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«La Une», pour démystifier le travail des journalistes d’enquête

La série qui vous fera lire votre journal autrement.

Par
Benoît Lelièvre
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Lorsque le réalisateur François Méthé s’est lancé dans La Une, une série documentaire sur le journalisme d’enquête, la confiance des citoyens envers les journalistes était plutôt en bon état. Nous étions à l’automne 2019.

C’était avant que la COVID-19 ne paralyse la planète et empoisonne le tissu social tel une araignée venimeuse. Le refus des mesures sanitaire, les théories du complot et la méfiance envers les sources d’information jugées «officielle» prirent d’assaut les réseaux sociaux. Le timing de la sortie de La Une ne pouvait pas être plus sensible. Depuis mardi dernier et pour les huit prochaines semaines, les Katia Gagnon, Tristan Péloquin, Gabrielle Duchaine, Caroline Touzin et autres membres de l’équipe de journaliste d’enquête de La Presse+ lèveront le voile sur leur réalité de journaliste, sur la manière dont ils et elles mènent leurs enquêtes et répondront au passage à d’autres questions qui vous hantes (ou pas) sur le processus éditorial.

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Fait intéressant: La Une montre aussi le rôle que les critiques des médias jouent dans l’élaboration d’une histoire.

«Les merdias, c’est tout contrôlé par la même p’tite clique d’élites»

Après avoir regardé les deux premiers épisodes de La Une, je n’avais qu’une seule question aux lèvres, à une époque où une certaine frange de la population accuse les médias d’être à la solde des corporations, des gouvernements, des autorités sanitaires (et la liste pourrait continuer toute la journée) : «as-tu été témoin d’ingérences dans le travail des journalistes?» ai-je demandé à François Méthé assis à une table du Birra, un bar discret et sympathique à moitié rempli qui se prête bien aux conversations professionnelles en tout genre.

«J’ai vu des articles ne pas être publiés pour des raisons légales, mais je n’ai jamais vu quelqu’un être convoqué dans un bureau pour tirer la plug sur une enquête ou quoi que ce soit du genre.»

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«Je n’en ai pas observé, mais je n’en cherchais pas non plus», m’explique le réalisateur, encore visiblement habité par sa nouvelle création. «J’ai vu des articles ne pas être publiés pour des raisons légales, mais je n’ai jamais vu quelqu’un être convoqué dans un bureau pour tirer la plug sur une enquête ou quoi que ce soit du genre. Mon but était d’abord et avant tout de raconter des histoires. D’accompagner ces gens-là dans leur travail somme toute assez crucial d’un point de vue social.»

Et justement, la série apporte bel et bien des clarifications sur le processus journalistique, notamment à propos de la couverture des mouvements complotistes, anti-masques et anti-vaccins.

Lors du premier épisode (présenté mardi dernier sur les ondes de Télé-Québec) La Une suit l’enquête de Tristan Péloquin sur Stéphane Blais et la Fondation pour la défense des droits et libertés du peuple. Bien vite, un problème se profile à l’horizon : les personnes liées à la Fondation et aux mouvements complotistes au sens large refusent de lui parler. Une dame va même jusqu’à lui dire: «vous ne faites pas partie de l’élite à qui je parle» avant de lui raccrocher la ligne au nez.

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«Les journalistes ont de grosses carapaces. Ils ne sont pas là pour plaire,» précise François Méthé lorsqu’on discute de l’importance de cette scène en particulier. «Ils ne sont pas là pour raconter l’histoire que tu veux raconter et c’est peut-être plus ça qui écorche le monde.»

Les dessous du métier

«Les journalistes] ne sont pas là pour raconter l’histoire que tu veux raconter et c’est peut-être plus ça qui écorche le monde.»

Bien sûr, La Une ne se penche pas seulement sur le lien de confiance entre les médias et les citoyen.ne.s. On peut y observer les côtés plus sombres du métier, notamment à travers l’enquête de Gabrielle Duchaine et Caroline Touzin sur la pornographie juvénile en ligne. On les voit récolter les témoignages troublants de victimes et de prédateurs.

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François Méthé m’explique que gagner la confiance des protagonistes ne s’est pas fait en un clin d’oeil. L’équipe de journalisme d’enquête ne cherchant pas les projecteurs, il a dû lui prouver son sérieux: «J’ai monté une scène pour leur donner un exemple que ce que je voulais faire. Quand ils ont pu observer et mieux comprendre ma démarche, c’est devenu plus facile,» me raconte-t-il.

Avec cette confiance, Méthé a été capable de nous montrer des aspects du métier auxquels les lecteur.trice.s n’ont généralement pas accès. Par exemple, lorsque Duchaine et Touzin se font approcher par leurs supérieurs pour publier leur enquête, on les voit contester la stratégie de publication : est-ce vraiment le meilleur moment pour sortir le dossier alors que la COVID prend toute la place dans l’actualité? Est-ce que le fruit de leur travail acharné ne risque pas de se perdre dans tout le reste, alors qu’il a le potentiel de changer des vies?

Vous pouvez revoir le premier épisode de La Une sur la plateforme en ligne de Télé-Québec. Les prochains seront diffusés tous les mardis, à 21h. Une incursion fascinante dans les coulisses d’un métier parfois mystérieux.

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