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La trousse contre les surdoses de fentanyl dont vous avez besoin sans le savoir

Le puissant opioĂŻde s’invite en catimini dans la coke, URBANIA s’est procurĂ© un antidote.

Par
Barbara-Judith Caron
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Si en 2016 URBANIA a consacrĂ© un numĂ©ro entier au cannabis avec une joie non dissimulĂ©e, inutile de dire que c’est pas demain la veille qu’on verra un spĂ©cial fentanyl sur les tablettes.

Les plus récentes statistiques nous apprennent que les opioïdes tuent en moyenne huit personnes par jour au pays, la faute au fentanyl la plupart du temps. Et, fait à souligner avec votre feutre fluo préféré, plusieurs en prennent à leur insu.

Il y a quelques jours Ă  MontrĂ©al, des consommateurs occasionnels de cocaĂŻne ont eu la (mauvaise) surprise de 1) faire une overdose 2) apprendre que leur coke Ă©tait coupĂ©e avec du fentanyl. Une nouveautĂ© dont on se serait bien passĂ© et qui a fait au moins un mort, allongeant la longue liste des victimes de l’Apache.

On ne vous fera pas la morale : ce que vous ou vos amis mettez dans votre nez ou vos veines, ça ne nous regarde pas. On ne vous fera pas la morale, soit. Mais vous aider Ă  sauver une vie dans une soirĂ©e qui tourne mal, ça on va le faire. Suzanne Campbell, une sympathique pharmacienne, a acceptĂ© de nous montrer comment administrer l’antidote qui peut renverser une surdose d’opioĂŻdes.

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Bienvenue dans le merveilleux monde de la naloxone *.

OĂč en trouver

En principe, on peut en trouver dans toutes les pharmacies. En principe. AprĂšs avoir tĂ©lĂ©phonĂ© dans une dizaine de pharmacies dans la grande rĂ©gion de MontrĂ©al, toutes banniĂšre et quartiers confondus, la vaste majoritĂ© des endroits en avait en stock, sauf les trois Walmart contactĂ©s. À leur dĂ©fense, ils m’ont tous assurĂ© qu’un dĂ©lai de 24 h Ă©tait suffisant pour en commander.

Évidemment, l’idĂ©e ici est de s’en procurer en prĂ©vention et de trainer la naloxone sur soi dans les moments oĂč ça pourrait servir.

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Une trousse de naloxone, ça ne coĂ»te rien. ZĂ©ro. Gratis. Laissez votre portefeuille Ă  la maison, c’est le gouvernement qui invite.

Au comptoir des ordonnances

Comme je l’avais sur moi, on m’a demandĂ© ma carte d’assurance maladie, la orange avec un soleil dessus, vintage depuis mercredi. « C’est la procĂ©dure normale. On va indiquer Ă  ton dossier que tu as demandĂ© de la naloxone comme on le fait pour n’importe quel mĂ©dicament. Mais si tu veux que ce soit anonyme, ça se fait. Et si tu n’as pas de carte d’assurance maladie, par exemple si tu vis dans la rue, on va t’en donner quand mĂȘme. Tant que tu as 14 ans ou plus. En gros, si t’en as besoin, viens nous voir on va s’arranger » me dit Suzanne, davantage prĂ©occupĂ©e par l’idĂ©e de tirer quelqu’un d’un « mauvais pas » que de me suivre Ă  la trace.

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La trousse

Devant moi, Suzanne sort un Ă  un les Ă©lĂ©ments de la trousse : « Donc t’as deux ampoules de naloxone (je t’expliquerai pourquoi ça t’en prend deux tout Ă  l’heure), deux seringues, des gants en latex et des tampons d’alcool. » Le tout livrĂ© dans un seyant ersatz de sac Ziploc. « La date d’expiration c’est 2020, mais remplace-la chaque annĂ©e si tu peux et garde-la loin de la lumiĂšre. »

Surdose ou
?

