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Je viens des Éboulements. En fait, pas vraiment. Plutôt de Saint-Joseph-de-la-Rive. Mais bon, c’est tout comme. Les Éboulements a longtemps été scindé en 2 : ceux d’en haut et ceux d’en bas.
Au détour des hasards de l’histoire, les Éboulements-d’en-bas est devenue Saint-Joseph-de-la-Rive, amputant Les Éboulements-d’en-haut de sa riveraine moitié.
Les fusions ont fait disparaître Saint-Joseph-de-la Rive de la liste des municipalités québécoises, mais encore aujourd’hui, St-Jo n’est pas tout à fait les Éboulements et les Riverains ne sont jamais totalement devenus Éboulois. Pour la simplicité, on repassera.
Quand la gentille responsable de l’urbanisme de ce village bicéphale où je vis depuis l’enfance (non sans quelques détours) m’a appelée pour me dire qu’Urbania cherchait quelqu’un pour écrire un topo « Ville de la semaine » sur les Éboulements, je me suis dit : ah ben, cibole! Les Z’Ébouls, une ville! On aura tout vu!
1329 habitants, une couple de centaines de vaches, presque autant de cochons, des agneaux (et pas n’importe lesquels), des alpagas à la tronche absurde, un lama, quelques chèvres, des poules, des orignaux, des chevreuils, des ours et ben de la sauvagine… : chers concitoyens à cheveux, à plumes, à laine et à poil, nous voici devenus urbains! Merci Urbania!
1. Une genèse en forme de catastrophe
Comme son nom l’indique, le village des Éboulements n’est pas solide solide. Point d’impact du météorite qui a façonné le relief de Charlevoix il y 350 millions d’années, Les Éboulements a plus d’une catastrophe à son actif, dont le tremblement de terre de 1663 qui a définitivement bouleversé le décor en créant la pointe de Saint-Joseph-de-la-Rive. Des éboulis, des incendies, de tragiques accidents d’autobus, des marées affamées… Prendre racine en plein milieu d’un cratère : tout un karma! Pourtant, les Éboulements agissent comme un aimant. On y revient toujours. Que voulez-vous. « Y’a rien qu’icitte qu’on est ben! », dixit Desjardins.
2. Les Moutons
C’est le gentilé populaire des Éboulois. Pourquoi les moutons? Vers la fin du 19e siècle, le village était un important producteur de ces animaux dont on utilise surtout la laine, mais dont la viande est fort prisée de la communauté juive montréalaise. Ici, on ne mange guère cette viande qui « goûte la laine »… Pourtant, depuis quelques décennies, la gastronomie a ramené dans les bonnes grâces des gourmands le fameux mouton. Qui plus est, l’agneau de Charlevoix est la première indication géographique protégée en Amérique du Nord, fruit du labeur incessant et passionné des agriculteurs Lucie Cadieux et Vital Gagnon de la Ferme Éboulmontaise… Leur fille Gabrielle tient d’ailleurs le mignon petit resto-boutique La Table, où l’agneau est apprêté dans toutes ses déclinaisons! Il faut goûter aux fameuses merguez de la maison…
3. Un village fou de hockey
Le hockey, cosom et sur glace, est LE sport national local. Envie de voir de l’action un mercredi soir cet été? La ligue Budweiser de hockey cosom vous en met plein la vue. Le topo : une gang de gars (et quelques rares filles) qui courent après une petite balle dans le décor idyllique d’une patinoire avec vue, au pied d’une imposante église. Un dj qui sonne l’alarme à chaque but, du feu dans les yeux, des supporters en liesse : la Coupe Stanley, c’est de la petite bière à côté de ça!
4. Dépanneur Robin Tremblay
Robin, c’est l’ami de tous… Des enfants qui aiment les nananes multicolores, des parents qui n’ont plus de lait pour faire passer les dits bonbons, de tous ceux qui sont en pénurie subite d’œufs, de jus, de litière à chat, de papier Q ou à rouler, de gaz, de terre à jardin, de canes de thon, de biscuits, de patates, de propane, de pain, de bière… Robin, c’est l’ami de la famille. Quand on a soif, on ne va pas chez Robin, mais chez Robine (je ne suis même pas sûre qu’il le sait)! Jamais comptoir SAQ n’a reçu autant d’amour, c’est certain! Chez Robin, c’est un peu comme chez soi, en mieux! Il ne manque jamais de rien et les sourires sont gratis!
5. La nature
Oui, oui, je sais, un portrait de Ville de la semaine chez Urbania se doit d’être irrévérencieux, un peu baveux, de laisser de côté les lieux communs, mais zut! Parler des Éboulements sans parler de la beauté, c’est comme manger une poutine sans fromage, sans sauce et sans frites. Vain. Il y a l’Île qui fait trempette dans le fleuve à nos pieds, les montagnes qui rivalisent d’audace dans leurs courbes aguicheuses, les prés qui étalent leurs carreaux irréguliers, ocre, vert paille, chocolat, la lumière qui s’amuse, le vent qui gigue… Les Ébouls, c’est beau. Un point, c’est tout.
