sur un grain de beauté qu’il laisse pousser sur le bord de sa joue qui mesure environ 8 pouces et demi, mais ne vous laissez pas berner. Aujourd’hui, on est bien chum et quand je commande pour apporter, il me reconnaît.
– Les sandwichs
Le sandwich Churrasco de Chez José est dans mes sandwichs favoris à vie. Poulet, guacamole et concombre. J’en mange au moins 1 par semaine sans faute. Même chose pour le sandwich au poulet pané de la Charcuterie Hongroise sur St-Laurent. Je trouve que le Slovenia, en plus d’être plus bas sur St-Laurent ne les fait pas aussi bien. Sinon, quand j’essaie de manger un peu plus santé, je me prends un BLT chez Eaux Vivres, probablement le meilleur resto vegan à Montréal. Sans oublier le Pollo Palta de chez La Chilenita. Fou sandwich au poulet chilien que j’accompagne souvent d’un empanadas aux épinards.
– $$$
Pour ceux qui veulent bien manger et qui n’ont pas peur de dépenser, il y a toujours la Salle À Manger, le Filet ou le Chien Fumant (un peu moins bon que les deux autres). Baller’z gonna ball.
8) Parc des fontaines
Situé au coin Henri-Julien et Mont-Royal, le parc n’est pas tout de suite visible de la rue Mont-Royal. Il faut t’aventurer un peu au nord sur Henri-Julien. À l’adolescence, le parc des fontaines était notre halte routière. C’est là qu’on s’arrêtait pour fumer un joint en buvant quelques gorgées de Colt 45 avant de repartir déambuler dans la ville avec nos cannettes et marqueurs indélébiles.
Puisqu’on était des bums de bonnes familles, c’est lors de ces haltes que j’ai vécu mes premières questions existentielles. « À quoi ça rime tout ça? ». « Les étoiles, c’est fuckin loin, on est rien de plus qu’une fourmi ». Semi en retrait de Mont-Royal, le parc des fontaines nous a toujours permis d’assouvir nos vices, jaser des vraies affaires et pisser sur les fontaines sans se faire achaler par les forces de l’ordre.
9) Le bar/parc Laurier
Le parc Laurier est décidément le nouveau parc chouchou des résidents du Plateau. L’été dernier, les fêtes de tous mes amis s’y sont déroulées. C’est la place parfaite pour prendre une bière au soleil. Il y a des terrains de baseball (où je joue à toutes les semaines depuis 5 ans). Il y a une piscine publique pour se rafraîchir et depuis peu, des tables de ping pong et des machins d’excercice pour gens en forme. C’est un peu le parc qui a le plus de divertissement possible au m2. C’est un peu le nouveau bar à ciel ouvert du Plateau.
10) Vin triste
En 30 ans, le paysage urbain change beaucoup. Des commerces ferment et d’autres naissent. J’aimerais terminer en versant un peu de ma bière par terre pour qu’on se souvienne des grands disparus.
– Mon resto favori, le Harvey’s, qui est devenu un autre criss de Second Cup.
– Varimag (magasin de revues et club vidéo) devenu le haut lieu de pélerinage des banlieusards, le resto L’Avenue.
– Le Cinéma du Plateau est devenu le Mini-max ou l’Aubainerie et les 2-3 commerces environnant (ma mémoire me fait un peu défaut ici).
– Le Yellow est devenu un Aldo Liquidation. Pareil au même.
– Le Valentine, où j’ai amené Corrine Gélinas à la St-Valentin en 5e année, est devenu le resto Les Folies en mon honneur.
– Un magasin de meubles plus ou moins intéressant est devenu un Green Stop puis la nouvelle SAQ Express coin Mentana et Mont-Royal.
– Le club vidéo où je volais des pochettes de VHS est devenu une Lunetterie Newlook.
– Chez Magie Marcisse, mon magasin de farces et attrapes favori, sur Bienville entre Berri et Rivard, est devenu un appart plate.
– Le bar où j’amenais mes dates-lol, Chez GP coin Gilford et Resther, est devenu une genre d’épicerie fine un peu ratée.
Baz: hellomynameisbaz.com