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L’Île-Bizard, cette contrée au nom peu commun faisant à coup sûr surgir à l’esprit du quidam moyen, tel un automatisme “TVAesque”, l’image de notre honorable Pauline et de sa célèbre Closerie, rend particulièrement dubitatifs, limite hilares, les non-initiés sur lesquels le Bizardien risque à tout moment de tomber au hasard de sa route :
— T’habites où?
— À L’Île-Bizard.
— L’Île-Bizard? T’es sérieux? C’est ben bizarre ça! (rire gras et satisfait digne du plus fan des fans de Guy Mongrain)
Que voulez-vous, être Bizardien(ne), c’est être confronté au même sempiternel jeu de mots poche et prévisible. Mais je m’égare. Dans les faits, anciennement nommée île Bonaventure, L’Île-Bizard fut rebaptisée en l’honneur du (très feu) M. Jacques Bizard, propriétaire de la seigneurie que lui avait concédée le gouverneur Frontenac en 1678.
Grosso modo, ce fier bastion fleurdelisé, qui baigne aux limites de la place forte anglophone par excellence, c’est-à-dire le West Island, est rattaché à la faune montréalaise par un pont menant au légendaire et très connu arrondissement Sainte-Geneviève (de quessé?) et à Laval-sur-le-Lac, dont on peut rejoindre les berges au moyen du traversier Paule II.
Voici donc, pour vous, quelques incontournables de la place:
Le Parc-nature du Bois-de-l’Île-Bizard.
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Vous avez l’envie folle de croquer le portrait d’une sturnelle des prés ou d’un goglu? Le parc-nature est alors le lieu tout indiqué, un fabuleux point d’observation pour l’amateur d’ornithologie. Ses kilomètres de sentiers et passerelles à parcourir à pied, à vélo, en ski de fond ou en raquettes, se trouvent au cœur d’un paysage qu’on se surprend de pouvoir admirer aux frontières du 514. Avec plusieurs points d’accès sur l’île et stationnements (payants) disponibles, c’est le paradis pour toi qui tripes nature et plein air ou pour toi qui es affamé d’un moment de paix en pleine nature pour faire ce que tu voudras bien faire.
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est une suite de greens de golf.
Avec ses trois terrains de golf couvrant plusieurs acres, du verdoyant coupé au brin près, en voulez-vous, en v’là! On peut quand même se vanter d’avoir l’un des plus anciens clubs de golf d’Amérique du Nord, soit le Royal Montréal, inauguré en 1873 (mais déménagé sur l’île seulement en 1959), qui accueille plusieurs tournois de prestige. Avec autant d’espace où aller dégourdir son gros putter, pas étonnant que l’île soit devenue le repère de plusieurs hockeyeurs professionnels.
De la cabane de luxe au palace mobile.
L’Île-Bizard, ancien Club Med des Montréalais du temps (bon, pas tant… c’était plutôt une paroisse campagnarde avec champs et labours aux portes de la ville), s’est peu à peu transformée en ville (statut qu’elle obtiendra en 1995). Elle finira par devenir un arrondissement montréalais lors sa fusion en 2002.
La majeure partie de son panorama étant typiquement banlieusard, on constate cependant deux mondes aux antipodes l’un de l’autre : de grands domaines où trônent de véritables palaces sont érigés à presque deux enjambées d’anciens chalets et d’un parc de maisons mobiles aux prises avec des problèmes d’eau potable. Il y a évidemment des pâtés de maisons aux dimensions raisonnables, mais il reste que de voir une réplique du décor d’Autant en emporte le vent non loin du cousin fauché du camping Sainte-Madeleine, c’est moyennement bucolique.
Pour trouver à se sustenter.
À l’île, on retrouve bien sûr différents établissements qui pourront apaiser votre faim et étancher votre soif. Pour les fines bouches, il y a les chics restaurants des clubs de golf, mais aussi le Bistro 1843. Tenus par un charmant couple ayant établi ses quartiers à même le manoir centenaire du chemin Cherrier, ceux-ci mettent tout en œuvre pour offrir à leur clientèle un menu digne de Babette dans une ambiance distinguée et feutrée (c’est un apportez votre vin en plus, yé).
Avec une salle à manger qui compte seulement 30 places et une renommée déjà établie auprès des gourmets, il faut réserver à l’avance pour obtenir son laissez-passer au festin. Dans un tout autre registre, comme il se doit dans chaque patelin, il y a les incontournables sympathiques petits bars : Le Gagnant, aux allures de truckstop diner le jour et de taverne des habitués du coin le soir, et le Café L’Isola, qui lui offre des pas pires sandwichs et quelques soirées endiablées.
Le Campanile.
Voici la légende de la place. Ce lieu a d’ailleurs inspiré une chanson et un vidéoclip à eXterio, groupe de rock alternatif dont les membres fondateurs sont originaires de l’île. Pour vous donner une idée, le Campanile est un grand bâtiment blanc au toit rouge, à l’image d’un camp de vacances glauque où Jason Voorhees aurait pu très bien s’épivarder dans son jeune temps. Le Campanile était jadis, paraît-il, un centre culturel.
