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Beloeillois pendant les 24 premières années de ma vie, je profite de cette tribune offerte par Urbania pour écrire quelques lignes sur cette ville de Montérégie qui, depuis quelques années, attire de plus en plus de nouveaux habitants.
1. Urbanisme
Inconnue de plusieurs Montréalais, la ville de Beloeil est trop éloignée de la métropole pour être considérée comme une banlieue de la première couronne. Or, elle est également trop près de Montréal (35 km) pour la qualifier de ville de région. Fondée sur les rives pittoresques de la rivière Richelieu, elle a également droit à ses bouchons de circulation matinaux, notamment sur l’autoroute 20. Banlieue dortoir pour certains, elle a également ses résidents qui ne visitent Montréal qu’une ou deux fois par année. Cet urbanisme hybride « banlieue – région » marque une différence notoire par rapport aux banlieues de la première couronne, comme Brossard ou Longueuil.
2. Résidents notoires
On pourrait parfois méprendre Beloeil pour Beverly Hills. Non seulement s’y déroule l’action dans « Maman est chez le coiffeur » ainsi que des scènes de « Dérapages », mais certaines célébrités y ont résidé à un moment ou un autre de leur vie. Cette liste comprend le Capitaine Bonhomme (alias Michel Noël), Marcel Sabourin, Gilles Duceppe, Serge Dupire, Gump Worsley (4 fois gagnant de la Coupe Stanley et recrue de l’année en 1953) et André St-Laurent (auteur de 129 buts dans la LNH et qui donna son nom à l’aréna de la ville). C’est d’ailleurs dans cet amphithéâtre que je marquai mon premier but dans les rangs mineurs. Cette rubrique serait incomplète sans mentionner des Beloeillois ayant déjà flirté avec les sommets du billboard québécois : Julie Masse avec « C’est zéro », Vincent Peake, du groupe Groovy Aardvark, avec « Dérangeant », Lara Fabian avec l’album « Carpe Diem » et bien sûr KC L.M.N.O.P. avec « Ta yeul vis ta vie pis reste en vie ».
3. Rivalité
Si la Californie a sa rivalité entre San Francisco et Los Angeles et l’Australie entre Sydney et Melbourne, la Vallée-du-Richelieu a également la sienne avec Beloeil et Mont-Saint-Hilaire. Bien que les historiens ne soient pas unanimes sur la question, le nom même de Beloeil viendrait du fait que l’endroit était « bel à l’œil » du mont Saint-Hilaire, situé sur l’autre rive de la rivière Richelieu. Beloeil la populaire, Mont-Saint-Hilaire la snob et coquette… J’ai grandi à une époque où tels étaient les préjugés qui meublaient cette (saine) rivalité. Si Beloeil est plus populeuse, plus près de Montréal et plus « banlieue » avec son centre commercial et son golf en plein centre-ville, Mont-Saint-Hilaire offre un cachet différent avec ses pommes à l’automne, son Manoir Rouville-Campbell, son Centre de la Nature et son quartier cossu à flanc de montagne. Au début des années 2000, quand le Québec connût de nombreuses fusions municipales, je me souviens avoir entendu parler d’une éventuelle fusion entre les deux villes. Il semble que la volonté populaire n’ait pas été au rendez-vous…
4. L’arbre
Toute ville au Québec a ses endroits de prédilection où jeunes, graffiteurs et moins jeunes se réunissent pour fêter le soir venu (parc, etc.). À Beloeil, l’un de ceux-ci était connu sous le nom de « l’arbre », soit en fait le terrain situé tout juste en face de l’église St-Mathieu dans le Vieux-Beloeil, avec vue sur le mont St-Hilaire. Situé sur le bord du Richelieu, on y retrouvait un arbre sur lequel les gens n’hésitaient malheureusement pas à disposer de leurs restants de fête. Ainsi, des capsules de bière soigneusement accrochées aux branches de l’arbre lui donnaient parfois des airs de peuplier en raison du poids… Au fil des ans, le Vieux-Beloeil s’est développé davantage et j’ai cru noter que les gens avaient maintenant opté pour des débits de boisson plus traditionnels…
5. Le Masters
Bien que techniquement localisé dans la municipalité voisine de McMasterville, le bar Masters a connu ses heures de gloire vers le milieu des années 90. Musique dance, Boomerang, Tornade et Tommy Hilfiger pour les plus jeunes, billard, Labatt 50 et coupes Longueuil d’époque chez les plus vieux, ce débit de boisson réussissait étonnamment à attirer toutes les clientèles, pour le meilleur et pour le pire. Ressemblant à un mélange de Dooly’s et de Fuzzy, la Rive-Sud entière s’y donnait rendez-vous certains soirs, donnant parfois lieu à des bagarres disgracieuses entre clients éméchés dans le stationnement. Certains diront que ceci faisait quelque peu « 450 » ou douchebag comme format de divertissement, mais il faut savoir que ce code régional et cette expression n’existaient pas encore à cette époque… Au début des années 2000, le Masters organisait également les « Dimanches de l’humour », soirées animées par un dénommé Louis-José Houde. Je me souviens notamment y avoir vu Laurent Paquin et les Chik’n Swell, alors présentés comme la relève de l’humour, dans le cadre de ces soirées.
