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Des pas grand-chose à faire ou à voir dans ce petit village des Cantons-de-l’Est à l’une des extrémités du lac Massawippi, on découvre une petite bourgade qui n’a rien à envier, dans sa belle saison, à Magog ou, pire, à North Hatley (mais ça on y reviendra). Ayer’s-Cliffois, Ayer’s Cliffoises, soyez rassurés, nous saurons faire rayonner votre patelin. Lieu des plaisirs simples, des plaisirs sains (si tant est que de participer à = des courses hippiques l’est) et de la poutine, Ayer’s Cliff, bicentenaire, rebondit de culture. C’est l’histoire d’une ville qui hibernait chaque année pour mieux revivre au printemps….
1. Cet endroit dont Wikipédia préfère parler en anglais
Près de la frontière américaine, on paie l’essence moins cher du litre. C’est un incitatif raisonnable pour empêcher les locaux d’avoir l’envie de passer les lignes afin d’économiser sur le prix du gaz. Incidemment, on y parle aussi beaucoup anglais pour des raisons historiques (les premiers habitants ayant étés des américains de passage), géographiques et touristiques (vu le tourisme abondant de Boston et de New York pour la villégiature), et parce que 58% d’anglophones peuplent Ayer’s Cliff. Riche de ce patrimoine mixte, la petite ville possède trois églises, question d’accommoder toutes les confessions religieuses, deux écoles secondaires, une francophone, une anglophone, et une seule cabane à patate puisque, là-dessus, tout le monde s’entend. La devise de la ville est même en bilingue sur leur site; L’esprit des Cantons; The spirit of the townships, c’est-y pas beau ça?
2. Le nom, un coup de pub
Qui aurait cru que jusqu’au nom de la ville était pensé pour attiser l’envie du touriste en quête de verdure ? En effet, après les abénakis, Ayer’s Cliff fut découverte par un dénommé John Langmaid, du New Hampshire, qui décidera de s’installer dans ce coin de pays qu’il nomme à sa suite Langmaid’s Flat. Il y exploitera un hôtel de diligences où seront accueillis les voyageurs américains. La propriété sera rachetée par Thomas Ayer qui renommera la communauté Ayer’s Flat, en 1799 afin d’y établir une ligne de chemin de fer. Le nom de Flat, qui réfère à l’idée qu’on s’en fait en français d’un endroit plat, bas, et mouilleux, voire marécageux, n’enchante guère les investisseurs et autres riches voyageurs, ce pourquoi, dès 1904, la communauté sera renommée Ayer’s Cliff pour mettre davantage en relief le paysage montagneux et escarpé qui fait sa renommée.
3. Des bonheurs de la fête foraine
Depuis 1845, la foire d’Ayer’s Cliff égaie la population locale et des environs vers la fin de l’été chaque année. Avec ses attractions foraines, ses parade d’outils agricoles, les paris sur les carrioles, les rodéos bovins et équestres et les fameuses courses de barils, rien ne manque pour le plaisir des sens et pour votre culture hippique personnelle. À titre informatif, pour les néophytes en la matière, la course de barils est un type de concours d’habiletés équestre durant lequel le cavalier et sa monture doivent contourner toute sorte d’obstacles créés par des barils habilement disposés ça et là. À la foire d’Ayer’s Cliff, tout le village s’anime tout d’un coup d’une population enthousiaste et nombreuse, tellement qu’il est de mise de stationner le plus loin possible, voire dans un village voisin puisque la populaire activité entraine un engorgement radical de la rue principale et ce, sur la longueur du village. Sans même avoir nains et femmes à barbe, la foire est un genre de théâtre de curiosités, version agricole. De celles-ci:
– Le pop-corn à 25 cennes;
– La présence de lamas (je comprend que la mondialisation s’étend jusqu’au domaine agricole mais tout de même…);
– Les concours de tirs de tracteurs et de machines agricoles multiples;
– Et, vu de mes yeux vus, une roulotte proposant des piercing à pas cher sur un menu vissé à même la shop à roues, offrant des petites modifications corporelles en pleine foire agricole dont le perçage… des parties génitales. Vous pensiez docilement manger de la barbe à papa mais… pourquoi pas?
