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La ville de la semaine: Baie-Comeau

Par
Julie St-Pierre
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Je suis née à Baie-Comeau, petite ville industrielle d’environ 25 000 habitants située sur la Côte-Nord, dans la région de Manicouagan.

Joliment positionnée entre l’immense fleuve St-Laurent et les forêts d’épinettes noires, Baie-Comeau se trouve à près de 700 km de Montréal et est accessible par la longue et sinueuse route 138. Lieu de naissance de plusieurs célébrités (dont l’Honorable Brian Mulroney et la comédienne Sylvie Drapeau) et lieu de nature à l’état brut, Baie-Comeau célébrait son 75e anniversaire l’an dernier. Cette ville est également séparée en deux secteurs distincts : Mingan (ancienne Hauterive qui a été fusionnée en 1982) et Marquette, le Baie-Comeau « original ».

J’y ai habité près de 20 ans et je peux vous dire que les Baie-Comois sont des toughs. Ce monde-là a appris à conduire des quatre-roues avant même de savoir pédaler. Ils savent partir des feux sans rien, caler de la bière en courant un rallye ou affronter n’importe quel froid sibérien grâce à leur suit de skidoo Polaris. Ce n’est pas surprenant, ils se sont baignés toute leur jeunesse dans les lacs pollués par la Reynolds (aujourd’hui l’Alcoa). Ça les a endurcis!

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Laissez-moi maintenant vous parler des secrets de cette place où on met des frocs, pas des manteaux et où on arsout plutôt que d’arriver.

1- Le frette
Commençons par régler la question que tout le monde se pose : fait-il vraiment froid sur la Côte-Nord ? Bien entendu, durant l’hiver il fait froid, comme partout au Québec. Est-ce plus froid qu’ailleurs ? Je ne pense pas. Mais une chose est sûre par exemple, les étés sont beaucoup plus frais! Saison tellement courte qu’elle semble parfois n’être qu’un mirage, l’été nord-côtier s’échelonne entre la St-Jean et la Fête du Travail, si on est chanceux. L’été est court et venteux, personne ne peut le nier. Le soir, la petite laine est de mise. Le jour, la crème solaire « 15 » est suffisante. Mais on s’y fait! La Côte-Nord est le seul endroit que je connaisse où on mange sa crème molle dans la voiture parce qu’il fait trop froid dehors. C’est également le seul endroit où on a toujours le vent dans la face en vélo et où il fait plus chaud dans la piscine qu’en dehors de l’eau. Ceci dit, je ne pense pas me tromper en affirmant qu’aucun habitant de Baie-Comeau n’envie les canicules accablantes des grandes villes!

2- Le Parc des Pionniers

Le Parc des Pionniers est l’endroit tout indiqué pour commencer votre visite touristique de Baie-Comeau. Longtemps un vaste terrain de garnotte sous-utilisé, le Parc des Pionniers peut maintenant être qualifié de coquet, avec ses pistes cyclables et ses appareils sportifs en plein-air. C’est à la fois le plus bel endroit de la ville pour admirer le fleuve et le lieu de tournage du film « La turbulence des fluides ». N’hésitez pas à admirer les berges où fut tourné ce long métrage mettant en vedette Pascale Buissières et qui avait pour prémisse les marées. L’arrêt obscur de ces dernières provoquait d’étranges événements et rendaient les gens de la ville un peu simplets. Pour finir la visite du Parc, retournez-vous et admirez la légendaire usine de pâte et papier née Quebec North Shore, ou le moulin pour les intimes. Si vous êtes chanceux, vous pourrez peut-être sentir ses effluves, qui donnent à ce secteur de Baie-Comeau un charme odorant unique.

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3- La statue du colonel McCormick
Tout voyage culturel doit avoir sa série de photos cocasses avec des statues. Ça fait toujours rire, n’est-ce pas? Qui ne rêve pas de poser aux côtés d’un vrai explorateur qui a marqué l’Histoire? La statue de McCormick, fondateur de Baie-Comeau, vous en donnera pour votre argent. Bien assis dans son canot, le colonel rame pour ainsi dire, vers les territoires inexplorés de la Côte-Nord. Prenez place dans son canot et vous aussi, laissez-vous envahir par l’appel des contrées lointaines, tout en faisant bien rire les locaux qui passeront par là en même temps! Ville fondée officiellement en 1937 et qui était destinée à un avenir prospère à l’époque (grâce à l’abondance de ses ressources naturelles), Baie-Comeau a préféré le nom de Napoléon-Alexandre Comeau, un naturaliste de la région à celui de McCormick. Mais somme toute, c’est la statue de ce dernier qui en est un symbole.