6. Le bonbon
Du début au milieu des années 90, le paquet de cigarettes se détaillait aux alentours de 6 $, une fortune à l’époque pour le fumeur de la Polybel (comme dans « Polyvalente Beloeil »). À deux pas de l’école, la Polyfrite, temple du hot dog et des jeux d’arcade, avait développé un ingénieux système pour vendre des cigarettes à l’unité, une pratique interdite. En allant au comptoir, l’étudiant fauché pouvait ainsi demander un « bonbon », soit le mot « secret » à utiliser pour commander une cigarette à l’unité à 0,25 $. Selon la légende, le stratagème fut découvert plus tard par les autorités, ce qui fit disparaître le bonbon des environs de la Polybel, du moins dans sa version nicotine. La Polyfrite connut hélas le même sort quelques années plus tard…
7. Ponts de Beloeil
Trois ponts traversent le Richelieu entre Beloeil et Mont-Saint-Hilaire : le pont Jordi-Bonet (route 116), le pont Arthur-Branchaud (autoroute 20) et le pont de Beloeil. Les deux premiers sont davantage connus des automobilistes, le pont de Beloeil étant en fait un pont ferroviaire, mieux connu sous son sobriquet local de « pont des trains ». En 1864, il y eut ce qui encore aujourd’hui constitue le plus gros accident ferroviaire au pays. À l’époque, une partie du pont s’ouvrait pour laisser passer les bateaux qui naviguaient entre Montréal et New York via le Richelieu, le lac Champlain et la rivière Hudson. Or, cette année-là, un train en direction de Montréal rata le signal d’arrêt pendant cette ouverture et effectua un plongeon en plein Richelieu. Une centaine de personnes périrent dans l’accident, principalement des immigrants d’origine allemande et polonaise. Dans ma jeunesse, il n’était pas rare d’entendre parler de gens qui empruntaient le « pont des trains » à pied ou en vélo pour éviter les deux autres ponts et ainsi profiter d’un « raccourci » vers Mont-Saint-Hilaire ou Otterburn Park.
8. Centre culturel
Arrêt habituel des artistes en tournée au Québec, le Centre culturel fut également mon fournisseur de choix pour les billets de spectacle. Il fut une époque où dénicher de bonnes places pour des concerts était un art véritable. Afin d’éviter revendeurs usuraires et annonces classées, camper à la belle étoile était souvent la seule option pour avoir accès aux premières rangées. De nos jours, cette pratique est quelque peu révolue avec la prédominance du web, les préventes exclusives et nombreux sites de revente. Trouver le comptoir Admission où l’on anticipait une courte file d’attente était critique afin d’avoir droit aux meilleures places, voire de simples places pour de grosses têtes d’affiche. Chibougamau et le sac de couchage étant exclus d’office, j’ai ainsi toujours misé sur le comptoir Admission du Centre culturel de Beloeil, même lorsque j’habitais Montréal. Que de bonheur ! Deux sur deux pour U2 au Centre Bell, en arrivant à peine 30 minutes d’avance. À deux autres reprises, j’ai eu droit à la toute première rangée du parterre au Centre Bell (The Tragically Hip, Bush) et une autre fois la deuxième (The Fugees). Le bon vieux temps…
9. Saint-Mathieu-de-Beloeil
Cette municipalité voisine de Beloeil est généralement connue pour son petit aéroport, situé tout juste à côté de l’autoroute 20. Certains écrasements d’avion y ont fait la manchette au cours des dernières années. À l’époque, je me souviens qu’on y offrait des « tours de Montréal » en avion, pour une durée totale d’environ 30 minutes. Les bouchons de circulation ayant nettement empiré sur l’autoroute depuis mon départ de la ville en 2001, c’est à se demander si cette offre ne devrait pas être réactualisée dans une formule « navette », matin et soir…
10. Politique
(Circonscriptions : Borduas au Québec, Chambly-Borduas au fédéral)
Depuis la première victoire du Parti québécois en 1976, Beloeil a toujours été considérée comme un château fort souverainiste, ce qui, sauf exception, réserve habituellement peu de surprises aux élections. Les politiciens les plus généralement connus de la région sont Jean-Pierre Charbonneau, Pierre Curzi et, plus récemment, Pierre Duchesne. Si le suspense est rarement au rendez-vous en campagne électorale, Beloeil a tout de même réussi à fournir quelques notes intéressantes sur la scène politique au fil des années. Lors de son élection dans Outremont en 2007, certains médias avaient indiqué – à tort – que Thomas Mulcair était ainsi devenu le premier candidat NPD à être élu au Québec. Or, c’est Philip Edmunston, journaliste né aux États-Unis, qui fut le premier élu du NPD au Québec, en remportant l’élection partielle dans Chambly en 1990. Après une 4e place aux élections municipales de Montréal en 2001, l’animateur de radio Luc « Super » Cauchon obtint 0,8 % des suffrages dans Borduas aux élections provinciales de 2007. Enfin, aux élections fédérales de 2011, l’humoriste Jean-François Mercier avait obtenu 11 % dans Chambly-Borduas, en promettant notamment un nouveau pont Mercier réservé aux véhicules utilitaires. Il s’est incliné devant Matthew Dubé, le candidat NPD alors âgé de 22 ans.
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