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La vie aprùs le masque obligatoire
 en Ontario

Spoiler alert : presque tout le monde le porte pareil.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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Pendant que le gouvernement annonçait en point de presse que le masque restera obligatoire jusqu’à la mi-mai, j’entreprenais un voyage dans le futur jusqu’en Ontario, oĂč le couvre-visage n’est plus requis depuis le 21 mars.

Une bonne façon de voir ce qui nous attend ici, lorsque sera levĂ©e la plus symbolique des restrictions – en vigueur dans les lieux publics fermĂ©s depuis juillet 2020. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vice-premiĂšre ministre GeneviĂšve Guilbault ne bullshitait pas lorsqu’elle avait lancĂ© Ă  l’époque que cette mesure serait lĂ  « pour un bon bout de temps ».

Le QuĂ©bec fait d’ailleurs figure de village gaulois dans le monde du masque, Ă©tant la derniĂšre province canadienne Ă  l’obliger encore.

Bref, pendant que la sixiĂšme vague continue de prĂ©occuper la santĂ© publique, je me suis lancĂ© sur l’autoroute 417 en direction de la capitale nationale du plusse beau pays au monde.

Le port du masque, c’est de la petite biĂšre Ă  cĂŽtĂ© de la rĂ©volte des dindes sauvages qui nous guette.

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Premier constat : il y a beaucoup de dindons sauvages Ă©parpillĂ©s sur les terres agricoles longeant la voie rapide. Ok, ça n’a aucun rapport avec le port du masque, je sais, mais je jugeais important de partager une telle observation. D’ailleurs, si mes souvenirs sont bons, la redoutable dinde noire s’était Ă©pivardĂ©e sur un couch de cette rĂ©gion il y a une couple d’annĂ©es. Tout ça pour dire que le port du masque, c’est de la petite biĂšre Ă  cĂŽtĂ© de la rĂ©volte des dindes sauvages qui nous guette.

Bon, revenons à nos dindo
 masques.

DĂšs que je traverse la frontiĂšre ontarienne, je fais un premier arrĂȘt dans la premiĂšre station-service que je croise pour Ă©videmment aller faire lĂ©galement mon gigon pas de masque dans un commerce.

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En entrant chez Herb’s (une sorte de Madrid avec des avions au lieu des dinos), je me sens aussi rebelle que le monsieur qui s’était fait sortir cul par-dessus tĂȘte d’un Tim Hortons au dĂ©but de la pandĂ©mie.

Sans farce, ça fait quand mĂȘme bizarre sur le coup.

On s’habitue par contre rapidement aux transactions plates de l’ancien monde, oĂč le port (ou non) du masque ne change rien au fait QUE J’EN VEUX PAS DE CÂLISSE DE 6/49 AVEC MA PINTE DE LAIT.

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« Ça fait du bien hein! », concĂšde l’employĂ©e derriĂšre la caisse, l’air de s’émouvoir de mes premiers pas dans le monde post-apocalyptique. « Ça fait du bien en tout cas de voir les sourires des clients et de comprendre enfin ce qu’ils racontent! », ajoute la commis, qui savoure plus que jamais ses quarts de travail dĂ©masquĂ©s. « Certaines personnes le conservent, mais c’est une minorité », renchĂ©rit-elle.

Je reprends la route sans me douter qu’une rĂ©alitĂ© complĂštement diffĂ©rente m’attend au centre-ville d’Ottawa, oĂč je gare ma rutilante Kia rondo en face du palais de justice sur la rue Elgin.

« Ça fait du bien de voir les sourires des clients et de comprendre enfin ce qu’ils racontent! »

Un crachin agaçant s’abat sur les nombreux passant.e.s des trottoirs de l’artĂšre commerciale. Ce qui frappe d’emblĂ©e, c’est que pratiquement tout le monde porte le masque – mĂȘme Ă  l’extĂ©rieur –, incluant cette jeune femme vĂȘtue d’un coton ouatĂ© « Sex, drugs and Lobster roll ».

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« Le masque n’est pas obligatoire, mais il est fortement recommandé », peut-on lire sur la vitrine d’une librairie voisine d’un dispensaire de cannabis.

À l’intĂ©rieur, tou.te.s les client.e.s et employĂ©.e.s conservent le masque. TannĂ© de me sentir comme quelqu’un qui fume dans son char les fenĂȘtres baissĂ©es avec des enfants sur la banquette arriĂšre, je remets vite le mien. « C’est Ă  la discrĂ©tion de la clientĂšle et du personnel, mais c’est surtout devenu une question de gros bon sens. Et comme il y a encore beaucoup de cas  », justifie le gĂ©rant Michael Varti.

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Le libraire a bon espoir de retrouver un jour une vie normale, sans masque, mais prĂ©voit d’abord une bonne pĂ©riode d’adaptation. « MĂȘme dans les magasins Ă  grande surface, la majoritĂ© des gens le portent toujours, dans une proportion d’environ 70/30 », estime M. Varti.

