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La ville de la semaine: Lauzon

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Marie-Mai a son rock, moi, j’ai mon Lauzon. Le lecteur type d’Urbania, avec sa jeunesse écoeurante et son nom de famille composé, ne reconnaîtra sans doute pas ce portrait antique de mon patelin, mais c’est comme ça. Voici mon Lauzon.

1. Lauzon, c’est pas Lévis. O.K.?
La fusion municipale, c’est ben beau pour économiser sur les pancartes vertes le long de la 20, mais ça ne donne pas le droit de tout mélanger et d’annexer à Lévis 200 ans d’histoire, un cégep, un site national historique, une meurtrière célèbre et une brasserie mythique qui ne lui appartiennent pas. Lauzon, c’est pas Lévis, c’est Lauzon. Bon, c’est peut-être pas sans raison qu’il y a souvent confusion : aucune frontière géographique claire comme, par exemple, 10 km de champ de patate, une rivière ou une raffinerie de pétrole, n’a jamais séparé clairement les deux entités. Ça n’a jamais empêché les Lauzonnais de se sentir Lauzonnais, d’être fier de l’être et d’ha-gu-ïr les maudits Lévisiens, notamment parce que, pour expliquer d’où ils viennent, les Lauzonnais devaient toujours expliquer que Lauzon, c’est juste à côté de Lévis. Oui, oui, juste en face de Quibèèèèc!

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2. Lauzon, c’est vieux
Non, non, je ne parle pas juste de la population pendant l’été, quand le cégep est fermé. Avant d’être une ancienne municipalité fusionnée, un village, une municipalité de paroisse pis le diable-à-sa-patte, c’était une seigneurie. Lauzon, c’est le nom du bonhomme à qui le roi de France donna un grand terrain pour qu’il puisse se partir une business d’écotourisme, genre « survivor camp ». Peu désireux de se les geler en regardant ses dents tomber, il aurait donné le projet en sous-traitance à Guillaume Couture, valeureux colon qui aurait vite remplacé son shack avec toilettes extérieures par un village digne de ce nom, parsemé ici et là de magnifiques constructions, église, couvent, collège, chapelles, qui forment aujourd’hui un patrimoine bâti dont les Lauzonnais peuvent être fiers. Car la Seigneurie de Lauzon, fondée en 1636, fait de cette charmante localité l’une des plus anciennes du pays, presque aussi ancienne… que Quibèèèèc!

3. La Corriveau
On n’y pense pas souvent, mais c’est sans doute la raison pour laquelle à Lauzon, c’est don’ tranquille. Car c’est à Lauzon – pas à Lévis –, à l’angle du boulevard de l’Entente et de la rue Saint-Joseph (la « main » du Vieux-Lauzon), où trône maintenant une maison en forme de pointe de tarte dont on aurait mangé le bout de la pointe, qu’a été suspendu pendant plusieurs semaines le cadavre de la pauvre femme, pour faire exemple. Les gens ont compris vite… et longtemps. Point de taux d’homicide élevé dans cette petite communauté où on soupe à 17 h et on se couche à 21 h. Bon, c’est vrai, excepté ceux qui fréquentent le Baraka ou la Boulathèque, et les soirs où on sort… à Quibèèèèc!

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4. La bus
Un moment donné, à Lauzon (bon, o.k., à Lévis aussi), est arrivé un service de transport en commun. C’était quand même effronté de détourner ainsi ce qualificatif pour décrire un service public qui ne rendait pas service à grand monde. Car après avoir dû marcher, pour se rendre à l’arrêt de bus, près de la moitié de la distance entre chez soi et sa destination finale, il fallait attendre longtemps, à moins d’être vraiment chanceux, pour pouvoir enfin embarquer dans sa bus. Ce qui en faisait bien davantage un transport pour le commun qu’un transport en commun, du genre à donner envie de s’acheter un char ou de déménager dans une ville où la bus passe plus fréquemment… comme à Quibèèèèc!

5. Chantier maritime Davie
L’une des plus grandes cales sèches au Canada, la Davie a certes déçu autant de gens qu’elle en a nourris au fil de ses déboires financiers, mais elle fait indéniablement partie de l’ADN des habitants de Lauzon : pas un qui ne connaisse un père, un oncle, un grand-cousin ayant travaillé à la Davie, s’étant blessé sur le chantier de la Davie ou s’étant fait crisser dehors de la Davie. Le boom économique provoqué par l’installation de cette grande entreprise à Lauzon explique sans doute en partie le labyrinthe de rues minuscules qui, perpendiculaires à la rue Saint-Joseph, accueillent un nombre impressionnant de petites maisons qui s’étendent vers la falaise, face au fleuve. Comme le chantier, elles ont connu des jours meilleurs, mais ajoutent encore au charme du Vieux-Lauzon. Un p’tit coup de pinceau, une bonne job de maçonnerie, des trottoirs, des calèches et des bus de touristes : il suffirait d’un rien pour s’y sentir comme à Quibèèèèc!