Fermées pour je ne sais quelle raison dans les années 80, les installations ont été laissées à l’abandon, faisant ainsi fonctionner à plein régime l’imagination des adolescents en manque de petits frissons sur leur épine dorsale. Nombreux sont donc ceux et celles qui ont osé s’y aventurer un vendredi soir, après une ride de bicycle au dépanneur du coin, un casse-gueule au creux de la bajoue, le courage au fond de la poche du K-Way, relatant par la suite l’épopée un peu trop poussée de leur investigation nocturne. Depuis quelques années, le lieu est complètement interdit d’accès et détenu par un propriétaire qui, lui, ne semble pas avoir l’imagination très fertile côté projets pour faire revivre l’endroit.
Ça aura toujours bien le mérite de garder le mystère entier.
La descente.
La vaste descente de bateaux de l’île, mi-forêt, mi-terrain en friche, se trouve sur les terres expropriées par le gouvernement en vue d’un éventuel prolongement de l’autoroute 440 Ouest. Vous savez, ce genre de projet gouvernemental espéré depuis au moins une trentaine d’années par les gens du coin assoiffés d’accès autoroutier, mais qui, disons-le, menacerait sérieusement la quiétude des citoyens et l’équilibre fragile de l’écoterritoire. Consolons-nous, car aucune parcelle de bitume n’a encore vu le jour. Pour en revenir à cette descente, comme son nom l’indique, elle met à la disposition des amateurs de loisirs nautiques des installations pour mettre leurs joujoux à l’eau. Les quais servent aussi aux promeneurs, aux pêcheurs ou aux amoureux de marie-jeanne.
Les rejetons de Satan, c’est-à-dire, les insectes monstrueux.
Que serait L’Île-Bizard sans ses créatures issues d’un autre monde? Non, je recommence. Que serait L’Île-Bizard sans ses calvaires de gros insectes qui, selon moi, sortent tout droit de l’utérus de Belzébuth? À tous les paranoïaques de la bébitte dont je fais partie corps et âme, ceci s’adresse à vous. À l’île, vous risquez très certainement de perdre votre sang-froid et de basculer dans l’horreur suprême :
- quand vous serez confronté à la bibadom shamallow des limaces (avoir ici l’image mentale d’une grosse affaire brune d’à peu près 30 cm de long par 10 cm d’épaisseur). Vous qui, d’abord, dans la pénombre d’une chaude soirée d’août, la méprendrez pour le résultat de la tuyauterie interne d’un gros animal ou d’un quelconque malpropre, changerez rapidement d’idée lorsque, terrorisé, vous verrez le “ce n’est finalement pas un étron” s’animer subitement et glisser juteusement vers vous. Croyez-moi, cet épisode vous marquera à jamais.
- quand vous croiserez le regard d’une araignée aussi grosse qu’un hamster qui aura décidé de faire irruption dans votre moment d’allégresse, au sein d’une embarcation dérivant doucement vers le large. Vous devrez alors trouver le courage d’éconduire l’indésirable à grands battements de rame. Mais peu importe les moyens que vous déploierez pour faire fuir la furie, vous crierez telle une pucelle devant un appendice monstrueux et finirez probablement par capituler et quitter le rafiot.
Cela dit, je suspecte fortement qu’un long souterrain relie l’île à la jungle malaisienne, permettant ainsi à ces abominations de se faufiler jusqu’à nous. Mais bon, vivre sur une île, ça implique normalement beaucoup d’eau, de marais et de marécages, berceaux par excellence d’insectes de tous acabits.
Le dépanneur Magie.
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Un dépanneur au dénominatif dont on ne sait d’où il sort, mais qui, lorsque vous pousserez la porte, vous transportera pas tant magiquement que cela dans un lieu où plancher nivelé et propreté exemplaire n’existent que partiellement. Vous pourrez y faire l’achat d’un sac de Doritos ou choisir l’un des nombreux éléphants en fausse porcelaine proposés derrière le comptoir-caisse, ceux-ci apportant supposément la bonne fortune.
La Saint-Jean-Baptiste.
Parce que principal bastion bleu au milieu d’arrondissements rouges, fêter la Saint-Jean-Baptiste à L’Île-Bizard, c’est comme célébrer Noël au beau milieu d’une assemblée de Témoins de Jéhovah. Ont lieu en ce jour chéri par les locaux de nombreuses festivités; les Bizardiens plongent à grand goulot dans leur fête nationale. Ne tentez pas un “Excuse me, can I ask you a question?” pendant celle-ci, car vous risquez fort bien de vous faire reconduire aux portes de la bourgade par une horde d’adolescents alcoolisés, subitement porte-étendards de la nation.
C’était donc en 9 points, et pas 10, une modeste esquisse de cette belle île. Ces 9 points bien cités viendront ainsi conforter l’adepte de calembours douteux dans son idée que ce qui provient de L’Île-Bizard est si bizarre.