4- La 2e Baie
Dans le secteur Mingan, « en bas de la côte », on trouve une plage au bord de la rivière Manicouagan qui a fait bien jaser dans mon temps. Ce joli bout de plage devenait pendant certaines nuits, un lieu de déchéance et de beuverie. Quand l’appel était lancé, tels les Mangemorts devant la Marque des Ténèbres, les fidèles fêtards s’engouffraient dans le sentier menant à la 2e Baie pour enligner quelques bières autour d’un grand feu de joie. Aujourd’hui, l’endroit est redevenu une simple plage paisible où il fait bon se détendre. Pour ceux qui visiteraient le coin pendant le jour et qui seraient tentés de s’y baigner, je vous le déconseille fortement. La légende raconte qu’il y aurait eu tellement de bouteilles de bières lancées dans la rivière que le verre cassé couvrirait le fond l’eau.

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5- Le Cap
Vous aimez les sensations fortes? Venez sauter du cap, un précipice formé avec l’écoulement des eaux des canaux de déviation des barrages de la Manic. Personne ne connait l’élévation exacte du cap, mais c’est haut. On raconte que ce serait aussi élevé qu’un lampadaire ou un lampadaire et demi. On dit aussi que l’eau est sans fond. Il paraît que plusieurs y ont pris les plus gros « flats » de leur vie, que la chute est tellement intense que d’autres se seraient évanouis en entrant dans l’eau ou qu’un de leur bras se serait cassé. Oui, c’est très dangereux, mais si vous avez un esprit insouciant et téméraire, demandez à un local de vous amener là-bas (le trajet fait partie de l’expérience puisqu’il n’est pas rare de croiser des animaux tels des hérissons ou oursons). Mais attention! Après avoir rassemblé votre courage pour tenter le grand saut, il faut pouvoir regrimper la paroi de roche (aucun aménagement ne facilitera votre remontée). Comme quoi le développement hydroélectrique est aussi très palpitant.

6- La Place Lasalle
Le « centre-ville » revampé de Baie-Comeau est un peu comme le Plateau-Mont-Royal de la ville, mais sans les problèmes de déneigement. C’est la place branchée pour trouver des produits fins et bios, du café fraîchement moulu, du linge griffé, des œuvres d’art locales, des restaurants et des bars. La Place Lasalle héberge également L’Ouvre-Boîte culturel, un organisme à but non lucratif ayant pour mission la promotion des arts et de la culture régionale. Une belle initiative locale qui fait bouger cette ville trop souvent qualifiée de « plate ». En tout cas, comme dirait un vieux grincheux : dans mon temps, on n’en avait pas des endroits aussi intéressants! Je suis également contente de constater que beaucoup de jeunes retournent vivre à Baie-Comeau après leurs études, contrant ainsi un peu l’exode rural et amenant du dynamisme!

7- Les écoles

Il y a deux polyvalentes à Baie-Comeau, la Polyvalente des Baies ou PDB située dans le secteur Marquette et l’École secondaire Serge Bouchard (anciennement la Polyvalente des Rives ou PDR) située dans le secteur Mingan. Deux grosses écoles du style « Breakfast Club » qui cultivent une bonne rivalité entre elles, surtout dans les équipes sportives. Il y a aussi une minuscule école anglaise et une privée, mais la plupart des jeunes vont à la poly, dans leur secteur de résidence. C’est seulement au Cégep que nous commençons à vraiment connaître les étudiants provenant des autres écoles secondaires. Le Cégep offre tous les programmes préuniversitaires et quelques techniques dont certaines touchant à la foresterie. Des étudiants de partout au Québec viennent étudier à Baie-Comeau dans ce domaine (les fameux TACH). Il y a même des résidences pour ces étudiants « étrangers » qui sont un lieu d’histoires et d’anecdotes pas toujours catholiques. Le petit Cégep de Baie-Comeau a une grande vie étudiante, avec chaque année, une compétition entre les concentrations, le Festi-Fun. Une semaine d’activités telles que Dames Shooters ou Bercethon (de bières) et plusieurs autres défis qui à l’occasion ne concernent pas l’alcool. C’est après le Cégep que la ville se vide de ses jeunes qui vont étudier à l’université dans les grands centres urbains et qui trop souvent, ne reviennent jamais y vivre.

