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La tueuse d’une demi-tonne

Il est de ces prémisses télévisuelles qui interpellent.

Par
Catherine Ethier
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Il n’y paraît peut-être pas aux premiers abords, mais je suis une furieuse consommatrice de Canal D, ce canal où la paranoïa est reine et où le meurtre-tendresse est généralement servi avec des pinottes sur le dessus.

Un tueur si proche.
Jumeaux diaboliques.
ENQUÊTES AU FÉMININ.

Vous êtes déjà sur le bout de votre loveseat, impatients de connaître le lien de sang entre la folle raide en shorts-jeans-culottes et le tueur en runningchous. Parce que t’as beau avoir étudié Diderot et lire le dictionnaire avant de te coucher chaque soir, un petit programme judiciairo-vacillant du Canal D, c’est difficile d’y résister.

C’est pourquoi me faire porter pâle par soir de Vendredis policiers est devenu mode de vie; ce barbecue Calvin Klein au Parc Laurier attendra.

Et ce qui est fantastique avec la riche programmation meurtrière du vendredi soir, c’est qu’elle prend son temps. Eille, on n’est pas pressés. Ça fait qu’on va vous étirer ben comme faut le meurtre crapuleux de la jeune Candice pendant une grosse heure, quand on aurait pu régler son cas en une minute et quart: Candice s’est fait sacrer un coup de mailloche dans le visage par son époux.

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On le sait, parce qu’on a retrouvé son époux, mailloche en main, sur la scène du crime avec un tableau Excel détaillé du déroulement de la mort de Candice, mais on va quand même prendre le temps de décortiquer l’agencement de ses bermudas avec une palette Sico et analyser l’urine du soundman pour donner l’impression que la mort de Candice est aussi mystérieuse que le moment où quelqu’un a jugé que l’espèce de rivalité de pauvre entre les deux barres Twix, c’était une bonne idée.

CANDICE SERA PAS MORTE POUR RIEN.

Il est donc inutile de spécifier que le casseau m’a déboîté devant ce tout nouveau Docu-D à saveur d’assassinat: Une tueuse d’une demi-tonne.

N’est-ce pas formidable.

C’est qu’une tueuse d’une demi-tonne, c’est porteur en tabourette; ça réunit les meilleures affaires! Le meurtre, le « maigrir ou mourir » et la perspective de très petites mains attachées à un très, très gros corps.

La prémisse: la vie de Mayra, une bonne femme de 470 kilos (ça, c’est 1046 livres), bascule lorsqu’on la soupçonne du meurtre de son petit-neveu alors qu’elle le gardait. Ou qu’elle était présente dans la pièce à côté d’une plante grasse, parce que quand tu pèses 1046 livres, faire l’avion avec un petit gars ou lui servir un petit jus d’orange nécessite une grue, trois techniciens et un prêtre.

MAIS QU’IMPORTE.

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Tel un morceau de bifteck contre hyène, le combat était perdu d’avance: y’a pas une première communion qui allait me faire rater ça. Même pas la mienne.

L’accusation: Mayra a roulé sur son petit neveu, lui fracassant instantanément le crâne (et les perspectives d’avenir). ELLE LUI A ROULÉ DESSUS.

Cette prémisse-là est si porteuse que c’est à se demander si la Paramount ne placera pas un quadruple obèse morbide dans une pièce avec une roussette, un petit chat pis un kodak pour voir ce qui se passe. Il a-ti dû s’en sabrer, du champagne, quand c’te nouvelle pas d’allure-là est sortie. Fourches furent certes turgescentes et petits porte-monnaie, brandis.

Eh bien spoiler alert, calvaire de viarge de sainte-bénite, ça s’adonne que toute cette merveille de meurtre de grosse madame à la coupe petit page, de trahison familiale pis de chairs déplacées à l’aide d’une poulie n’était que du vent.

Un crimpuff pas stuffé.

La grosse bonne femme a jamais tué personne.

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C’est sa sœur, la mère du petit, qui lui a sacré une volée, on sait pas trop pourquoi mais c’est pas important parce que SA SOEUR À ELLE ÉTAIT TRÈS, TRÈS GROSSE.

Toute cette mise en scène. Tous ces espoirs nourris et cette écume gaspillée en me frottant les pattes comme une mouche à miel. Les foules ne se sont pas garrochées à ma porte pour me prendre en pose trois-quarts avec un petit diplôme roulé dans les mains, ce soir-là.

Une tueuse d’une demi-tonne, ce n’était que l’occasion angus de filmer les plis et replis du pli de cette pauvre femme alitée dans le vague-à-l’âme et de déployer trois-quatre hélicoptères pour la survoler avec mandat de ne pas rater une seule bouchée de ce tout petit sandwich au suif qu’elle dévore par mordées précises. Dial « M » for « meurtre accessoire ».

Même si sauvagement déçue, je suis tout de même impatiente de voir ce que me réservera le prochain Docu-D:

Une toddlers and tiaras si proche.

Un meurtrier-sans-le-savoir perd ses eaux sur un biscuit Lu (ET LE PETIT ÉCOLIER EN CHOCOLAT DISPARAÎT, JAMAIS SANS SA FILLE).

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Un pygmée réagit fortement à la photo de Jessica Tandy, morte dans son sommeil dans le Connecticut en 94, mais son regard lubrique nous fait réouvrir l’enquête et watch out les allers à la pause avec ben de l’écho dans la voix de Michel Dumont (titre de travail).

L’avenir est certes rempli de promesses et de vendredis bénis.

La bise.