6. Un curé qui rock!
Jean Moisan, c’est le curé de Saint-Jo. Un drôle de moineau qui a fêté cette année ses 60 ans de prêtrise. Il a fait son nid ici il y a 45 ans maintenant. Durant des années, ce curé passionné de musique a officié des messes heavy metal à la polyvalente du coin, histoire de donner le goût de la foi aux ados récalcitrants. « Je me suis dit : si ça prend de la musique heavy metal pour prier, soit! On préparait ça avec les jeunes, tout le monde venait! Ça a marqué une génération », rigole le curé hors normes. Encore aujourd’hui, il est sans doute l’homme d’église qui a le meilleur système de son de tout le clergé! Sa « toune » préférée? Nothing Else Matters de Metallica. « Ce sont de vrais musiciens», dit-il, la version symphonique de ce grand classique dans le « prélart ».
On lui doit aussi le livre La chouenne de Charlevoix, répertoire fascinant des expressions de notre terroir. Envie d’une messe différente? Le curé Moisan vous attend dans une ambiance pas guindée pour deux sous, tous les soirs à 7h30, sauf le jeudi, son jour de congé, et le dimanche (la messe a lieu le matin), parce que c’est l’heure à laquelle il anime son émission de radio sur les ondes de CIHO fm… « On dit que mes messes sont joyeuses! » Avec un curé si peu banal, on ne s’en étonnera pas.
7. 55 ans de carnaval
Le lieu de tous les possibles et de moult premières. Premier slow, première brosse, premier french, dans l’ordre ou le désordre. Ça vient de loin pour danser le continental dans la salle paroissiale décorée comme pour une noce pendant que l’ « orchesssss » se donne à fond la caisse! En hiver, quand tout le monde en a marre du frette des « Éboulevents », le carnaval, avec ses duchesses sapées comme des princesses et ses soirées dansantes, est aussi curatif qu’un voyage dans le sud! Une expérience culturelle qui vous marquera!
8. La plage des tout-nus
Il existe aux Éboulements un fantastique petit endroit où se balader nu fesses ne choque personne. Jeunes et moins jeunes s’y dorent la couenne en costume d’Eve ou d’Adam, c’est selon. Prenez garde! L’herbe à puce règne en reine dans les talus qui bordent la plage. On vous laisse imaginer le pire et rire un peu de la misère de ceux qui s’y sont frottés…
9. Le faiseur de moppe
Oui, ce noble métier existe et il a encore ses exécutants. Aux Éboulements, la réputation du faiseur de moppes n’est plus à faire. On vient de loin pour se procurer les joyaux à la tignasse immaculée de Sylvain Tremblay, fabriqués selon la plus pure tradition. Qu’on se la dise, une bonne moppe, ça torche.
10. Grosses quilles et petite frette
Véritable institution, le Salon de Quilles C.G.D. (pour Claudette Gauthier Deschênes) vaut à lui seul le détour aux Éboulements. Enfilez les godillots et demandez à Clément, l’époux de Claudette, les quilles disco : vous l’aurez dans la mémoire longtemps! Un roteux steamé avec ça?
Faites un petit détour dans le bar attenant, un repère pour siroter quelques « frettes » tranquilles. Ah! Et si vous avez une impression de déjà vu, c’est peut-être parce que Xavier Dolan y a filmé des scènes pour son film Laurence Anyways…
En vrac :
La piscine Beauséjour : la seule piscine publique à l’eau salée (pompée au fleuve!) de la région fermera vraisemblablement ses portes à la fin de l’été. Un détour s’impose. Vous aussi pourrez dire « j’y étais »…
La Boulangerie Laurentides : on vient de loin pour se procurer du pain à cette vénérable institution qui a fêté ses 100 ans. Ici, pas de pain de kamut aux graines de tournesol bio, mais un moelleux pain de fesses frais sorti du four qu’on tartine allègrement de beurre, des brioches décadentes, des tartes mémorables, comme celles de vos grands-mères.
Safari aux abeilles : oubliez le Kenya! Aux Éboulements aussi, on a notre safari! Jean-Philippe Déry, apiculteur de son métier, vous déguise de la tête aux pieds et vous invite à le suivre dans le monde fascinant de ses butineuses.
Chez Jean-Marie : envie de jaser avec des bonshommes qui en ont long à dire? C’est sur la galerie à Jean-Marie, drette en face de l’église, que ça se passe! La ligue du vieux poêle s’y réunit tous les jours.
La gourgane : le légume national. Pour une soupe aux gourganes authentique, un arrêt à l’Auberge de la Rive, chez la charmante Lyne, s’impose.
Le jardin de sculpture de la Cabane d’oiseaux : Jean-Michel Simard et son père Normand sont des créateurs purs, sculpteurs de l’extraordinaire, qui cueillent des roches comme d’autres cueillent des bleuets. Le jardin de sculptures est une expérience en soi…
Ah, que je l’aime, ma ville de la semaine-village de toujours!
NDLR: Urbania mettant LES ÉBOULEMENTS à l’honneur cette semaine, offre
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