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8- Le hockey
Baie-Comeau est définitivement une ville de hockey où l’odeur des arénas est sacré patrimoine culturel. La ville a son lot d’équipes mineures menant une grande rivalité contre les autres équipes locales et nord-côtières. De plus, tel Montréal et ses Canadiens, Baie-Comeau a les Drakkar, une équipe de Hockey de la ligue Junior Majeure du Québec (LHJMQ). Tout comme les Montréalais, les Baie-Comois ont la chance d’entendre à la radio les commentaires d’analystes et de partisans enflammés par la performance de leur équipe fétiche. Le Drakkar, qui signifie « bateau de viking », a usé tous les jeux de mots touchant à la « navigation vers la victoire » et a fait « ramer » les spectateurs dans le vide en guise d’expression de leur immense joie devant un but marqué par leurs héros sur lame. Oh oui, Youppi n’a qu’à aller se rhabiller puisque le Drakkar a Snorri la mascotte de viking qui sait comment faire enflammer le Centre Henry-Leonard!

9- Sports d’hiver
Dans une région comme la Côte-Nord, le Baie-Comois se doit de développer une passion pour l’hiver s’il veut être heureux. Par chance, la Manicouagan est un terrain de jeu rêvé pour l’amateur de sports d’hiver : motoneige (l’activité de prédilection dans la région), le patinage, le hockey, la raquette, le ski de fond : tout est possible et à une fraction du prix des « grandes villes ». Et si vous avez le goût de faire des tours de télésiège, rendez-vous au Mont Ti-Basse, la station de ski du coin. Petite montagne où on se doit de descendre les pentes en ligne droite pour se rendre en bas sans patiner et où on retrouve encore un T-bar en bois, très apprécié des planchistes. Lieu de socialisation plutôt que de performance, le centre de ski propose un excellent après-ski avec foyer, bière et poutine. Le décor est enchanteur et figé dans le temps, mais il fait toujours bon s’y réchauffer quand le nordet se fait aller à l’extérieur.

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10- Cueillir des bleuets
Le Saguenay-Lac-St-Jean prétend avoir les plus beaux bleuets du Québec. Eh bien, c’est faux! Faites un tour à Baie-Comeau au mois d’août pour vous convaincre du contraire. Prenez la route vers l’aéroport et arrêtez-vous sur le bord du chemin muni de vos petits pots de plastique. Il est certain que vous allez apercevoir des talles de ces petits fruits bleus autour de vous. C’était une activité synonyme de calvaire lorsque j’étais jeune. Mais aujourd’hui, rien n’est plus valorisant que remplir un pot de margarine de bleuets en 4 heures en compagnie des mouches noires pour ensuite cuisiner de délicieux desserts aux bleuets, comme le faisaient nos grands-mères, pas vrai ?

11- La route
Faire de la route fait partie des gènes des Baie-Comois. On a été élevé à endurer les longs trajets (normal, se rendre à Québec prend 5 heures et Montréal, 8 heures). Se « taper » de longues distances ne nous effraie pas. On aime tellement faire de la route qu’il n’est pas rare de voir des gens partir magasiner une journée aller-retour à Chicoutimi. Aller passer un jour à Québec et revenir le lendemain est tout à fait normal. Mais quand on roule autant sur la 138, on développe des mauvais plis. Madame Jérôme-Forget a longtemps parlé du « syndrome de la pépine », les Nord-Côtiers eux, souffrent du « syndrome de la traverse ». Pour ceux qui l’ignorent, la rivière Saguenay se jette dans le fleuve St-Laurent à la hauteur de Tadoussac. À cet endroit, il n’y a pas de pont mais un traversier qui fait la navette en continu. L’escale peut sembler charmante pour les vacanciers qui en profitent pour observer les baleines, mais pour les résidents, ça peut tourner à l’obsession. Rien ne fâche plus un aguerri de la 138 que de manquer le bateau! Les gens de la Côte-Nord connaissent le timing du traversier. Trente minutes avant d’arriver, ça commence à les fatiguer. Ils accélèrent pour arriver plus vite. Et à la sortie du bateau, c’est bien pire! Tasse-toi matante, il faut rattraper le temps perdu. Soyez averti!

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Difficile de tout dire en 10 points. Je n’ai pas pu parler du Jardin des Glaciers (allez voir le site Web!) ni du Vert Feuillage (le vieux bar plutôt miteux dont personne ne se remet de la fermeture). Ce sera pour une prochaine fois! D’ici là, je vous souhaite d’aller vous aussi prendre une grande bouffée d’air frais dans cette belle grande région!

Julie St-Pierre
Visitez mon blogue : lachevrerie.wordpress.com

Baie-Comeau en images