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La Ville de la semaine : Petit-Rocher, Nouveau-Brunswick!

Festivals, mafia et goélands.

Par
Lucie Piqueur
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Le jour où je suis arrivée au village côtier de Petit-Rocher, c’était la Journée canadienne du multiculturalisme. Dans la salle multifonctionnelle, des familles d’un peu partout défilaient derrière le micro pour raconter pourquoi elles avaient choisi Petit-Rocher et la région Chaleur pour s’y installer. Un Monsieur togolais avec l’accent à moitié acadien: j’étais déjà conquise.

Mais c’est en passant quelques jours là-bas que j’ai vraiment compris ce qui pousse quelqu’un à parcourir la moitié de la planète pour aller s’ennuyer dans un village de 1900 habitants avec un nom qui évoque un minéral générique de taille modeste.

En 1797, trois jeunes Acadiens issus de la déportation sont venus s’installer un peu au nord de Bathurst.

Le Tim

Comme dans tout bon village canadien, c’est au Tim Hortons que les choses se passent. Après avoir dormi dans un motel qui sentait la clope, mais avec une belle vue sur la baie, j’ai apporté mon backpack boire une «torréfaction corsée» et squatter le wifi avec moi. Comme de fait, le Tim était plein de monde, et j’ai eu l’impression de débarquer au party de Noël de ma nouvelle belle-famille.

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La serveuse m’a demandé ce que je faisais dans la vie; la grande tablée dans le fond a arrêté sa conversation sur les maquereaux pour me saluer; et deux personnes sont successivement venues s’asseoir à côté de moi pour savoir ce qui m’amenait en ville. Ce sont donc ces derniers qui m’ont raconté tout ce qu’il y a à savoir sur Petit-Rocher…

Je n’ai pas goûté la poutine de la Cantine Chez Zézètte, mais on ne m’en a dit que du bien!
Je n’ai pas goûté la poutine de la Cantine Chez Zézètte, mais on ne m’en a dit que du bien!

Les fondateurs

En 1797, trois jeunes Acadiens issus de la déportation sont venus s’installer un peu au nord de Bathurst, établissant les bases du village. Ils sont toujours honorés aujourd’hui, sur le quai, à travers trois cabanes aux couleurs de l’Acadie. Attention: personne ne passe à Petit-Rocher sans prendre une photo devant les cabanes.

La légende veut que le «rocher» de Petit-Rocher fasse référence aux abdos de ses habitants.

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Chaque année depuis 50 ans, début juillet, plusieurs équipes de locaux beaucoup trop musclés traversent les 32 km de Baie-des-Chaleurs qui les séparent de Bonaventure en Gaspésie. C’est un marathon de rame qui dure environ 3h, accompagné d’un marathon de fête au village qui dure 3 jours. La plupart du temps, pendant le reste de l’année, on peut apercevoir une barque au loin dans la baie, avec une équipe en train de s’entraîner dedans. La légende veut que le «rocher» de Petit-Rocher fasse référence aux abdos de ses habitants.

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Dans 100 ans, on se souviendra encore de la fois où tout le village s’est rebellé contre une gang de motards. Les «Dalton», trippant probablement sur les beignes, les cabanes et les canots, avaient établi leurs quartiers à P’tit-Rocher dans les années 1970. Ils avaient décidé de faire leur loi et de tuer la vibe de tout le monde, allant jusqu’à tabasser un riverain. Une émeute éclata alors au village pour chasser les motards. On ne rigole pas avec Petit-Rocher. Ça se peut aussi que le «rocher» fasse référence à leurs testicules imbrisables.

La culture

À Petit-Rocher, en été, on se croirait presque à Montréal tant le ratio du nombre de festivals par habitant est élevé. Outre le Festival des rameurs et la fête des Acadiens, il y a aussi maintenant le Blues d’la Baie qui fait danser les goélands, avec une programmation pas piquée des vers. Selon Simon (du Tim), «il a suffi que quelqu’un plante la graine du dynamisme culturel pour que tout s’enchaîne».

Le plus important, c’est l’accueil, ici on sait recevoir.

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Il y a eu les deux Québécois qui ont fondé le bar à spectacles Coeur d’Artishow; et puis Marc et Mireille, qui ont réalisé un rêve d’enfance en achetant l’Auberge d’Anjou à leur retour de Colombie-Britannique, le carnet d’adresses plein à force d’organiser des shows de calibre international à Vancouver. Ce sont eux qui ont pris l’initiative du Blues d’la Baie. Pour Marc «le plus important, c’est l’accueil. Si des musiciens de partout dans le monde font escale dans un aussi petit village que Petit-Rocher, c’est parce qu’ici, on sait recevoir.»

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L’Hymne local

Le chanteur Denis Richard a décidé d’écrire son hit «Petit Rocher» pour un public très niché (environ 1900 auditeurs se sentent concernés). Sauf que c’est vraiment une toune catchy et qu’elle est tellement appréciée ici que ses paroles sont presque au programme de l’examen pour immigrer. D’ailleurs, elle finit comme ça et finalement, je me sens aussi concernée:

Aujourd’hui, j’écris tout ça
Et je suis loin de là-bas
Mais si j’y étais resté
J’en aurais même pas parlé
Et je s’rais, je s’rais
À m’ennuyer
Au pied d’une roche à P’tit-Rocher

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