4. Savoir diversifier le commerce
Feu le Slack, il ne reste plus de magasin géneral à Ayer’s Cliff. En fait, il en reste un mais c’est un magasin très peu général, se concentrant sur la vente de bébelles et de décoration. La décoration est un commerce prospère au village; entre deux et quatre magasins de décoration y prospèrent selon la saison. Vous pourrez en déduire que les ayers cliffois sont particulièrement coquets OU que la ville a une tendance à faire prospérer les hippies, immigrés et artistes qui aiment venir s’établir un petit commerce de jolies choses. D’autres plus aventureux s’essaient tout de même dont le chien pêcheur, une boutique d’articles pour les chiens et pour les pêcheurs – vraiment – et la bonbonnerie qui, à défaut d’enfants suffisants loue également des films. Pourtant, pour faire ses emplettes, l’idéal est de concentrer ses efforts sur les ressources locales et typiques qui se mettent à apparaître sous l’impulsion de la foire et du Woods tels que le marché fermier où il est possible d’acheter les produits – nombreux – des fermes voisines ou les ventes de garage et brocantes avec pignons sur rue qui poussent avec le muguet et qui sauront vous permettre de trouver des merveilles d’antan à des prix archaïques.
5. Le graisseux qui était plus gros que l’hôtel de ville
Le Woods, même s’il n’est ouvert que quelques mois par année, régule le pouls de la ville. Loin du shack à patate traditionnel, c’est à la fois le restaurant du village, le point de rencontre des jeunes et des moins jeunes et la grande sortie du dimanche. Autrefois de taille modeste, les rénovations en ont fait une immense maison de type relais routier mégalomane ou fausse auberge avec de l’espace intérieur pour une bonne centaine d’âmes, des tables extérieures et toujours la petite fenêtre coulissante par laquelle il est possible de commander le take-out. On y vend un faux Big mac du nom de Big Wood et les crèmes glacées Coaticook de toutes les couleurs. En plus, si vous le mangez dehors, vous aurez une vue imprenable sur le grand moulin trônant au milieu de la ville où les fermiers peuvent venir chercher du grain.
6. Détester North Hatley
Habiter aux abords d’un lac bucolique attire à la fois l’abondance d’un tourisme estival mais aussi une sorte de compétition de cutitude entre les différents prétendants au titre modeste de petit paradis sur terre. Passe-temps trivial et somme toute assez divertissant, comme la rivalité Québec-Lévis ou Laval- Montréal, Ayer’s Cliff travaille son chauvinisme citoyen en détestant son correspondant du nord du lac; North Hatley. Il est facile de détester North Hatley et ses habitants puisque là-bas, plus de gens connus y ont séjourné ou s’y sont acheté des chalets luxueux, et de plus nombreux beaux et bons restaurants s’y sont installés. Il y eut autrefois un traversier qui passait de Ayer’s Cliff vers North Hatley, le “Lady of ” quelque chose m’a-t-on dit, mais sa disparition a probablement emporté avec elle la notion de bon voisinage. Pour l’anecdote, afin de manifester son appartenance à sa contrée, une initiative citoyenne de faire imprimer des t-shirt “Fuck North Hatley” fut lancée par un quidam et eut, selon mes sources, un succès relatif.