Je me dirige ensuite vers le supermarché le plus proche, rue Metcalfe, pour voir si la statistique du libraire colle à la réalité.

La réponse est oui. La forte majorité des gens portent le masque, presque à 100 % du cÎté du personnel, sauf un agent de sécurité.

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J’accroche une jeune femme masquĂ©e dans le rayon des cĂ©rĂ©ales pour lui crier « POURRRRRRQUOIIIII? » Ă  deux pouces du visage. « Mieux vaut prĂ©venir que guĂ©rir », rĂ©torque Fiona, invoquant aussi le proverbial gros bon sens.

Elle impute Ă  la hausse des cas sa dĂ©cision de continuer Ă  le porter. « Mon entourage le porte encore, indique-t-elle. Je ne pense pas qu’on reviendra un jour en arriĂšre lĂ -dessus. Mon mari et moi allons par exemple toujours le mettre en avion. »

« MĂȘme dans les magasins Ă  grande surface, la majoritĂ© des gens le portent toujours, dans une proportion d’environ 70/30. »

La trentenaire ne constate par contre aucune tension ou animositĂ© entre les gens qui prennent la dĂ©cision de le porter et ceux qui l’enlĂšvent. « J’essaye de ne pas faire sentir mal personne, c’est une question de respect mutuel. Et je sais bien que c’est pas confortable! », souligne-t-elle.

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J’aperçois au loin une cliente sans masque, sur laquelle je me garroche comme une gouttelette sur le monde vulnĂ©rable. « Je le traĂźne toujours avec moi et je le porte au feeling, explique VĂ©ronica. S’il y a plein de monde, je le mets. Ici, c’est grand et facile de maintenir une distanciation. »

Lisa, un peu plus loin, ne le porte pas parce qu’elle n’a pas mis ses verres de contact et que c’est chiant, la buĂ©e dans ses lunettes. « Les gens doivent se dĂ©shabituer de le porter », analyse-t-elle en prenant conscience que tous les gens sont masquĂ©s autour d’elle.

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Pour Amara, une artiste montrĂ©alaise en spectacle Ă  Ottawa, c’est normal de continuer de porter le masque avec les cas qui continuent de s’accumuler. « Je pense que ça gĂ©nĂ©rerait moins de tension sociale de l’imposer », souligne-t-elle, convaincue que le masque est lĂ  pour rester encore plusieurs annĂ©es.

À la pharmacie voisine, Skylar fait ses emplettes sans masque pour ĂȘtre consĂ©quente avec elle-mĂȘme. « Je travaille dans un restaurant et je ne le porte pas. Je me dis que si je ne le porte pas Ă  ma job, pourquoi je le ferais ici », explique la jeune femme, qui a attrapĂ© le virus au dĂ©but de la crise, sans trop de consĂ©quences. « J’ai un bon systĂšme immunitaire, mais j’ai quand mĂȘme perdu l’odorat pendant presque un mois! »

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Skylar croit que plusieurs personnes ne savent plus trop quelle est la politique en ce qui a trait au port du masque, ce qui explique pourquoi tant de gens le conservent. « Au moins, je ne me fais jamais dĂ©visager, sauf peut-ĂȘtre un peu Ă  cause de l’occupation devant le parlement, qui fait que les gens nous mettent peut-ĂȘtre dans le mĂȘme bateau que les manifestants! », lance la jeune femme.

Je me glisse derriĂšre la banquette du Zak’s Dinner pour le lunch. La serveuse vient prendre ma commande, avec son masque. Un club sandwich avec une entrĂ©e de soupe aux champignons plus tard, Tamara m’explique que le port du masque est Ă  la discrĂ©tion du staff, mais que la plupart le conservent par respect pour la clientĂšle assez ĂągĂ©e. Elle ajoute que les client.e.s exigent mĂȘme parfois que les serveuses portent leur masque.

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La jeune femme se remet elle-mĂȘme d’une COVID contractĂ©e il y a quelques semaines. « C’était pas cool, j’ai eu un gros mal de tĂȘte et tous mes amis l’ont aussi eue », raconte Tamara, d’avis que sa gĂ©nĂ©ration a fait suffisamment de sacrifices. « Je venais d’avoir 19 ans quand la pandĂ©mie a commencĂ©, j’ai ratĂ© deux ans de ma vie et lĂ  on veut juste sortir, voyager et avoir du fun! »

En quittant Ottawa, je traverse le pont du Portage et j’arrĂȘte au premier McDo de Gatineau me chercher un cafĂ© pour la route.

À l’intĂ©rieur, tout le monde porte le masque, ce qui, au final, ressemble drĂŽlement Ă  ce qui se passe de l’autre cĂŽtĂ© de la riviĂšre des Outaouais.

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