.jpg)
Pour me dérober à mon héritage lavallois, je réponds « Fabreville Pour me dérober à mon héritage lavallois, je réponds « Fabreville » à ceux qui me demandent où j’ai grandi. Mais, malheureusement pour mes tactiques de dissimulation, c’est un grand quartier plus connu qu’il en a l’air.
1. La genèse du nom
Personne ne parle des origines du nom de son quartier à Fabreville. Indice d’un penchant collectif pour l’amnésie, ou simplement, symptôme d’une histoire peu intéressante? Je n’en suis pas encore certain. Ce que ça veut dire, par contre, c’est qu’il faut trouver l’information tout seul si jamais, un jour, la question nous intéresse. Édouard-Charles Fabre (1827-1896) est à l’origine du nom officialisé le 12 mai 1968. Et effectivement, sa vie est assez plate.
2. La dérive linguistique
Fabreville n’est que rarement utilisé pour nommer le quartier. Durant les années 1990, les adolescents de la région ont réussi un tour de force langagier en popularisant rapidement un nom nouveau et audacieux : FaberTown. Symbole d’une internationalisation qui tarde toujours, FaberTown s’exporte beaucoup plus facilement, bien que Tourisme Laval refuse toujours de l’utiliser officiellement.
3. Le triptyque Bar Country l’Étalon, le Sexpert et le bar Chez Yvon
Zone grise des plus bizarres, à Fabreville, tout le monde connaît ce que j’appelle le « triptyque louche » : là où l’on sort soudainement un fusil 9 millimètres, sans raison, et où Hugo Meunier de La Presse est allé constater la prostitution à laquelle s’adonnent certaines danseuses nues. Des trois, c’est Chez Yvon où il est le plus sympathique (et sécuritaire) de prendre un verre. Mais encore, on ne sait jamais quand quelqu’un pourrait sortir une grenade.
4. Le mini-putt : un style de vie
Fabreville est le berceau d’un sport qu’on fait entre deux crèmes molles ou quand on est un adolescent en date. Et peu d’endroits (même Myrtle Beach) peuvent se vanter d’avoir mis au monde une vedette du mini-putt, et j’ai nommé : Carl Carmoni. Oui! Celui qui a fait crier « Ça s’pourrait, ça s’pourrait… Biiiirrdiiiie! » et qui a remporté un coup à 1100$ est originaire de ce quartier. La scène est beaucoup moins active depuis la perte de vitesse de sa carrière, mais l’espoir de voir se démarquer un jeune prodige de sa trempe ne sera jamais vraiment mort. On croit tellement au mini-putt, qu’à la fermeture d’un terrain sur le boulevard Dagenais, les gens continuaient de jouer sur les verts abandonnés.
5. De grandes vedettes
Carl Carmoni n’est pas la seule vedette que compte Fabreville. Patrick Lagacé, Philippe Bond et Bruno Blanchet sont tous originaires de ce grand quartier. C’est pas mal tout, je pense. Je propose à toutes les autres vedettes qui cachent leur enfance passée à Fabreville de se manifester et de créer une page Facebook ensemble. Vous devez parler. Les enfants du quartier doivent savoir qu’ils ont de l’espoir.
6. La Rivière-des-Milles-Îles
Un kayak de mer, c’est laid, mais on peut en faire à Fabreville. La Rivière-des-Milles-îles est le meilleur moyen d’oublier l’autoroute 13 et de se faire rappeler par une rivière qu’on n’est pas propriétaire d’un chalet. Et en matière de cours d’eau, certains boisés mitoyens de la rive sont accessibles à Fabreville, permettant au jeune adolescent que j’étais de ne rien prendre à la pêche, mais de goûter à ses premières bières.
7. La plus troublante des révélations
ATTENTION – Moment de véritable émotion. Le 13 septembre 2006, j’apprenais qu’un ami et plusieurs personnes que je connais avaient dû se cacher sous une table de cafétéria et se barricader dans des salles de classe pour échapper au tireur du Collège Dawson. Et quelques heures plus tard, j’apprenais que Kimveer Gill, l’auteur de la fusillade, habitait Fabreville, à trois rues de chez moi.
8. Manger des roteux
Fabreville arbore les couleurs d’un des trois seuls restaurants Chez Gérard Patate. Petit bastion qui résiste à l’envahisseur (au MacDonald’s qui est en face), le commerce des plus familiaux vend une des meilleures poutines du Québec et offre une ambiance qui rappelle 1992. Lieu de la découverte gastronomique du hot-dog, l’établissement devient aussi, avec le temps, le repère de ceux qui finissent leur brosse avec une bonne sauce brune.
9. La Poly
L’école secondaire Poly-Jeunesse de la commission scolaire de Laval est, somme toute, le lieu de toutes les rencontres et de tous les souvenirs. Je n’y suis pas allé, mais tout le monde en parle, tout le temps. Et selon ce qu’on m’en dit, qu’on y mette des bombes puantes dans les toilettes une fois par mois ne fait que cristalliser un peu mieux les souvenirs qu’on en garde.
10. Lieu d’édifiants apprentissages
À Fabreville, on apprend, dans un champ d’Hydro, à faire du quatre roues l’été et de la motoneige l’hiver; à s’infiltrer derrière une usine à chips et à saliver devant l’amas infini de patates; à jouer au mini-putt; à différencier facilement les autoroutes 13, 15 et 440; à boire de la bière dans la forêt proche de la Rivière-des-Milles-Îles; et l’engagement politique.
Et en passant, aux gens qui habitent Saint-Eustache et qui sont fiers de faire du drift: votre activité, c’est le Fury Speedway de Fabreville qui en est l’ancêtre. Respect.