7. Le charme discret de la bourgeoisie
Une fois éreintés de détester North Hatley, vous pourrez vous rendre compte que le joli patelin qu’est Ayer’s Cliff, avec ses racines de repos des riches est demeurée sinon chic, disons, cossue par endroits. Il suffit, pour s’en convaincre, de passer devant le très chic Ripplecove Inn sur le bord du lac Massawipi ou de constater la présence du collège Rivier en face du lac, un établissement d’enseignement privé qui éduque vos enfants – ou plutôt ceux des autres – pour un prix chic. C’est l’autre type de tourisme qui peuple Ayer’s Cliff: le tourisme d’américains riche, de gens d’on ne sait pas toujours où puisqu’ils disparaissent à la première feuille orange, avec leur fortune; c’est comme le Maine des ricains mais ils restent assez discret pour qu’on puisse ne même pas s’en rendre compte si l’on ne s’y attarde.
8. De la mollesse de la Main
Comme tout patelin qui se respecte, Ayers cliff possède ses ragôts et autres histoires à saveur de peut-être. C’est à grand coup de «ej te’l dis» qu’on entend parler des fantômes des voisins en cassant la croute au Maurice alors que le Woods est en jachère. On parle du grand Jack, ce va-nu-pied qui se promenait les pieds pas habillés pour faire peur aux enfants, de la vieille folle qui criait à personne ou de la famille des coucous, cette famille d’excentriques qui allaient de maisons en maisons, et il fallait le vouloir, afin de tenter de trouver des jobines. Cependant, le plus connu est le fantôme d’Ayer’s cliff, cet esprit malin ayant pour manie de déplacer les objets, les couverts, et les ce-qui-n’aurait-pas-dû-bouger dès que vous avez le dos tourné. Il aura fallu plusieurs années et autant de théories pour comprendre (peut-être moins aux vrais malins) que ce fantôme n’est dû qu’à une Main instable qui, au passage d’un gros camion ou de trop de voitures, fait trembler les planchers des installations avoisinantes.
9. Faire du tourisme
Ce point est, au demeurant, assez important, sinon crucial puisque si vous y allez c’est plus probable que ce soit pour y profiter de ses ressources touristiques que parce que:
a)vous vous êtes perdus en tentant de trouver la mythique crème glacerie de Coaticook
b) vous avez un membre de la famille parmi les 1200 habitants
c) vous trouviez que la poutine vaut vraiment le détour
Deux bars pourront vous accueillir, celui de l’auberge ayant un jukebox tactile – oh oui – ou le bar Massawipi. Dans tous les cas, l’impression sera la même: pour 10 secondes tu te demandera si t’es pas au mauvais endroit et cinq minutes après, tu feras partie des meubles. Loin de la campagne Walt Disney, on y découvre les vrais habitants, tsé, ceux qui y restent à longueur d’année et qui travaillent de leurs mains et les jeunes étant venu s’y installer pour retourner aux sources. Pour découvrir les saveurs locales, vous irez visiter le camping de roulottes, les pontons à louer et la superbe chute de Burroughs Falls, l’endroit de prédilection pour toute activité illicite, mais aussi le plus bel endroit pour se baigner dans une chute vive même si c’est passablement déconseillé. Il y eut un temps ou on aurait dit à ces messieurs qu’une certaine école primaire d’un village voisin avait été transformée en bar d’effeuilleuses mais c’est maintenant chose du passé. On vous conseillera plutôt d’aller festoyer avec les hippies au shazamfest, un festival de musique et de lutte féminine. Un genre de woodstock-en-beauce-des-bois-en-estrie. Pour les plus oseux, si vous suivez le chemin du bunker vers Fitchbay, il y aurait même une maison de sorcière et ce n’est pas une question de rang mou….
10. En l’absence de célébrités, on s’abstient
Corrigez-moi si je me trompe – et je l’espère, croyez-moi – mais Ayer’s Cliff n’a pas vu grandir de personne connues ou à tout le moins des célébrités ayant su s’exporter extra-régionalement parlant. Vous constaterez toutefois vite – si vous vous y rendez – que ce petit bout de pays n’en a pas besoin et que de toute façon, en région, les vedettes on se les partage, comme un peu tout d’ailleurs, tel qu’en témoigne ce pamphlet de la municipalité dont 10 des 20 activités proposées sont en dehors de la ville…
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