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6. Éducation supérieure
Permettre les échanges culturels et génétiques entre les jeunes citadins de la rive-sud et la jeunesse rurale des Chaudières-Appalaches, voilà l’un des nombreux bienfaits apportés par l’ouverture – à Lauzon, pas à Lévis – du cégep Lévis-Lauzon. En prime : une belle piscine intérieure tout équipée, qui a permis à des enfants comme moi d’apprendre à nager sans devoir aller à Lévis. On néglige beaucoup, dans le débat actuel sur l’accès à l’université, l’influence que peut avoir la proximité d’un cégep sur l’avenir professionnel des jeunes en région. Je me revois à 11 ans, entrant dans ce temple du savoir pour ma première leçon de natation, contournant ces étudiants aux cheveux longs qui méditaient, pupilles dilatées et air béat, et me disant « Moi aussi, j’irai au cégep! ». Et ce qui est chouette, avec le cégep, c’est qu’après, tu peux aller à l’université… à Quibèèèèc!

7. Harlaka
Tantôt village, souvent banlieue, parfois urbaine – version boulevard Taschereau -, Lauzon abrite encore quelques vestiges de son passé agricole dans ce que ma mère appelait Harlaka. Débutant vaguement à hauteur du chemin des Forts (ou désignant tout ce qui se trouve plus au sud) et se terminant à la limite nord de Pintendre, Harlaka est une plaine fertile coupée en son centre, d’est en ouest, par l’autoroute 20. Des granges exsangues y rivalisent tant bien que mal avec une épidémie de constructions cossues de style néo mortuaire. Les temps changent, c’est certain, et il faut bien se loger; sis à deux pas de l’autoroute, le dernier territoire encore vierge de tapons d’unifamiliales est en voie de devenir le refuge douillet et abordable de ceux et celles qui travaillent dans la Capitale nationale et qui n’ont pas les moyens d’acheter une maison… à Quibèèèèc!

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8. Les galeries du Vieux-Fort
On trouve de tout au Jean-Coutu? Eh bien, aux galeries du Vieux-Fort itou. Situé à 5 minutes du cégep (20 minutes si vous êtes soûl), ce centre d’achats bien garni offre, entre autres services essentiels, un supermarché, une pharmacie, une librairie, une bijouterie, du linge de madame, un salon de coiffure et le comble : une succursale de la SAQ, ouverte il y a quelques années après que les dirigeants de la société d’État aient enfin compris qu’il y a belle lurette que les étudiants du cégep ne se contentent plus de Molson Ex. Bien qu’ayant changé de local et d’administration, on y trouve encore le dépanneur où j’ai acheté des jujubes toute seule et, peu après, mes premières cigarettes (10 cents l’unité). Si vous êtes écolo et désirez consommer local, vous pourrez vous y procurer toute la gamme des chips Lays, fabriquées à moins d’un kilomètre de là. Oui oui, à Lauzon, pas à Quibèèèèc!

9. La Mrg-Bourget, ou comment expier ses fautes en revenant à pied du Vieux-Lauzon
Lauzon s’est construite progressivement de la falaise surplombant directement le rivage du fleuve vers la plaine d’Harlaka. Entre les deux, ça monte en titi, surtout au petit matin, quand tu ne trouves pas de taxi. Pour admirer le relief lauzonnais, rien de tel qu’une descente de la route Mrg-Bourget, entre la 132 et la rue Saint-Joseph, en voiture, à pied… ou en ski! Le dénivelé est tellement important qu’un centre de ski alpin a été aménagé juste à côté, avec remonte-pente, chalet et tout’ le kit. Des pistes bien courtes, il va sans dire, mais quoi de mieux qu’une pente tout près de chez soi pour se pratiquer de temps en temps, et éviter d’avoir l’air fou quand t’as enfin les moyens de t’acheter un char pour aller skier… à Quibèèèèc!

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10. La marre à pompon
Jouxtant l’entrée du Fort-No-1, entouré de bungalows discrets, sommeille un petit étang bordé d’un bel espace vert, espace qu’on prendrait vaguement pour un lopin oublié par les promoteurs immobiliers si ce n’était de l’authentique avion de combat qui y trône en permanence depuis la nuit des temps, nez pointé vers le ciel, pour une raison qui m’a toujours échappé. Que peut bien faire un artéfact guerrier si agressif dans une ville où chacun aspire à une vie tranquille, où il ne se passe jamais rien? Parait que ce terrain aurait accueilli pendant des années un camp militaire, et qu’il ne suffisait pas aux Lauzonnais d’avoir hébergé la dépouille en putréfaction de la Corriveau : tous les jours, en se rendant à l’école primaire par la route Mrg-Bourget, leur progéniture se verrait rappeler la nature belliqueuse de l’Homme et l’omniprésence du Mal sur Terre. Et ça s’appelle le parc de la Paix. Un avion comme ça, ils en ont même pas, à Québec.

Lauzon en images