« On ne sait pas toujours ce que la personne devant nous a consommĂ©, c’est pas toujours facile de savoir si c’est une surdose ou si la personne, par exemple, a vraiment trop bu. Normalement, la personne aura des difficultĂ©s respiratoires, les lĂšvres bleues ou de trĂšs petites pupilles et ne rĂ©agira pas si tu frottes tes jointures contre son sternum. » De toute maniĂšre, ajoute Suzanne, disons que tu te trompes et que ce n’est pas une surdose, injecter de la naloxone n’est pas dangereux. Dans le doute, fonce.

Fonce

Bon. C’est en train d’arriver. Sortez votre Ziploc et


Appellez le 911

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Mettez vos gants et assurez-vous que le liquide est bien dans le fond de l’ampoule.

Sortez la seringue de son emballage.

Prenez les tampons d’alcool, un en haut de l’ampoule, l’autre en bas.

Cassez l’ampoule.

Remplissez la seringue et enlevez les bulles d’air en donnant des pichenottes.

Vous l’avez vu des dizaines de fois dans ER ou Grey’s Anatomy (la technique dans The Knick, par contre, n’est peut-ĂȘtre pas tout Ă  fait Ă  jour). Suzanne me rassure: « Vire pas folle avec les bulles, il peut en rester. »

Visez le haut de l’épaule ou le haut de la cuisse.

Piquez dans le muscle en enfonçant l’aiguille jusqu’au bout, Ă  travers les vĂȘtements s’il le faut et hop, on injecte.

Attendez 5-6 secondes. C’est fini, mais c’est pas fini.

C’est pas fini?

Non. « Il peut s’écouler quelques minutes avant que la naloxone fasse effet. C’est super important de rester avec la personne. S’il ne se passe rien aprĂšs 5 minutes, on injecte une autre dose. » Et si elle ne respire pas, faites aller vos meilleurs skills de RCR.

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Ça a fonctionnĂ© du premier coup. Yeah.

Pas si vite. « Souvent, la personne ne sait pas ce qu’elle a pris et elle va te dire qu’elle est correcte, mais la naloxone a un effet temporaire. Ça se peut que dans les deux prochaines heures, une seconde surdose survienne sans crier gare. IdĂ©alement on sera Ă  l’hĂŽpital, mais si la personne refuse d’y aller, il faut rester lĂ  au cas oĂč il serait nĂ©cessaire de donner une deuxiĂšme dose. » Retour Ă  la case dĂ©part, en croisant les doigts.

« Souvent, la personne ne sait pas ce qu’elle a pris et elle va te dire qu’elle est correcte, mais la naloxone a un effet temporaire. Ça se peut que dans les deux prochaines heures, une seconde surdose survienne sans crier gare.»

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Évidemment, si tout ça vous arrive et que votre mĂ©moire flanche, une fiche vient avec la trousse pour vous aider. D’ailleurs, Pulp Fiction nous aura appris que c’est toujours mieux de garder les instructions proches des seringues, c’est plus rapide. Pour les visuels il y a aussi ceci, Ă  regarder (avis Ă  ceux qui supportent mal la vue des aiguilles, on y voit l’injection en bonne et due forme).

Avant de quitter le Pharmaprix avec ma trousse sous le bras, Suzanne me retient une petite minute de plus « Dis aux lecteurs qu’il y a une loi du bon samaritain au Canada qui te donne une certaine immunitĂ©. Disons par exemple que tu as une petite quantitĂ© de drogue sur toi et que tu es en libĂ©ration conditionnelle, ça ne peut pas ĂȘtre retenu contre toi. Alors, tu peux rester concentrĂ© sur la personne que t’es en train d’aider. »

Voilà. Le message est passé.

P.S. Collùgues, la trousse est à mon bureau
 si jamais. Pour les autres, vous savez quoi faire.

  • * La naloxone est un mĂ©dicament injectable utilisĂ© pour contrecarrer une surdose de fentanyl, mais aussi de morphine, d’hĂ©roĂŻne, de Dilaudid ou autre opioĂŻde.
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